1- Les avis de la Commission d'examen de pratiques
commerciales (CEPC)
96. Rappelons-nous que dans la décision du Conseil
Constitutionnel122, l'un des arguments pour consacrer le
caractère constitutionnel de l'article L. 442-6, I, 2°
du Code de commerce était la possibilité de saisir la CEPC pour
avis sur les pratiques susceptibles de constituer un déséquilibre
significatif. C'est notamment à l'aide des avis de cet organisme qu'une
liste de clauses interdites a pu être constituée. Il est toutefois
regrettable que le législateur n'ait pas prévu une liste
précise des clauses pouvant être considérées comme
créatrices d'un déséquilibre significatif dans les droits
et les obligations des
121 DGCCRF, « Le Tribunal de commerce sanctionne une
clause du contrat type de l'enseigne E. Leclerc », 22 juill. 2014.
122 DC. n° 2010-85 du 13 janv. 2011.
57
parties comme il a pu le faire par ailleurs pour le
déséquilibre significatif du droit de la consommation aux
articles R. 132-1 et suivants du Code de la consommation.
Comme nous avons vu123, la volonté initiale
du législateur était d'étendre le champ d'application de
l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce au plus grand
nombre de situations possibles afin de ne laisser passer aucun abus. C'est sans
doute cette raison qui l'a conduit à ne pas établir une liste
exhaustive répertoriant les situations pouvant être
considérées comme déséquilibrées. Ce sont
donc les avis de la CEPC qui prennent le relai et permettent aux professionnels
d'avoir une idée plus précise des situations
déséquilibrées.
97. Avant de se questionner sur les avis donnés par la
CEPC, il serait judicieux de connaître son rôle et son
fonctionnement. Ils pourraient nous éclairer sur la façon dont
elle procède pour donner ses avis. Cette commission a été
créée en 2001 par la loi NRE. Il s'agit d'une instance
consultative chargée de veiller à l'équilibre des
relations entre producteurs, fournisseurs et revendeurs au regard de la
législation en vigueur. Sa mission confirme que la volonté
d'origine était bien de protéger les relations
fournisseur-distributeur. Bien que la relation fournisseur-distributeur soit au
centre du dispositif, la commission a également pour mission de donner
des avis ou formuler des recommandations sur un spectre de relations
commerciales plus larges, c'est-à-dire sur des documents commerciaux ou
publicitaires et les pratiques concernant les relations entre producteurs,
fournisseurs et revendeurs qui lui sont soumis ainsi que toutes pratiques
susceptibles d'être regardées comme abusives dans la relation
commerciale. La CEPC émet aussi des recommandations d'ordre plus
général concernant le développement de bonnes pratiques.
Enfin, elle établit chaque année un rapport d'activité
qu'elle transmet au Gouvernement et aux assemblées parlementaires. Ce
rapport est rendu public.
98. La CEPC peut être saisie par l'ensemble des
entreprises, des ministres chargés du commerce, de la consommation, le
ministre chargé du secteur économique concerné, le
président de l'Autorité de la concurrence, n'importe quelle
organisation professionnelle ou syndicale, les associations de consommateurs
agrées, les chambres de commerce, des
123 Cf. supra nos 63 s.
58
métiers ou d'agriculture. Par ailleurs, la commission
peut se saisir elle-même et demander la réalisation d'une
enquête par les agents de la DGCCRF.
99. La commission se compose d'un nombre égal de
représentants de producteurs, de revendeurs, de parlementaires, de
magistrats, de fonctionnaires et de personnalités qualifiées. Le
président est désigné parmi ses membres par décret.
Lorsqu'il n'est pas membre d'une juridiction, un vice-président
appartenant à une juridiction administrative ou judiciaire est
désigné à ses côtés dans les mêmes
conditions.
100. À ce jour, la CEPC a rendu 29 avis traitant le
déséquilibre significatif124. À titre
d'exemple, nous pouvons citer l'avis du 10 mars 2010 où la CEPC a
considéré que le refus catégorique de
pénalités à raison d'une inexécution contractuelle
pouvait s'analyser comme une tentative de soumettre un partenaire commercial
à des obligations créant un déséquilibre dans les
droits et obligations des parties125. Pour parvenir à cette
décision, la CEPC établit que l'article L. 442-6 du Code de
commerce s'inscrit dans le principe de liberté contractuelle
prévu par l'article 1134 du Code civil. Toutefois, ce principe
connaît une exception lorsque cette liberté conduit à un
déséquilibre significatif dans les droits et obligations des
parties. La commission explique que les CGV constituent le socle de la
négociation commerciale, donc qu'elles peuvent être
négociées. L'impossibilité de négociation constitue
un déséquilibre significatif et celle-ci doit se faire de bonne
foi (principe parmi d'autres à l'origine de l'interdiction du
déséquilibre significatif126). Celui qui refuserait de
négocier les CGV crée un déséquilibre significatif
dans les droits et obligations des parties, puisque l'une d'elles impose ses
CGV à l'autre alors que l'objectif de ce document est
précisément d'offrir une plateforme transparente de
négociation devant aboutir à une relation
équilibrée.
124 CEPC, avis no 06-01, no 08-06,
no 09-05, no 09-06, no 09-07, no
09-09, no 09-12, no 09-13, no 10-04, no
10-06, no 10-09, no 10-13, no
10-15, no 11-06, no 11-07, no 11-06,
no 11-10, no 12-01, no 12-02, no
12-07, no 13-10, no 14-01, avis no 14-02,
no 14-06, no 14-07, no 15-02, no
15-03, no 15-04.
125 CEPC, avis no 10-06 du 10 mars 2010.
126 Cf. supra no 27.
59
|