CONCLUSION
290. Depuis son apparition en 2008, l'interdiction du
déséquilibre significatif disposée à l'article L.
442-6, I, 2° du Code de commerce a permis de limiter les abus
de position de force dans les relations commerciales. En revanche, les
sanctions prononcées l'ont été principalement à la
suite d'assignations effectuées par le ministre de l'Économie.
Les amendes civiles élevées - dont une augmentation à
hauteur de 5 % du chiffre d'affaires du professionnel fautif est prévue
par le projet de loi Macron - ont un rôle dissuasif.
291. Chaque décision de justice et chacun des avis
rendus par les instances administratives ont permis d'affiner un dispositif
a priori flou et imprécis. L'interdiction du
déséquilibre significatif continue malgré tout
d'être critiquée par les juristes qui espèrent, tout en
restant sceptiques, que le juge finira par préciser enfin les contours
et le régime de cette notion353. Sept ans se sont
écoulés depuis l'apparition de l'interdiction du
déséquilibre significatif. Le législateur a-t-il atteint
l'objectif qu'il s'était assigné ? Les contrats entre
professionnels sont-ils désormais dénués de tout
déséquilibre significatif ou doit-on, au contraire,
considérer que ce dispositif n'est qu'un « sabre de bois
»354 ?
292. Si le dispositif a été initialement
conçu principalement pour lutter contre les abus de la grande
distribution à l'égard des fournisseurs, nous avons vu qu'il
n'était pas toujours évident ou intéressant pour les
fournisseurs d'assigner en justice leur partenaire commercial au risque de
perdre de précieux débouchés de vente pour leurs
produits355. La possibilité du ministre de l'Économie
d'agir en justice, bien qu'elle ne soit pas toujours opportune, permet de
sanctionner les déséquilibres significatifs quand les enjeux
économiques sont importants. Tel fut notamment le cas des assignations
« Novelli. » Les assignations en dehors du secteur de la grande
distribution commencent peu à peu à se développer
malgré la réticence des juges à déclarer un
déséquilibre significatif dans d'autres secteurs.
353 F. BUY, art. préc., p. 1021.
354 M. CHAGNY, « Une (r)évolution du droit
français de la concurrence ? À propos de la loi LME du 4
août 2008 », JCP G,. 2008, I, 196.
355 Cf. supra, nos 248 s.
293. Critiquée pour son immixtion dans les contrats
conclus entre professionnels, l'interdiction du déséquilibre
significatif est une réalité qui pourrait résister aux
réformes fréquentes des dispositions relatives aux pratiques
restrictives de concurrence356. En effet, si l'Avant-projet de
réforme du droit des obligations est adopté, il introduira
à l'article 1169 du Code civil, l'interdiction du
déséquilibre significatif en droit commun, droit
généralement immuable. Nous supposons que le
déséquilibre significatif du Code de commerce subira le
même sort que son homologue du Code civil, et qu'il perdurera dans le
Code de commerce. Ceci peut sembler regrettable au vu de la justification dans
certains cas du maintien du déséquilibre significatif.
294. Si l'interdiction du déséquilibre
significatif devait se maintenir, une réforme du champ d'application du
dispositif s'avèrerait nécessaire afin de délimiter les
situations dans lesquelles le dispositif trouve à s'appliquer. Cette
délimitation pourrait passer par l'établissement d'une liste de
cas d'exceptions dans lesquels le déséquilibre significatif
serait justifié ou traduit autrement que par un désavantage. Dans
l'intervalle et face à une interdiction qui semble s'installer en droit
français, les professionnels doivent prévenir les cas de
déséquilibre significatif au moment de la négociation par
une rédaction minutieuse des termes du contrat.
295. Il est certain que le droit français de la
concurrence est un droit dense et la prolifération de ces règles
risque d'entraîner une baisse de compétitivité de la
France. Elle risque aussi et surtout de pousser les professionnels à
chercher des moyens de contourner des dispositifs toujours plus
contraignants.
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356 Cf. supra, n° 4.
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