§2. Un déséquilibre
prévisible
176. Il est possible de prévenir l'apparition d'un
déséquilibre significatif à deux niveaux. Soit au moment
de la négociation en amendant les obligations susceptibles de
créer un déséquilibre significatif (A).
Soit après la négociation, c'est-à-dire lors de la
rédaction du contrat (B). La façon dont le
contrat est écrit et son contenu jouent un rôle très
important pour déceler un éventuel déséquilibre
significatif.
A. Au moment de la négociation
177. L'interdiction du déséquilibre
significatif n'est pas réellement nécessaire puisque le
déséquilibre significatif peut être évité
dès l'amont, grâce à une négociation des conditions
contractuelles. L'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce
prévoit l'engagement de la responsabilité d'un opérateur
économique en cas de « soumission » de son partenaire
commercial à un déséquilibre significatif dans les droits
et obligations des parties. Le terme « soumission » laisse entendre
qu'un des partenaires s'est vu contraint d'accepter les conditions
contractuelles sans pouvoir négocier. La cour d'appel de Paris estime
qu'à défaut de négociation des conditions contractuelles,
un déséquilibre significatif est caractérisé
constitué192. Inversement, dès lors que la clause a
été négociée,
190 Annexe n° 2, question 2.
191 Annexe n° 3, question 7.
192 CA Paris, 18 déc. 2013, no 12/00150.
94
elle ne peut pas être à l'origine d'un
déséquilibre significatif193. C'est pour cette raison
que la phase de négociation est très importante afin
d'éviter une « soumission » et, par extension, l'apparition
d'un déséquilibre significatif.
178. La négociation contractuelle peut éviter
de se voir soumettre à des obligations constitutives d'un
déséquilibre significatif, mais il n'est pas toujours
évident de négocier les conditions contractuelles, surtout
lorsque les professionnels sont, par exemple, des PME n'ayant pas
forcément un service commercial ou juridique pour effectuer ce travail
de prévention. Cependant, des solutions existent pour ce type
d'entreprises. En effet, certains acteurs se sont spécialisés
dans le rôle d'intermédiaire afin de permettre aux professionnels
d'obtenir les meilleures conditions contractuelles et éviter tout
déséquilibre significatif. C'est le cas par exemple de
l'entreprise Appro-Fusion194 dont l'activité consiste dans un
premier temps à mettre en contact les restaurateurs avec des
fournisseurs vendant des produits correspondant à leurs besoins. Dans un
second temps, cette société négocie les conditions d'achat
et de vente des deux parties et elle veille à leur respect.
179. Une autre possibilité offerte aux parties pour
négocier correctement les conditions contractuelles est de recourir
à des organisations professionnelles. Par exemple, les agriculteurs
donnent mandat à une organisation professionnelle pour négocier
leurs conditions générales de vente et ainsi obtenir les
meilleures conditions contractuelles195. La négociation par
les organisations professionnelles est d'autant plus importante dans ce
secteur, que les contrats signés par les agriculteurs avec les
coopératives agricoles, les industriels ou les distributeurs, sont
généralement des contrats types. La négociation des
clauses de ces contrats types est importante afin non seulement d'éviter
à la partie accusée une condamnation pour non-négociation
des clauses, mais aussi pour permettre aux agriculteurs de
bénéficier de conditions contractuelles
équilibrées. Cependant, pour certains agriculteurs, les
organisations professionnelles ou les syndicats agricoles n'obtiennent pas
toujours de meilleures conditions contractuelles.
193 CA Paris, 29 janv. 2014, no 12/07258.
194 Annexe no 5, question 1.
195 E. FABREGUE, « La «contractualisation» dans
la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. - À la
lumière de l'exemple du secteur laitier ? », Droit rural,
oct. 2011, dossier 23.
95
Pour Madame Géraldine Odoul, producteur, « nous
pensons que [ces groupements] jouent un rôle insuffisant dans notre
région196. »
À cela s'ajoute une difficulté à
négocier l'ensemble des clauses du contrat, notamment par manque de
temps. Par exemple dans le cas de conventions
récapitulatives197, l'article
L. 441-7 du Code du commerce impose leur signature avant le
1er mars de chaque année. Madame Aurélie Charrier,
juriste à la FDSEA de l'Oise, nous confie que les négociations
sur les prix prennent énormément de temps et, à cause du
délai imposé, il reste généralement peu de temps
pour négocier le reste des conditions des conventions
uniques198. La négociation paraît donc
limitée.
|