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Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales.

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par Lorena Cortissoz
Paris Dauphine  - Master 2 Droit approfondi de là¢â‚¬â„¢entreprise 2014
  

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B. La dissuasion d'action en justice

252. L'éventuelle dépendance ou soumission pourrait-elle empêcher un partenaire commercial victime d'un déséquilibre significatif d'agir en justice ? En tout cas, l'attitude de certains fournisseurs confirme cette contrainte qui peut les empêcher d'agir en justice en cas de déséquilibre significatif. Il semble qu'à la suite d'une condamnation de restitution de sommes prononcée par le juge, certains fournisseurs se soient empressés de reverser ses sommes au distributeur condamné306 !

253. Le faible nombre d'actions en justice résulte peut-être de l'épée de Damoclès qui pèse sur les fournisseurs, à savoir le déréférencement. Les fournisseurs n'ont d'autre choix

303 Annexe n° 3, question 8.

304 P. REIS, « Déséquilibres économiques et relations entre la grande distribution et ses fournisseurs » in Les déséquilibres économiques et le droit de la concurrence, (dir.) L. BOY, Larcier, 2015, p. 50.

305 Ibid.

306 trib. com Paris, 12 nov. 2011, no 2011/058173.

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que de se soumettre au déséquilibre significatif. La cour d'appel de Paris307 reconnaît que « peu de fournisseurs peuvent se permettre d'être déréférencés par un distributeur [...] ou d'engager une action en justice contre lui ; que ce rapport de force asymétrique peut conduire certains fournisseurs à devoir accepter certaines clauses qui leur sont défavorables. » Les juristes conseillant les producteurs/fournisseurs nous confirment cette menace. Madame Aurélie Charrier, juriste à la FDSEA de l'Oise, indique que « pour pouvoir exister sur le marché, il faut être prêt à faire des sacrifices sous peine d'être déréférencé308. » Depuis les accords de coopération, les fournisseurs sont encore plus exposés au déréférencement qu'auparavant. D'après l'Autorité de la concurrence, « de nombreux cas de déréférencements ou de menaces de déréférencements ont été signalés309. »

254. Les distributeurs n'hésitent pas à se rabattre sur un autre produit si le fournisseur n'accepte pas les conditions qui lui sont proposées. Nous excluons ici les fournisseurs des grandes marques plébiscitées par les consommateurs, car ceux-ci seraient prêts à changer de magasin pour retrouver leur marque habituelle. Les fournisseurs de ces marques bénéficieront peut-être d'un traitement particulier de la part des distributeurs. Malgré tout, la cour d'appel de Paris310 affirme que si « certains fournisseurs disposent de parts de marché importantes leur donnant un pouvoir de négociation [...] tous sont dépendants des commandes des distributeurs pour vendre leur production. »

255. Le déréférencement reste la sanction ultime. Avant d'en arriver là, le distributeur peut, par sa politique de gestion de ses linéaires, avantager certains fournisseurs311. Un des fournisseurs qui l'assignerait en justice risquerait ainsi de voir ses produits placés de manière moins visible que ceux de ses concurrents.

256. Du côté des producteurs vendant directement à la grande distribution ou aux industriels, Madame Aurélie Charrier, juriste à la FDSEA de l'Oise, nous indique que les

307 CA Paris, 1er oct. 2014, no 13/16336.

308 Annexe n° 2, question 4.

309 ADLC, « Rapprochements à l'achat dans le secteur de la grande distribution », communiqué du 1er avr. 2015.

310 CA Paris, 1er oct. 2014, no 13/16336.

311 B. DEFFAIS, « Quelle analyse économique pour le droit de la distribution? », RLDA, supplément au no 83, juin 2013, p. 46.

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producteurs sont « généralement peu enclin à aller au tribunal, et surtout à en subir les conséquences312. » Parmi ses dernières on trouve le déréférencement ou encore le non-renouvellement des contrats. En tout cas, la tendance à refuser l'action en justice est plutôt généralisée chez les fournisseurs.

257. L'interdiction du déséquilibre significatif ne correspond pas forcément à la réalité commerciale puisque les fournisseurs n'ont aucun intérêt à assigner leurs partenaires commerciaux pour déséquilibre significatif pendant la durée de leur relation commerciale. Si le nombre des décisions en justice rendues sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce relatif à la rupture brutale des relations commerciales est élevé, c'est certainement parce qu'il intervient alors que la relation commerciale est déjà terminée. La victime n'a donc plus rien à perdre. Il en va différemment lorsqu'il s'agit d'assigner son partenaire commercial pour déséquilibre significatif. En effet, les autres partenaires commerciaux ne voudront pas traiter avec un partenaire qui pourrait les assigner en justice et cela concerne non seulement les relations fournisseur-distributeur, mais aussi toutes les relations commerciales en général.

258. Le refus d'agir en justice est d'autant plus justifié que la preuve du déséquilibre est délicate à rapporter. Certaines décisions révèlent que le ministre, comme la DGCCRF, ont parfois des difficultés à réunir tous les éléments probatoires313. Si la DGCCRF peine à rapporter la preuve de la soumission d'un acteur à un autre, imaginons la difficulté pour des partenaires commerciaux d'apporter la preuve du déséquilibre significatif.

259. Le refus d'agir du fait de l'état de dépendance pourrait être « le fruit d'un dérèglement de l'esprit, provoqué par une crainte privant l'individu de sa faculté de libre détermination314. » Est-ce que cet état de contrainte justifie une évolution de l'article

L. 442-6, I, 2° du Code de commerce afin de permettre aux partenaires commerciaux de négocier librement et d'éviter « la loi de la jungle [et] celle du silence315. » En tout cas, « le cadre synallagmatique classique [étant] inadapté au déséquilibre de rapports de force

312 Annexe n° 3, question 5.

313 trib. com. Paris, 24 sept. 2013, n° 2011/058615.

314 M.-A. PEROT-MOREL, De l'Équilibre des prestations dans la conclusion du contrat, éd. Allier, 1961, p. 173.

315 Ministère de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi, « Christine Lagarde et Luc Châtel installent la brigade de contrôle de la LME », Communiqué de presse, no 506, 18 juin 2009.

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qui caractérise le secteur [de la distribution] 316 », l'intervention du législateur interdisant le déséquilibre significatif semble être justifiée, mais elle mérite une évolution afin d'être appliquée correctement.

316 J.-P. CHARIÉ, Rapport fait au nom de la commission des Affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur le projet de loi de modernisation de l'économie, Paris, Assemblée Nationale, mai 2008, n° 908, p. 50.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci