2- L'utilisation d'une clause d'arbitrage
282. Pour sécuriser davantage la transaction, la
société française peut inclure dans le contrat une clause
d'arbitrage. De plus les frais d'arbitrage sont très
élevés, ce qui décourage les parties victimes au
contentieux.
145
Nous pouvons nous poser la question de la validité de
ce type de clauses d'arbitrage, comme ce fut le cas
supra346 pour les clauses désignant le droit
applicable. Serait-il possible d'évoquer une loi de police pour
éviter l'application d'une clause d'arbitrage ? En effet, il n'y a pas
de doute que le droit de la concurrence relève des lois de police, tant
au regard du droit français que du droit communautaire347.
À propos du contournement de l'application de l'article L. 442-6, I,
5° du Code de commerce relatif à la rupture brutale des relations
établies, la Cour de cassation a rejeté un pourvoi arguant
l'inapplicabilité d'une clause d'arbitrage aux motifs que cet article
était une loi de police : « la société
française ne peut faire grief à l'arrêt attaqué
d'avoir rejeté son contredit et dit le tribunal de commerce
incompétent au profit de la juridiction arbitrale pour statuer sur le
litige »348. L'application de cette décision à
l'ensemble des pratiques restrictives de concurrence laisse envisager la
validité d'une clause compromissoire dans un contrat afin
d'éviter l'application de l'interdiction du déséquilibre
significatif.
L'accès à un arbitre cependant très reste
marginal. En effet, les entreprises introduisant ce type de clause dans leur
contrat doivent pouvoir faire face aux coûts très
élevés d'accès à un tribunal arbitral.
§2. Éviter le déséquilibre
significatif
283. Ici nous allons essayer d'envisager la
possibilité pour les parties d'éviter d'être
confrontées au déséquilibre significatif. Nous allons nous
concentrer sur la relation fournisseur-distributeur puisque c'est dans ce
secteur que la plupart des déséquilibres significatifs ont
été constatés et sanctionnés par les juges et parce
que les solutions suivantes ne peuvent être mises en place que dans ce
secteur.
284. La menace du déséquilibre significatif est
toujours présente. Le bilan nuancé de l'acceptation par les juges
du déséquilibre significatif lors des assignations faites par les
professionnels ainsi que l'efficacité du dispositif nous amènent
à envisager des solutions alternatives de protection contre le
déséquilibre significatif différentes de son
interdiction.
346 Cf. supra n ° 280.
347 J.-B RACINE, « Droit économique et lois de police
», RIDE, janv. 2010, p. 65.
348 Cass. 1re civ., 8 juill. 2010, no
09-67.013.
146
Des solutions sont possibles dans la relation
fournisseur-distributeur. Ces solutions alternatives sont d'autant plus
justifiées dans cette relation du fait de la difficulté
rencontrée par certains fournisseurs à utiliser le dispositif
interdisant le déséquilibre significatif349.
285. La protection contre le déséquilibre
significatif pourrait se faire notamment grâce aux produits proposant une
plus forte valeur ajoutée (A). En effet, ce type de
produit permettrait d'éviter l'état de dépendance des
fournisseurs vis-à-vis des distributeurs et ainsi éviter de se
voir soumettre des conditions créant un déséquilibre
significatif. Un autre moyen pour les fournisseurs de se protéger du
déséquilibre significatif est simplement d'éviter toute
relation commerciale avec les distributeurs (B). Les
fournisseurs pourraient distribuer eux-mêmes leurs propres produits.
A. Éviter le déséquilibre
significatif grâce à des produits à valeur
ajoutée
286. Une des solutions envisagées pour éviter
le déséquilibre significatif est d'équilibrer
l'état de dépendance dans lequel se trouvent certains
fournisseurs à l'égard des distributeurs. Pour éviter
l'état de dépendance, les fournisseurs pourraient
développer des produits offrant une plus grande valeur ajoutée.
Le distributeur étant contraint de s'approvisionner avec ces produits
plébiscités par les consommateurs du fait de leur qualité
et de leurs propriétés spécifiques.
La valeur ajoutée peut être donnée
à ces produits par le biais de signes distinctifs, comme les
Appellations d'origine protégée (AOP), les Appellations d'origine
contrôlée (AOC), les Indications d'origine protégée
(IGP), le label rouge, etc.350. Ces indications peuvent constituer
un atout pour les produits et pourront éventuellement fidéliser
une clientèle.
Malheureusement, tous les producteurs ne peuvent pas se
soumettre aux cahiers des charges à respecter pour avoir l'autorisation
d'apposer ces signes sur les produits. Cela peut être dû à
un manque de moyens financiers ou juste à une situation
géographique empêchant le respect des cahiers des charges.
L'adhésion à une coopérative agricole, par
349 Cf. supra nos 248 s.
350 Pour plus d'information sur ces signes distinctifs consulter
: http://www.inao.gouv.fr/
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exemple, peut être une solution à ces
problématiques. En effet, les coopératives agricoles constituent
un véritable levier de différenciation des produits alimentaires
puisque la mutualisation des moyens permet d'atteindre des objectifs, tels que
la création de produits à valeur ajoutée.
Les risques posés par ces solutions sont de
créer un effet inverse, c'est-à-dire que des dispositions
constituant un déséquilibre significatif soient soumises aux
distributeurs par le pouvoir de négociation des producteurs de produits
à valeur ajoutée.
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