Le transfert de connaissance chez les experts.( Télécharger le fichier original )par Emmanuel DELARUE CFA IGS - Master 2 - Responsable en Management et Direction des Ressources Humaines 2016 |
1.2. Les experts possèdent la connaissance1.2.1. Les experts sont les acteurs clés de l'industrie du nucléaire1.2.1.1. Pourquoi l'expert : définition et différenciationEn soi, la connaissance ne peut être gérée. Peter Drucker disait « On ne peut pas gérer la connaissance. La connaissance est entre deux oreilles, et seulement entre deux oreilles ». Cette phrase montre à quel point la connaissance peut être inhérente aux individus. Ainsi, il est important de déterminer les personnes qui détiennent la connaissance pour pouvoir réaliser un transfert. Dans ce mémoire, nous souhaitons cibler en priorité les personnes pour lesquelles l'enjeu du transfert de connaissance est le plus fort. Cela amène à se diriger vers les populations qui détiennent un haut niveau de connaissance potentiellement stratégique pour leurs entreprises. Il est alors possible d'acquérir de la connaissance de plusieurs manières comme nous l'avons vu précédemment (cf. Figure 2 : Le processus de capitalisation et de partage des connaissances). Ce processus de capitalisation et de partage se réalise notamment lors d'expériences où les informations ayant un sens dans un contexte donné sont capitalisées. Et la personne qui capitalise le plus de connaissances semble être l'expert. En effet, Niels Bohr, physicien danois, définit l'expert comme « une personne qui a découvert par sa propre expérience douloureuse toutes les erreurs que l'on peut faire dans un domaine précis »33. L'idée de niveaux élevés de performance de par sa pratique prolongée dans un domaine donné est centrale (Ericsson et al., 1993)34. L'expert est aussi un individu reconnu comme légitime par la société35 et selon Jean Baechler (Membre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques), cette reconnaissance doit aussi se faire au niveau de ses pairs36 et c'est ce qui fait sa légitimité37. Ainsi, on ne s'autoproclame pas expert. Il doit par ailleurs être en capacité de répondre à une question précise inhérente à son domaine d'expertise. Pour les entreprises, cela doit leur permettre de s'adapter aux particularités qu'elles rencontrent dans un monde globalisé et normalisé. À ce titre, en mai 2003 la norme AFNOR NFX 50-110 a défini l'expertise comme une démarche permettant l'élaboration d'avis, ou de recommandations avec comme objectif de prévoir, d'innover ou d'expliquer l'origine d'évènements ou de catastrophes et d'établir des responsabilités ou d'évaluer des dommages, des objets ou des services. Le travail d'analyse et la compréhension des origines des phénomènes grâce à la connaissance acquise lors de ses expériences sont donc le coeur de l'expertise. Une expertise est alors « l'expression d'une connaissance formulée en réponse à une demande » 38 s'inscrivant dans un processus de décision. L'expert n'est donc pas à confondre avec le spécialiste ou le savant. Le spécialiste travaille dans un domaine déjà maitrisé techniquement. Les situations que ce dernier rencontre sont relativement simples. Il obtient une réponse immédiate grâce à la mémoire des évènements. Les réponses sont préétablies. Quant au savant, il intervient pour des problèmes et des questions générales et universelles. Il a pour objectif principal la création de connaissances et mobilise ce que Le Boterf appelle le savoir-faire cognitif39. Ainsi, ce qui distingue l'expert du spécialiste et du savant, ce sont les sujets 33 Robert Coughlan, Dr. Edward Teller's Magnificent Obsession, LIFE magazine (6 September 1954), p. 62, [en ligne], consulté le 25 juin 2016, URL : https://books.google.fr/books 34 Jean-Philippe Bootz, Eric Schenk, L'expert en entreprise : proposition d'un modèle définitionnel et enjeux de gestion, Management & Avenir, 2014/1 (n°67), p.78-100. 35 Philip Schlesinger, Frédéric Junqua, « Expertise, politiques publiques et économie créative : le cas britannique », Actes de la recherche en sciences sociales2012/3 (n° 193), p. 80-95. 36 Académie des technologies, Charte de l'expertise de l'Académie des technologies, 4 juillet 2012, [en ligne], consulté le 2 août 2016, URL : http://academie-technologies-prod.s3.amazonaws.com/2014/08/22/15/56/26 /231/CHARTE_DEF_vot_e_le_4_juillet_2012_.pdf 37 Jean-Philippe Bootz, Eric Schenk, L'expert en entreprise : proposition d'un modèle définitionnel et enjeux de gestion, Management & Avenir, 2014/1 (n°67), p.78-100. 38 Académie des technologies, Charte de l'expertise de l'Académie des technologies, 4 juillet 2012, [en ligne], consulté le 2 août 2016, URL : http://academie-technologies-prod.s3.amazonaws.com/2014/08/22/15/56/26 /231/CHARTE_DEF_vot_e_le_4_juillet_2012_.pdf 39 Jean-Philippe Bootz, Comment définir et gérer l'expert ?, [en ligne], consulté le 25 juin 2016, URL : http://www.agecso.com/wp/wp-content/uploads/2016/01/BourbaKeM-5.pdf relatifs à la capitalisation et aux transferts de connaissances d'experts qui lui sont réservés40. De plus, leur mission est en partie d'apporter une réponse adaptée à une question particulière. Il apporte en quelque sorte, des outils d'aide à la décision. Et pour le domaine du nucléaire, où chaque décision est surveillée, où chaque information est regardée de près, où il n'est laissé aucune place à l'erreur, l'expert tiens un double statut stratégique. Il est à la fois acteur de développement, d'innovation, de recherche de performance, tout en étant un « outil » d'aide à la décision. Enfin, l'expert est celui qui détient des connaissances et compétences particulières par rapport aux autres membres d'une entreprise. Il fait donc l'objet d'une attention particulière dans le champ de la gestion des compétences41. C'est donc pour ces raisons que ce mémoire porte exclusivement sur la population des experts. |
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