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Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales.

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par Lorena Cortissoz
Paris Dauphine  - Master 2 Droit approfondi de là¢â‚¬â„¢entreprise 2014
  

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Section 2. Une faible utilisation du dispositif par les partenaires commerciaux dans le domaine de la distribution

238. En 2013, trente et une décisions ont été rendues sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce à la suite d'assignation par les partenaires commerciaux. Si le nombre de demandes est en augmentation, il reste très faible en comparaison de celles rendues sous le visa de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce relatif à la rupture brutale des relations commerciales (251 en 2013).

239. Par ailleurs, les assignations initiées par les partenaires commerciaux dans le domaine de la distribution sont quasiment nulles, alors que c'est précisément ce secteur que le législateur visait. Le bilan de l'année 2013 des assignations en justice faites par les partenaires commerciaux nous indique que seulement cinq des décisions284 concernent les relations fournisseur-distributeur et encore, il ne s'agit pas des relations fournisseur- grande distribution.

240. La situation entre les fournisseurs et les distributeurs peut être caractérisée d'oligopsone285 puisque, d'un côté, nous avons une concentration des distributeurs et de l'autre, une fragmentation de l'ensemble des fournisseurs. Cette configuration engendre une situation de dépendance des fournisseurs (§1) qui les dissuade de mener des actions en justice à l'encontre les distributeurs (§2).

§1. Une situation d'oligopsone créant une dépendance

241. La fragmentation des fournisseurs face à la concentration des distributeurs crée une situation d'oligopsone (A) et ce, d'autant plus après les accords de coopération conclus par une grande partie des sociétés de la grande distribution en France. Ce contexte crée une situation de dépendance des fournisseurs à l'égard des distributeurs (B).

284 CA Versailles, 4 juin 2013, no 12/01171 ; CA Paris, 23 mai 2013, no 12/01166 ; CA Paris, 22 mai 2013, no 10/19022 ; CA Bordeaux, 23 sept. 2013, no 12/01231, TGI Paris, 26 nov. 2013, no 12/10665.

285 Oligopsone : Cf. supra note note n° 16.

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A. La situation d'oligopsone entre distributeurs et fournisseurs

242. Pour comprendre le faible nombre d'actions en justice entreprises sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, il faut connaître précisément les relations commerciales qui lient ces deux acteurs incontournables du monde économique que sont le fournisseur et le distributeur.

243. Les fournisseurs et les distributeurs sont deux acteurs de la vie économique qui dépendent l'un de l'autre pour mener leur activité économique. D'un côté, nous avons les fournisseurs - dont le marché est très fragmenté - et, de l'autre côté, des distributeurs très concentrés. La situation des distributeurs par rapport aux fournisseurs est qualifiée d'un oligopsone puisque les dix premières entreprises françaises de distributeurs occupent 73% des parts de marché dans le secteur des biens de consommation à rotation rapide286. Sept centrales d'achat représentent à elles seules 83% des grandes surfaces alimentaires287. Du côté des fournisseurs, 7 900 PME fournissent la grande distribution, dont 96% de produits de grande consommation288. On compte également 550 000 exploitations agricoles289 qui approvisionnent les industriels ou vendent directement leurs produits aux distributeurs. Ce phénomène n'est pas propre à la France. En Allemagne quatre sociétés contrôlent 85% du marché alimentaire et en Angleterre, quatre sociétés contrôlent 76% de ce marché290.

244. La situation d'oligopsone est d'autant plus accentuée avec les accords de coopération conclus entre les six grands groupes de la grande distribution. Le graphique suivant291 nous indique les sociétés ayant conclu ces accords. Ces derniers prévoient principalement des alliances pour la négociation des achats d'une partie des produits.

286 J.-J. ROBERT, Rapport fait au nom de la commission des Affaires économiques sur le projet de loi sur la loyauté et l'équilibre des relations commerciales, Paris, Sénat, 30 avr. 1996, no 336, p. 5.

287 L. ATTUEL-MENDES et J.-F. NOTEBAERT, « Les pratiques de négociation à l'épreuve du droit », Management & Avenir 2011/4, no 44, p. 274.

288 G. CANIVET, Rapport préc., p. 50.

289 J.-J. ROBERT, ibid.

290 P. REIS, « Déséquilibres économiques et relations entre la grande distribution et ses fournisseurs », in Les déséquilibres économiques et le droit de la concurrence, (dir.) L. BOY, éd. Larcier, 2015, p. 49.

291 Source : ADLC, « Rapprochements à l'achat dans le secteur de la grande distribution », communiqué du 1er avr. 2015.

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Certains de ces accords excluent des fournisseurs tels que les PME ou encore les produits sous marque de distributeur, ceux-ci étant considérés comme les fournisseurs les plus faibles. Mais d'après l'Autorité de la concurrence, cette exclusion ne signifie pas que ces fournisseurs soient à l'abri des conséquences de ces accords. En effet, puisque les fournisseurs concernés par les accords vont devoir revoir à la baisse les conditions contractuelles, notamment celles sur les prix, cette baisse affectera par ricochet les fournisseurs a priori exclus des accords. Ils verront leurs ventes diminuer et seront donc contraints d'accepter les conditions imposées par les distributeurs aux fournisseurs des accords292.

La mise en place de ces accords est justifiée par les distributeurs comme une solution à la guerre des prix entre les sociétés de distribution depuis l'année 2013. Cette guerre obligeait les distributeurs à diminuer leurs marges afin d'être compétitifs. Cependant, comme l'indique l'Autorité de la concurrence, « la multiplication de ces accords a significativement renforcé le degré de concentration et a abouti à la constitution d'une puissance d'achat significative des opérateurs concernés, lesquels disposaient déjà d'un poids significatif au stade de la distribution de détail. Ainsi, à la suite de ces accords, le marché est réparti principalement entre quatre grands acheteurs (ITM/groupe Casino, Carrefour/Cora, Auchan/ Système U et E. Leclerc), qui représentent ensemble plus de 90% du marché293. » Cette situation d'oligopsone est porteuse d'une situation de dépendance.

292 Ibid.

293 ADLC, « Rapprochements à l'achat dans le secteur de la grande distribution », communiqué du 1er avr. 2015.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams