§2. La protection du savoir-faire des partenaires
commerciaux
213. Le savoir-faire constitue pour certains professionnels
une partie très importante de leur patrimoine et, dans certains cas
comme la franchise, il est même le pilier de leur activité. La
soumission du partenaire commercial à des clauses
déséquilibrées peut être justifiée par la
conservation du savoir-faire. Nous allons nous concentrer principalement sur la
franchise, puisque c'est le contrat par excellence où, en raison de la
sauvegarde du savoir-faire, le déséquilibre significatif peut
être justifié. Pour l'instant, aucune décision de justice
n'a été rendue à ce sujet, mais rien n'empêche que
cette situation puisse se présenter.
214. Essayons de comprendre pourquoi le contrat de franchise
est déséquilibré. Pour Monsieur Guy Gras, le
déséquilibre du contrat de la franchise « trouve son origine
dans une relation ancestrale entre d'une part un «sachant», un
détenteur d'un savoir et d'autre part une personne qui désire
acquérir ce savoir247. » Le franchiseur a
travaillé pour arriver à construire un concept efficace. Pour
être conservé, il est nécessaire d'imposer des conditions
qui peuvent paraître déséquilibrées.
215. La franchise est la réitération d'une
réussite commerciale. Pour la pérenniser, il est indispensable de
protéger le savoir-faire qui en constitue le coeur. C'est pour cette
raison que des clauses de confidentialité sont imposées au
franchisé. Si les juges acceptent l'introduction de ce type de clauses,
c'est parce que cette contrainte est la contrepartie d'un avantage
concurrentiel apporté par le franchiseur au franchisé. La CJCE
confirme la nécessité de mettre en place de telles clauses
restrictives de concurrence afin de protéger
247 G. GRAS, art. préc., p. 54.
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le savoir-faire de la franchise. Elles sont «
indispensables pour prévenir248 » le risque de transfert
du savoir-faire à un concurrent. De plus, une communication de la
Commission européenne indique que « plus le transfert de
savoir-faire est important, plus il est probable que les restrictions
généreront des gains d'efficience et/ou seront indispensables
pour le protéger et que les restrictions verticales satisferont aux
conditions énoncées à l'article 101, paragraphe
3249. » L'article 101, paragraphe 3, du Traité de
fonctionnement de l'Union européenne prévoit une exemption des
pratiques restrictives de concurrence pouvant affecter le commerce entre
États membres. Pour Monsieur Guy Gras, « le droit européen
nous a ouvert une voie raisonnable et raisonnée, espérons que
nous sachions la prendre et la conserver250. »
216. Nous voyons que la protection du
savoir-faire peut justifier l'introduction d'obligations créant un
déséquilibre significatif. Cependant, avec le projet de loi
Macron251 prévoyant l'interdiction des clauses
post-contractuelles restrictives de la liberté d'exercice de
l'activité commerciale, la protection du savoir-faire sera rendue plus
difficile. Espérons pour les professionnels que la protection du
savoir-faire pourra continuer à être utilisée comme
justificatif aux déséquilibres dans les contrats de franchise.
248 CJCE Pronuptia , 28 janv. 1986, no 161/84, pt.
16.
249 Commission européenne, Lignes directrices sur les
restrictions verticales n° 2010/C 130/01, § 189,
JOUE, 19 mai 2010.
250 G. GRAS, art. préc., p. 55.
251 Projet de loi pour la croissance, l'activité et
l'égalité des chances économiques n° 473,
texte adopté par l'Assemblée nationale le 19 févr.
2015.
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