§2. Les moyens utilisés pour rétablir
l'équilibre entre les partenaires commerciaux
29. Quelle est la nature du déséquilibre
contractuel ? (A) Lorsque les intérêts des
parties ne sont pas atteints, la relation peut être
considérée comme déséquilibrée. Pour faire
disparaitre le déséquilibre (B), l'intervention
du législateur puis celle du juge est nécessaire.
A. Nature du « déséquilibre
contractuel »
30. La solidarité contractuelle exigerait un
équilibre dans la relation contractuelle que l'on peut définir
comme « [...] la juste répartition des éléments d'un
tout44. » Le concept d'équilibre est celui de justice.
Un contrat équilibré est un contrat juste dans la
répartition des charges et profits. On considère que cette juste
répartition est atteinte lorsque les parties retirent du contrat
l'intérêt qu'elles recherchaient au moment de son
établissement. Lorsque cette juste répartition est absente, un
déséquilibre contractuel se crée.
31. Pour les auteurs solidaristes, « dans un contexte
d'inégalité chacune des parties, et non pas seulement la plus
puissante [devrait] tirer un bénéfice du contrat45.
» Par conséquent, un contrat équilibré n'est pas
forcément celui où il y a un rapport de forces égales,
mais dans lequel chaque partie trouve son intérêt. Dans le cadre
des relations commerciales, lorsque chaque professionnel ressort un profit de
la relation commerciale. L'équilibre est censé d'être
établit.
44 L. FIN-LANGER, L'équilibre
contractuel, cité in A.-S. COURDIER-CUISINIER, Le
solidarisme contractuel, préf. É. Loquin, éd.
LexisNexis, 2006., p. 135.
45 Chr. JAMIN, cité in Y. LEQUETTE,
« Bilan des solidarismes contractuels », Mélanges P.
Didier, Économica, 2008, p. 258.
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B. Disparition du déséquilibre
32. Les exigences de loyauté, de solidarité et
de bonne foi, nécessaires à l'atteinte de l'équilibre
contractuel, résultent d'une intervention législative. Puisqu'il
est entendu qu'« entre le fort et le faible [...], c'est la liberté
qui opprime et la loi qui affranchi46 », le législateur
doit endosser le rôle du « sauveur » de l'équilibre
contractuel. Une intervention du législateur au nom de la
solidarité contractuelle peut être le dispositif de l'article
12441 du Code civil laissant au juge la possibilité d'octroyer des
délais de grâce. L'intervention du législateur dans les
relations commerciales est justifiée d'autant plus dans la mesure
où le droit des affaires est un « droit sentimental
»47 où la loyauté est nécessaire.
33. Finalement, c'est au juge qu'il revient de prendre les
mesures propres à réintégrer de la solidarité dans
le contrat.
La quête du solidarisme d'un équilibre
contractuel restauré passe en premier lieu par la suppression des
clauses abusives. Il s'agit d'influer sur le choix de l'aiguille de la balance
et c'est au juge qu'il incombe d'intervenir quand cette aiguille n'est pas au
point de stabilité. Cette intervention se fait souvent par la
suppression de la clause à l'origine du déséquilibre.
Ainsi, dans l'arrêt « Chronopost »48, le juge agit
au nom de la solidarité contractuelle en réputant non
écrite la clause limitative de responsabilité qui vide de sa
substance le contrat.
34. En somme, c'est cet objectif de solidarisme contractuel
qui serait à l'origine de l'interdiction du déséquilibre
contractuel entre partenaires commerciaux, cette interdiction venant corriger
une inégalité contractuelle naturelle.
46 H. LACORDAIRE, op. cit., p. 494.
47 M. MALAURIE-VIGNAL, « Éthique des
pratiques restrictives », LPA, 24 nov. 2011, p. 14.
48
Cass. com., 22 oct. 1996,
n° 93-18632, D. 1997. 121, obs. A. Sériaux
; RTD civ., 1997, 418, obs. J. Mestre.
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