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Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales.

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par Lorena Cortissoz
Paris Dauphine  - Master 2 Droit approfondi de là¢â‚¬â„¢entreprise 2014
  

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2- La position de la DGCCRF

101. La DGCCRF, comme la CEPC, se reconnaît compétente pour identifier les situations susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce. Elle indique qu'« en tout état de cause, nous considérons qu'il nous sera possible de mettre en oeuvre cette notion microéconomique et que les juges pourront sanctionner le déséquilibre significatif127. » Dans ses rapports d'information, la DGCCRF fournit de nombreux exemples de situations où elle estime avoir décelé un déséquilibre significatif. On y retrouve des clauses imposant au fournisseur des pénalités excessives, systématiques et unilatérales, des clauses de retour des produits dégradés par la clientèle, d'autres imposant des modalités de règlement abusives et non réciproques, des clauses prévoyant des modalités asymétriques de révisions des tarifs, le tout au bénéfice du distributeur, etc.

Si la DGCCRF peut désigner les situations déséquilibrées, elle n'a pas de pouvoir de sanction en la matière de déséquilibre et le juge n'est pas lié par ses interprétations. Toutefois, ces dernières peuvent être à l'origine d'assignations en justice initiées par le ministre de l'Économie, nous y reviendrons128.

102. La liste des situations visées par la CEPC et la DGCCRF est longue et continuera sans doute à s'agrandir en réduisant chaque fois un peu plus la marge de manoeuvre des partenaires commerciaux. À défaut de définition du déséquilibre significatif, ces institutions cernent les situations concernées par l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce. Ces situations sont très variées et il semble utopique d'arriver à établir une liste exhaustive. Les avis de ces deux autorités administratives indépendantes sont pris en compte par les professionnels pour éviter de rentrer dans le champ d'application de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce. Toutefois, une contradiction persiste dans l'attribution des rôles. La DGCCRF donne des avis alors même qu'elle dépend du ministère de l'Économie qui, par le truchement de l'article L. 442-6, III du Code de commerce, peut introduire une action en justice pour violation des dispositions de l'article

L. 442-6 du Code de commerce où figure l'interdiction du déséquilibre significatif. C'est

127 F. AMAND, au nom de la DGCCRF, Compte rendu Commission des affaires économiques, 8 juil. 2009, p. 16.

128 Cf. infra nos 127 s.

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d'ailleurs la DGCCRF qui introduit les actions en justice au nom du ministère de l'Économie. La porosité des frontières révèle une situation de conflit d'intérêts. Les professionnels et le juge vont se référer à des avis donnés par une institution à l'origine des assignations.

B. Les décisions judiciaires

103. La CEPC et la DGCCRF ne sont pas les seules institutions contribuant à la création d'une liste des situations déséquilibrées. Par ses décisions, le juge va également établir indirectement une liste des situations de déséquilibre significatif. Nous ne pourrons pas étudier ici l'ensemble des décisions rendu sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce. Nous choisirons seulement quelques exemples pour essayer de comprendre le raisonnement des juges lorsqu'ils déclarent qu'une situation est porteuse d'un déséquilibre significatif.

104. Il est indispensable d'évoquer une des plus grandes affaires traitées au nom de l'interdiction du déséquilibre significatif, notamment les assignations « Novelli », nom du Secrétaire d'État aux PME (petites et moyennes entreprises). Neuf enseignes furent assignées : Carrefour, Castorama, Casino, Darty, Provera, Eurauchan, Galec, Intermarché et Système U. L'ensemble de ces assignations a fait l'objet d'une décision en première instance, dont certaines ont été portées en appel puis en cassation. Le tableau suivant nous indique les clauses litigieuses considérées comme constitutives d'un déséquilibre significatif129. Nous choisirons ensuite quelques-unes de ces clauses afin de comprendre pourquoi elles ont été déclarées comme créant un déséquilibre significatif dans les droits et les obligations des parties.

129 Mise à jour et modification personnelle des tableaux de N. GENTY et P. DUVOCELLE, Relations fournisseur-distributeur, 1re éd., Lamy, 2014, p. 52-53.

61

Enseigne

Décisions de justice

Clauses créant un déséquilibre
significatif dans les droits et
obligations des parties

Eurauchan

-trib. com. Lille, 7 sept. 2011, no 2009/05105. -CA Paris 11 sept. 2013, no 11/17941.

-Cour de cassation, com, 3 mars 2015, no 13-27- 525.

-Clause type prévoyant un taux de service minimum donnant lieu à l'application de pénalités dispropor-tionnées.

-Clause relative à la révision des prix du fournisseur négociés con-tractuellement.

Provera

-trib. com. Meaux, 6 déc. 2011, no 2009/02295. -CA Paris, 20 nov. 2013, no 12/04791.

-Cour de cassation, com. 3 mars 2015, no 14-10- 907.

-Clause prévoyant la possibilité pour le distributeur de résilier le contrat en cas de « contre-perfor-mance » du produit.

-Clause prévoyant un paiement sans contrepartie.

Castorama

-trib. com. Lille, 6 janv. 2010, no 2009/05184.

-Clause sur le paiement d'acomptes mensuels sans pouvoir modifier les montants en fonction du chiffre d'affaire atteint.

Galec

-trib.com. Créteil, 13 déc. 2011, no 2009/F01018. -CA Paris, 18 déc. 2013, no 12/00150.

-Clause visant à exclure les CGV du fournisseur.

-Clause imposant de payer en

avance les prestations pour le fournisseur alors que le délai est plus long pour le distributeur.

-Clauses pénales, puisqu'aucune pénalité n'était prévue à la charge du distributeur en cas de manquement à ses obligations.

-Clause relative au retour des produits dégradés par la clientèle.

Darty

-trib.com. Bobigny, 29 mai 2012, no 2009/F01541.

-Clause prévoyant, en cas de baisse du tarif d'un produit, l'établisse-ment par le fournisseur d'un avoir au profit du distributeur correspondant à l'écart entre le précédent prix

et le nouveau multiplié par le
nombre de produits en stock chez le distributeur.

-Clause permettant d'établir un

avoir sur des produits devenus obsolètes au bénéfice du distributeur.

Carrefour

-trib. com. d'Evry, 26 juin 2013, no 2009/F00729. -CA Paris 1er oct. 2014, no 13/16336.

-Clause autorisant l'annulation de la commande et le refus de la livraison sans payer si la livraison est effectuée après la date et l'heure convenues entre les parties.

-Clause prévoyant la négociation entre les parties sur les pénalités dues par Carrefour.

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-Clause imposant le paiement des services des coopérations commerciales dans un délai plus court pour les fournisseurs par rapport au distributeur.

Casino

-trib. com. Meaux, 24 janv. 2012, n°2009 /02296. -CA Paris, 4 juill. 2013, no 12/07651.

-Clause prévoyant le retour des invendus.

-Clause relative aux changements de tarifs uniquement au profit du distributeur.

Système U

-trib.com. Créteil, 13 déc. 2011, no 2009/F01017.

Action irrecevable

Intermarché

-trib. com. d'Évry, 6 févr. 2013, no 2009/F00727.

Action rejetée

105. Clause relative au retour des produits dégradés par la clientèle (CA Paris, 18 déc. 2013, no 12/00150). La clause incriminée disposait « dans le cas où le fournisseur proposerait des produits contenant par exemple des primes ou des offres promotionnelles détachables ou découpables, il garantit au Galec, aux centrales et aux magasins, qu'il s'est assuré que le mécanisme les assemblant n'entraînera pas la destruction par le consommateur de l'emballage et/ou du produit dans les points de vente. Si tel n'est pas le cas, les frais et coûts liés à la reprise ou à la destruction de ces produits seront à la charge du fournisseur. » Ici, le distributeur transférait sur le fournisseur le risque d'une éventuelle détérioration par les clients des produits faisant l'objet de prime ou d'offres promotionnelles. La cour estime que cette clause conduit à un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties puisque pesait sur le fournisseur une obligation de résultat alors qu'il ne maîtrisait pas totalement les moyens pour l'exécuter correctement, notamment le choix de l'emplacement, la mise en rayon du produit ainsi que la surveillance de la clientèle. De plus, dans cet arrêt, la Cour estime que « Galec ne [démontrait] pas que ce déséquilibre aurait été compensé par une obligation ou une contrepartie pécuniaire. » Nous voyons là l'importance de la contrepartie lors de l'appréciation du déséquilibre significatif. Si le défendeur parvient à démontrer que l'exigence de son cocontractant était compensée par d'autres droits, alors le déséquilibre ne sera pas caractérisé.

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106. Clause de retour d'invendus (CA Paris, 4 juill. 2013, no 12/07651). Selon la clause litigieuse, « le fournisseur [s'engageait] expressément à reprendre, dans son intégralité, le stock des produits invendus en fin d'exercice et/ou de période de commercialisation saisonnière. » Cette stipulation crée un déséquilibre significatif puisque l'obligation de reprise était dénuée de contrepartie. De plus, le fournisseur devait payer le coût de la reprise. Comme dans la décision antérieure, la contrepartie joue ici un rôle important de justification. En l'espèce, son absence conduit à la caractérisation du déséquilibre significatif.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo