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Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales.

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par Lorena Cortissoz
Paris Dauphine  - Master 2 Droit approfondi de là¢â‚¬â„¢entreprise 2014
  

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CHAPITRE II. L'UTILITÉ DU DISPOSITIF INTERDISANT LE DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF

260. Le dispositif interdisant le déséquilibre significatif est-il utile ? Pour répondre à cette question, nous allons nous interroger sur l'opportunité de l'intervention du législateur en la matière (Section 1). Ensuite, nous étudierons l'efficacité du dispositif (Section 2). Est-il possible de contourner l'interdiction du déséquilibre significatif ? Est-il envisageable d'éviter l'apparition d'un déséquilibre significatif autrement que par son interdiction ?

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Section 1. L'opportunité de l'intervention du législateur pour éviter le déséquilibre significatif

261. Le législateur devait-il intervenir ? Les parties pouvaient-elles éviter le déséquilibre significatif sans aide du législateur ? (§1) Ce n'est pas en vain que le législateur est intervenu pour interdire le déséquilibre significatif, car il appert qu'une autorégulation entraîne des abus (§2).

§1. Le déséquilibre significatif évité par les partenaires commerciaux

262. Si le législateur a interdit le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, c'est parce qu'il estimait que les partenaires commerciaux ne pouvaient pas l'éviter par eux-mêmes dans la mesure où l'un d'eux se trouve en position de faiblesse par rapport à l'autre. C'est principalement la relation fournisseur-distributeur, archétype de l'oligopsone317 où le fournisseur est généralement en situation de faiblesse, que le régulateur a voulu encadrer. Cependant, pour le Professeur Yves Lequette, sont des « bigots [ceux] qui considèrent que la réponse aux difficultés de déséquilibre de puissance doit être recherchée dans une politique d'inspiration dirigiste qui conduit à réglementer impérativement le contenu du contrat318. » En effet, l'équilibre devrait être atteint spontanément par l'action même des partenaires commerciaux.

263. L'équilibre dans les droits et obligations des parties serait atteint lorsque les partenaires commerciaux retirent de cette relation l'intérêt qu'ils cherchaient au moment où ils ont contracté319. L'intervention législative est-elle nécessaire pour atteindre cette situation d'équilibre ? Comme Adam Smith le souligne en parlant de sa théorie de la main invisible, « ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger que nous attendons notre diner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs

317 Cf. supra note n° 16.

318 Y. LEQUETTE, « Bilan des solidarismes contractuels », Mélanges P. Didier, Économica, 2008, p. 264.

319 Pour plus d'informations sur ce point Cf. supra nos 30 s.

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intérêts320. » L'équilibre dans la relation commerciale, c'est-à-dire le juste milieu dans la balance des droits et obligations, passe par la satisfaction de leur égoïsme propre.

Toute tentative du législateur de réguler les relations contractuelles peut être vue comme une volonté de transformation de la nature humaine profonde. Le législateur souhaite que les partenaires commerciaux soient « solidaires » entre eux afin de préserver l'intérêt général. Pourtant, l'homme est par nature égoïste et c'est précisément ce sentiment qui va permettre d'éviter le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Même si le droit voulait organiser l'économie, c'est elle qui, en dernier ressort commande le droit321. Les parties vont privilégier le recours à des moyens économiques pour atteindre leurs intérêts plutôt que de se reposer sur une intervention providentielle du législateur.

264. Même si pour les juges, une disposition contractuelle engendre un déséquilibre significatif, dès lors qu'elle donne lieu à une forme de rentabilité économique pour chacune des parties, la disposition n'est pas qualifiée de déséquilibrée. En effet, les partenaires ont retiré l'intérêt qu'ils attendaient de la relation commerciale, c'est-à-dire qu'ils sont parvenus à faire du profit.

265. Les partenaires commerciaux n'ont aucun intérêt à imposer à leur partenaire un déséquilibre significatif qui le mettrait en difficulté. Au contraire, un professionnel a intérêt à ce que son cocontractant maintienne son activité commerciale afin d'avoir à sa disposition le plus grand nombre de partenaires commerciaux possible. Il pourra ainsi accroître la concurrence entre eux et obtenir les meilleures conditions commerciales possibles. Le respect du partenaire commercial est donc paradoxalement le meilleur moyen d'atteindre ses intérêts propres.

266. Cet ensemble d'arguments explique sans doute pourquoi l'Union européenne promeut autant le développement de l'autorégulation322. Il s'agit de normes européennes

320 A. SMITH, La richesse des nations, éd. Garnier Flammarion, 1992, t. 1, p. 82.

321 J.-M. LELOUP « Intervention du Bâtonnier, Colloque : la franchise : questions sensibles », RLDA, 2012, no 73 supplément, p. 16.

322 Comité économique et social européen, « L'état actuel de la corégulation et l'autorégulation dans le marché unique », Les cahiers du CESE, mars 2005, p. 11 : l'autorégulation est définie comme « la possibilité, pour les opérateurs économiques, les partenaires sociaux, les organisations non

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communes élaborées par des comités en collaboration avec des professionnels d'un milieu économique et permettant à ceux-ci d'adopter des lignes directrices en phase avec les réalités et leurs besoins. Ces normes peuvent prendre différentes formes telles que des codes de conduite, des accords, des chartes, ou des déclarations, etc. Bien que, pour l'instant, ces accords relèvent de la soft law323, c'est déjà un pas en avant vers une éventuelle régulation plus contraignante. Cette approche remet en question l'intervention législative qui tendrait à produire des normes inadaptées alors que les professionnels seraient plus à même de déterminer un cadre optimum pour leurs relations commerciales.

267. Pour autant, est-il judicieux de laisser aux parties le soin de trouver par elles-mêmes l'équilibre de leur relation commerciale ? Comment être sûr que les partenaires atteindront l'équilibre contractuel recherché sans l'aide d'un tiers ? Jusqu'à quel point la régulation des relations commerciales peut-elle être confiée aux seuls partenaires commerciaux ou aux forces du marché ?

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