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Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales.

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par Lorena Cortissoz
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B. Les difficultés de la mise en place du pouvoir d'action en justice administratif

132. Nous avons vu150 que l'article L. 442-6, III du Code de commerce donnait le pouvoir à certaines autorités administratives d'agir en justice en cas de manquements à ses dispositions. Cette possibilité d'action a été contestée avant même l'adoption de la LME en 2008. La contestation débute en 2007 lorsque la cour d'appel de Versailles151 déclare irrecevable une action du ministre de l'Économie en répétition de l'indu au motif que la victime n'avait pas été informée de cette action. La Cour de cassation censure l'arrêt

147 É. BESSON, Rapport fait au nom au nom de la commission des finances sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, Assemblée nationale, XIe législature, no 2327, 6 avr. 2000, p. 120.

148 DC, 13 mai 2011, no 2011-126.

149 Faculté de Droit de Montpellier, Bilan des décisions judiciaires civiles et pénales, période du 1er janv. au 31 déc. 2013, Actions en justice à l'initiative des acteurs économiques, application du Titre IV du Livre IV du Code de commerce, p. 40 ; DGCCRF, Le bilan de la jurisprudence civile et pénale 2013, juin 2014, p. 2.

150 Cf. supra nos 127 s.

151 CA Versailles, 3 mai 2007, n° 05/09223.

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en affirmant que l'action prévue par l'article L. 442-6, III est « autonome » et que le consentement ou la présence de la victime, en l'espèce un fournisseur, n'est pas requise152.

133. Afin de trancher définitivement la question, le 8 mars 2011, la Cour de cassation transmet une question prioritaire de constitutionnalité posée par les sociétés Système U et Carrefour France sur la conformité à la Constitution de l'article L. 442-6, III du Code de commerce. Par une décision du 13 mai 2011153, le Conseil Constitutionnel admet la constitutionnalité de l'article L. 442-6, III et donne des précisions sur l'intervention de la partie supposée lésée. Les parties requérantes considéraient que l'action des autorités administratives portait atteinte au droit de défense et du contradictoire, dans la mesure où l'accord de la partie supposée lésée n'était pas requis pour que l'autorité administrative assigne le professionnel fautif. L'autorité administrative pouvait agir et la partie supposée lésée perdait, d'une certaine façon, sa liberté d'agir. Mais le Conseil indique que « les dispositions contestées n'interdisent ni au partenaire lésé par la pratique restrictive de concurrence d'engager lui-même une action en justice [...] ou encore de se joindre à celle de l'autorité publique par voie d'intervention volontaire, ni à l'entreprise poursuivie d'appeler en cause son cocontractant, de le faire entendre ou d'obtenir de lui la production de documents nécessaires à sa défense ; que, par conséquent, elles ne sont pas contraires au principe du contradictoire. » L'action en justice des autorités administratives n'est donc pas contraire au principe du contradictoire. Cependant, le Conseil Constitutionnel estime dans cette même décision qu'il est nécessaire d'informer les parties au contrat de l'introduction de l'action par l'autorité administrative. L'accord de la partie supposée lésée n'est pas nécessaire mais elle doit en être informée.

134. Peu de temps après la décision du Conseil constitutionnel, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH)154 a été saisie de cette question. La partie requérante soulève que « l'action en justice du ministre de l'Économie l'a privé d'un procès équitable garanti par l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme. » La cour de Strasbourg estime que l'accès au tribunal pour la partie lésée, ici un fournisseur, n'est pas en jeu, puis elle reprend la même argumentation que celle donnée par le Conseil constitutionnel. Elle assure que « le ministre, par son action, n'exclut pas les

152 Cass. com., 8 juill. 2008, no 07-16.701.

153 DC, 13 mai 2011, no 2011-126.

154 CEDH, 5ème section, Galec contre France, 17 janv. 2002, requête n°51255/08.

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cocontractants lésés par la relation commerciale puisque ces derniers restent en droit d'engager eux-mêmes une action en justice [...] ou de se joindre à l'instance initiée par le ministre. Ils sont également susceptibles d'être attraits à l'instance par les parties au procès, notamment par la partie défenderesse aux fins d'obtenir la production de pièces essentielles à sa défense. » La Cour rappelle aussi que le devoir d'information des cocontractants est justifié « par un impératif de protection des fournisseurs. » Si la Cour va dans le même sens que le Conseil constitutionnel, elle n'indique pas pour autant si l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce est conforme à l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

135. Malgré la décision du Conseil constitutionnel et de la CEDH, le ministère de l'Économie a introduit des actions en justice sous le fondement de l'article L. 442-6, III du Code de commerce sans en informer préalablement les parties. Le tribunal de commerce de Créteil a alors déclaré l'action du ministère irrecevable faute d'avoir informé la partie supposée lésée de l'action en justice155. Inversement, la cour d'appel de Paris a pu considérer que si le ministre de l'Économie demandait uniquement la cessation des pratiques pour l'avenir ainsi qu'une amende civile, l'information de la partie supposée lésée n'était pas nécessaire156. La Cour de cassation confirme la position de la cour d'appel de Paris en indiquant que « c'est seulement lorsque l'action engagée par l'autorité publique tend à la nullité des conventions illicites, à la restitution des sommes indument perçues et à la réparation des préjudices que ces pratiques ont causé que les parties au contrat doivent en être informées »157. Le ministre de l'Economie peut donc demander la cessation des pratiques illicites pour l'avenir ainsi que l'amende civile sans informer les parties supposées victimes, ces actions visant, pour la Cour de Cassation, à poursuivre « au titre de la seule défense de l'intérêt général ».

136. La possibilité de demander uniquement l'amende civile et la cessation des pratiques illicites pourrait encourager les autorités administratives à agir en justice uniquement pour obtenir l'amende civile au détriment des autres demandes possibles prévues à l'article L. 442-6, III au bénéfice de la partie lésée. Parmi ces demandes, on compte la restitution des sommes indument payées ou la réparation du préjudice. On

155 trib. com. Créteil, 13 déc. 2011, no 2009/F01017.

156 CA Paris, 20 nov. 2013, no 12/04791.

157 Cass. com., 3 mars 2015, no 14-10. 907.

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comprend que le dispositif ainsi utilisé ne remplit pas son rôle de protection des parties faibles puisque celles-ci ne sont parfois tout simplement pas informées de l'existence d'une procédure judiciaire. Une solution pourrait consister à modifier l'article L. 442-6, III du Code de commerce afin d'autoriser les autorités administratives à agir seules uniquement lorsqu'elles exigent une amende civile. Les autres actions ne pourraient avoir lieu qu'à l'initiative de la victime. Cette solution allègerait peut-être le texte, mais fermerait la porte à une possibilité d'action importante pour les autorités administratives, action qui permet au moins d'obtenir le prononcement d'une amende civile et la cessation des pratiques illicites pour l'avenir, le tout, au service de l'intérêt général.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon