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Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales.

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par Lorena Cortissoz
Paris Dauphine  - Master 2 Droit approfondi de là¢â‚¬â„¢entreprise 2014
  

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SECONDE PARTIE :

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LE DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF MAINTENU

164.

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Les partenaires commerciaux jouent un rôle essentiel dans le maintien du déséquilibre significatif (Titre 1). Étant prévenus du déséquilibre significatif auquel ils vont être soumis, les partenaires commerciaux ont la possibilité de refuser les dispositions contractuelles créant ce déséquilibre. Ainsi, un manque de prévention contre le déséquilibre significatif avant leur engagement contractuel peut être un signe de d'un certain consentement. Les partenaires commerciaux étant des professionnels avisés, ils ont les moyens de mettre en place une politique de prévention du déséquilibre significatif, que ce soit au moment de la négociation ou encore au moment de la rédaction du contrat.

Il est de même de la préservation des intérêts légitimes des partenaires qui joue aussi rôle dans le maintien du déséquilibre significatif. La création d'un déséquilibre significatif est parfois nécessaire pour préserver des intérêts indispensables pour assurer la continuité de l'activité du professionnel soumettant son partenaire à un déséquilibre significatif.

165. En outre, la défiance à l'égard du dispositif interdisant le déséquilibre significatif peut être une des causes de son maintien (Titre 2). Cette défiance se traduit par un bilan nuancé de l'utilisation du dispositif. En effet, les professionnels n'utilisent généralement le dispositif que de façon subsidiaire et les juges ont tendance à refuser la majorité des assignations faites par les professionnels.

Face à ce bilan, l'utilité du dispositif est remise en cause. Est-il réellement nécessaire d'interdire un déséquilibre significatif dans les relations commerciales ? L'opportunité de l'intervention du législateur pour interdire le déséquilibre significatif doit être revue ainsi que la réelle efficacité du dispositif l'interdisant.

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TITRE I : PARTICIPATION DES PARTENAIRES COMMERCIAUX
AU MAINTIEN DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF

166. Les partenaires commerciaux jouent un rôle dans la justification du déséquilibre significatif à deux moments distincts. D'abord, lors du consentement à la relation contractuelle, quand ils acceptent les stipulations contractuelles (Chapitre 1). Ensuite, pendant le déroulement de leur activité, lorsqu'ils cherchent à la préserver (Chapitre 2).

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CHAPITRE I. RÔLE DU CONSENTEMENT

DES PARTENAIRES COMMERCIAUX

167. Les parties peuvent choisir de consentir ou non à s'engager dans une relation contractuelle (Section 1). L'acceptation des conditions du contrat sert alors de justificatif à l'éventuel déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. L'interdire reviendrait alors à nier la liberté contractuelle des partenaires commerciaux (Section 2).

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Section 1. Le pouvoir de décision des partenaires commerciaux

168. Les partenaires commerciaux ont un pouvoir de décision qui leur permet d'accepter ou de refuser des clauses porteuses d'un déséquilibre significatif. Les informations précontractuelles permettent aux partenaires commerciaux de s'engager en pleine connaissance de cause (§1). Au besoin, les parties peuvent toujours recourir à la négociation pour écarter ou amender une stipulation déséquilibrée (§2). Le consentement et la négociation amènent à tolérer le déséquilibre significatif.

§1. La transparence précontractuelle permettant d'éclairer le consentement

169. Ce n'est pas en vain que le législateur a prévu une obligation d'information précontractuelle. En droit commun, cette obligation découle des articles 1134, alinéa 3, relatif à l'exécution de « bonne foi » et 1135 du Code civil évoquant l'équité contractuelle. Cette obligation d'information est nécessaire à l'existence d'un consentement libre et éclairé. Les parties peuvent ainsi s'informer et réfléchir avant de s'engager. Le défaut d'information peut être sanctionné par l'entremise des vices du consentement des articles 1109 et suivants du Code civil. Certains droits spéciaux encadrent précisément ces obligations d'informations dans les domaines qu'ils régissent. C'est le cas des contrats de bail par exemple182.

170. Sitôt l'information donnée, l'obligation de transparence est satisfaite et les contractants avertis veillent à la protection de leurs propres intérêts. En cas de désaccord sur les conditions du contrat et si certaines clauses apparaissent déséquilibrées, les parties demeurent bien évidemment libres de ne pas s'engager. A contrario, en cas d'échange des consentements, on en déduira que les parties ont accepté le déséquilibre significatif en toute connaissance de cause. L'interdiction du déséquilibre significatif reviendrait d'une certaine façon à considérer le professionnel comme victime d'une erreur malgré la présence d'informations précontractuelles.

182 Par exemple l'article 1721 du Code civil sur la garantie des vices cachés s'applique si le bailleur n'a pas donné au locataire toute l'information nécessaire sur le bien loué afin d'éclairer son consentement.

171.

91

La prohibition du déséquilibre significatif apparaît d'autant moins justifiée que l'obligation d'information est renforcée par l'obligation corrélative du cocontractant de s'informer. Cette obligation est appelée de ses voeux par un auteur183 et admise par certains prétoires184. L'Avant-projet de réforme du droit des obligations prévoit de l'introduire à l'article 1110 du Code civil. Les parties bénéficient donc d'importants moyens pour bien connaître les dispositions contractuelles avant de s'engager.

172. Des règles spéciales existent quant à l'obligation d'information. Par exemple, l'obligation d'information de l'article L. 330-3 du Code de commerce concernant les contrats de franchise, introduite par la loi Doubin de 1989185. Avant cette loi, le franchiseur n'était tenu à aucune obligation d'information particulière. Depuis, il doit adresser au futur franchisé un document précontractuel d'information (DPI) contenant des informations précises sur la relation contractuelle dans laquelle il s'apprête à s'engager. Ce document est « une sorte d'assurance tous risques contre les pièges en tous genres qu'il pourra avoir à affronter au cours de l'exécution du contrat186. » Dans le cas des contrats de franchise, en l'absence du dispositif de l'article L. 330-3 du Code de commerce, l'interdiction du déséquilibre significatif aurait été justifiée. Cependant, avec l'avènement d'une obligation d'information spécifique, l'interdiction n'apparaît plus nécessaire.

173. L'information précontractuelle acquise grâce à l'obligation d'information ou par le devoir de s'informer éclaire les parties sur les choix à faire. Dès lors que le professionnel a été correctement informé, il est peu probable que le juge accepte de remettre en cause les dispositions acceptées par les parties. C'est l'enseignement d'un arrêt de la cour d'appel de Paris où le juge indique que la partie alléguant le déséquilibre significatif avait été informée par son cocontractant des « conditions en toute transparence187 », qu'elle ne pouvait donc pas invoquer le déséquilibre significatif. L'information précontractuelle pourrait, à elle seule, justifier la disparition de

183 P. JOURDAIN, « Le devoir de se renseigner », D., 1983, chron. 139.

184 trib. com. Paris, 28 sept. 2005, n° 2002/055929.

185 L. no 89-1008 du 31 déc. 1989 relative au développement des entreprises commerciales et artisanales et à l'amélioration de leur environnement économique, juridique et social, JORF, n°1 du 2 janv. 1990.

186 D. MAZEAUD, « Rapport de synthèse Colloque : La Franchise : questions sensibles », RLDA, 2012, no 73 supplément, p. 58.

187 CA Paris, 1er févr. 2013, no 11/06560.

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l'interdiction du déséquilibre significatif, dès lors que les professionnels sont renseignés sur les conditions de la relation commerciale.

174. Les défenseurs de l'interdiction du déséquilibre significatif font valoir l'opacité de certaines informations précontractuelles empêchant les contractants de faire un choix éclairé. C'est pour cette raison qu'il est conseillé aux contractants de consulter des experts, avocats ou juristes, avant de s'engager. Dans le cas de la franchise, une étude nous montre que 69%188 des franchisés ont consulté au moins un expert avant de signer le contrat de franchise. Les professionnels prennent donc le soin de s'informer avant de contracter, respectant ainsi leur obligation de se renseigner. Un cocontractant bien informé serait mal avisé d'invoquer ensuite le déséquilibre d'une clause lui paraissant déséquilibrée.

Tous les professionnels ne s'informent pas de la même façon, notamment ceux du secteur agricole. N'oublions pas que les producteurs constituent une des principales cibles que le législateur a voulu protéger avec la loi LME. Pour Madame Aurélie Charrier, juriste-conseil au syndicat agricole FDSEA (Fédération Départementale des Syndicats Exploitants Agricoles) de l'Oise, « le problème avec les exploitants agricoles, c'est qu'ils font plutôt confiance, et ne sollicitent le conseil juridique offert par les syndicats qu'une fois le litige naissant. Il est donc un peu tard [et c'est] à nous de développer le réflexe de consultation AVANT contrat189. » C'est l'une des raisons qui justifient l'intervention du législateur pour protéger les professionnels moins avisés ou ceux qui font confiance à leur partenaire commercial. Mais est-ce réellement le rôle du législateur que de venir remédier aux omissions ou au refus des professionnels de se renseigner avant de contracter ?

L'absence de consultation d'un expert n'est pas uniquement due à l'omission ou au refus des professionnels d'y recourir, mais aussi à l'impossibilité d'accéder à ce type de services. Certains professionnels ont accès à un service juridique comme c'est le cas au sein de certains syndicats agricoles par exemple. Madame Aurélie Charrier confie que « les adhérents à un syndicat ont accès au service juridique, si celui-ci en dispose. Au sein du réseau FDSEA, par exemple, il y a des juristes, mais aussi dans la plupart des

188 Banque Populaire, Synthèse 2014, Enquête annuelle de la franchise, p. 6.

189 Cf. Annexe n° 2, question 2.

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associations spécialisées190. » Cependant, tous les agriculteurs n'ont pas un accès aux conseils d'un expert. Madame Géraldine Odoul, producteur associé du GAEC Odoul, indique qu'elle n'a accès à aucun service de ce type au sein de la coopérative dont elle fait partie. Elle ajoute qu'elle ne peut consulter qu'un conseiller du secteur « polyvalent »191. Ce type de conseil suffit-il à éclairer le choix des professionnels ?

175. Les obligations d'information et de s'informer devraient suffire à éclairer le consentement des professionnels qui acceptent alors en connaissance de cause les éventuels déséquilibres significatifs du contrat.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo