Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales.( Télécharger le fichier original )par Lorena Cortissoz Paris Dauphine - Master 2 Droit approfondi de là¢â‚¬â„¢entreprise 2014 |
1- L'appréciation du déséquilibre significatif par les CGV
111 CEPC avis no 08-06 du 19 déc. 2008 : « Le fait pour un distributeur de vouloir dénoncer les conditions générales de vente d'un fournisseur avant même que s'engagent les négociations n'est donc pas conforme à l'esprit de la loi. » 112 Art. L. 441-7 du Code de commerce. 53 d'application de l'article L. 442-6, I, 2°113. C'est à l'aune de cet instrument de négociation que le juge évalue l'éventuel déséquilibre significatif imposé par l'une des parties à son partenaire commercial. Selon le tribunal de Commerce de Bobigny, l'appréciation du déséquilibre significatif se fait au regard « des circonstances qui ont entouré les négociations les ayant précédés et, le cas échéant, de celles prévalant au moment de leur mise en oeuvre114. » Nous pouvons raisonnablement penser que le juge fait ici référence aux CGV en évoquant la période de négociation. 2- L'insuffisance des CGV dans l'appréciation du déséquilibre significatif
113 Ibid. 114 trib. com. Bobigny, 13 juill. 2010, no 2010/F00541. 115 CEPC, Rapport annuel d'activité, 2009-2010, p. 159. 116 DGCCRF, note d'information no 2014-149 du 6 août 2014, p. 12. 54 de vente. » Ce texte sanctionne indirectement le déséquilibre significatif puisque c'est le caractère disproportionné de la demande qui est interdit. Toutefois, l'application de ce texte pose problème tant la preuve de la menace paraît difficile à rapporter. Les acheteurs peuvent alors prononcer des menaces de rupture de la relation commerciale afin d'imposer leurs CGA sur les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services, sans être sanctionnés. Ces menaces peuvent impunément aboutir au remplacement des CGV par les CGA alors même que cette situation relève d'un déséquilibre significatif. Du fait de la difficulté d'apporter la preuve d'un déséquilibre et de leur dépendance à l'égard de l'acheteur, les vendeurs devront se plier à leurs conditions pour espérer vendre leurs produits. Dans ce cas, les CGV ne forment plus le « socle unique de la négociation » puisque les CGA les remplacent. Cette situation ne concerne pas uniquement les « petits » vendeurs. À titre d'exemple, citons un conflit entre Carrefour et Danone. Le 5 mars 2014, la direction de Carrefour communique à ses clients que les produits Danone ne seront plus disponibles dans les rayons à cause des conditions de vente injustifiées117. Cette annonce fait changer d'avis Danone en quelques heures, les CGA de Carrefour se sont substituées indirectement aux conditions de vente de Danone avant même de concrétiser un accord écrit. Cette situation entre dans le champ d'application du déséquilibre significatif puisque le vendeur n'arrive pas à faire valoir ses CGV sous la pression de l'acheteur. Carrefour est parvenu à imposer ses CGA parce qu'il s'agissait d'un partenaire important pour Danone. Les enseignes de la grande distribution ont un pouvoir de nature monopolistique en France. Inversement, s'il s'était agi d'un partenaire moins important, Danone aurait sans doute imposé ses CGV. En cas de refus de la part de l'acheteur, le vendeur aurait pu le menacer de rupture de la relation, ce qui aurait pu créer un déséquilibre dont la preuve est difficile à apporter. 90. En conclusion, l'évaluation du déséquilibre significatif demeure délicate à partir des seules CGV. La situation en amont de la création des CGV peut occulter le fait que nous sommes face à une situation de déséquilibre significatif. L'évaluation du déséquilibre significatif se fera principalement dans la concrétisation de la relation commerciale. 117 Le Parisien, « Danone, Ricard et les autres... », leparisien.fr, 9 mai 2014, rubrique : actualité. 55 B. L'appréciation du déséquilibre significatif dans la concrétisation de la relation commerciale
118 Cf. supra no 65. 119 Assemblée nationale, Étude d'impact sur le projet de loi relatif à la consommation, 30 avr. 2013. 120 P. OLLIER et J. GAUBERT, Rapport d'information présenté par la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, no 2312, p. 51. 56 de laquelle les parties affirmeraient que le contrat n'est pas déséquilibré121. À présent que nous savons quels sont les supports d'appréciation du déséquilibre significatif, il convient de s'intéresser aux situations concrètes constitutives d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. |
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