1.1.3.1. Les enjeux du transfert de la connaissance
Comme nous l'avons vu précédemment, la
réussite du secteur nucléaire tient en grande partie aux
recherches sur la sûreté, la sécurité et les
nouvelles technologies. Les entreprises doivent ainsi continuer leurs
recherches. Pour cela, elles doivent maintenir et développer leurs
connaissances. Le départ à la retraite, suivi de près par
la réorganisation de tous types (fusion, acquisition, externalisation,
recentrage sur le coeur de métier, changement de projet, etc...) sont
les deux principales causes de perte de savoir pour les entreprises. Et ces
deux facteurs touchent particulièrement le domaine du nucléaire.
Avec une croissance rapide du marché dans les années 1970-1980,
les embauches ont été importantes, ce qui a créé
une pyramide des âges hétérogène. Au sein d'Areva,
les experts de niveau 3 (les fellows), qui détiennent les connaissances
les plus pointues au sein du groupe, sont plus de 69% à avoir plus de 58
ans en 2015. Il peut paraitre logique que ce soient les plus âgés
qui détiennent un plus grand nombre de connaissances. D'ailleurs, cette
tendance est aussi observable au sein du CEA puisque la majeure partie des
experts de niveau 4 (correspondant au niveau 3 chez Areva) ont entre 56 et 62
ans32. Or, ce sont aussi eux qui sont les plus proches de la
retraite. L'effet « papy-boom », que rencontre actuellement le
secteur nucléaire, accroit considérablement le risque de perte de
connaissances pour l'entreprise. Les réorganisations sont aussi un
facteur de cette perte. Lors des réorganisations, le risque de perdre
les plus qualifiés est d'ailleurs bien connu. Chez Areva, c'est plus de
2600 départs qui ont été enregistrés depuis
l'annonce du Plan de Départ Volontaire (PDV) dont des experts hautement
qualifiés. Si aucun processus de transfert de connaissances n'est mis en
place, ce sont des domaines entiers de connaissances que l'entreprise peut voir
disparaitre. De plus, comme nous l'avons vu, si la connaissance reste
figée, elle se stérilise. Il ne suffit donc pas de gérer
uniquement le transfert de connaissances lors des départs, mais durant
toute la carrière des détenteurs de connaissances. Il s'agit donc
de continuer les recherches et de les partager sans cesse pour que la
création de valeur se réalise. La concurrence sur le secteur
nucléaire est bien présente et les entreprises doivent se
démarquer. Pour cela, elles doivent répondre du mieux possible au
client en l'accompagnant. Transférer de la connaissance n'est pas un
transfert de marchandise. Sans transfert de connaissances, l'entreprise sera
dans une situation de perte constante de connaissances. Si ces dernières
sont critiques, et que leur perte est avérée, le chiffre
d'affaires peut être impacté et le coût financier pour
retrouver les connaissances acquises durant plusieurs années sera
32 Olivier MUSSEAU (CEA/DEN/DRH), L'organisation de
l'expertise scientifique et technique à la Direction de l'Énergie
nucléaire du CEA, Revue Générale Nucléaire,
numéro 4 Etre un expert, Juillet-Août 2014, p.22-28
important. D'autres situations nécessitent un transfert
de connaissances. Par exemple, lorsqu'un expert évolue et change de
domaine de travail, il doit transférer ses connaissances à un
autre. Sinon, l'entreprise sera à nouveau en perte de connaissances.
Cette situation moins fréquente est généralement peu
abordée, car les risques encourus par l'entreprise sont moins
importants. Le salarié reste dans l'entreprise et de ce fait, le
transfert de connaissances semble toujours possible. Cette situation est en
fait perverse. La connaissance étant en partie dynamique, cette
dernière sera nécessairement perdue si elle n'est pas
partagée ou mise en mouvement par l'expert.
Nous avons pris conscience maintenant que la connaissance est
un facteur important sur l'échiquier de la performance des entreprises
et en particulier celle du nucléaire. Son transfert entre les
différents acteurs d'une organisation est synonyme de création de
valeur. Il nous faut alors dès à présent identifier les
acteurs et les différents moyens de transfert des connaissances
possibles.
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