WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales.

( Télécharger le fichier original )
par Lorena Cortissoz
Paris Dauphine  - Master 2 Droit approfondi de là¢â‚¬â„¢entreprise 2014
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

1- L'appréciation du déséquilibre significatif par les CGV

84. Depuis la loi Hamon, l'article L. 441-6 du Code de commerce dispose que les CGV « constituent le socle unique de la négociation commerciale ». La volonté de donner une place aussi importante aux CGV était déjà en germe dans la loi LME si l'on considère que leur dénonciation ne pouvait pas advenir avant que la négociation fût engagée111. Autrement dit, les CGV formalisent le début des relations commerciales.

85. Ce document doit être élaboré par « tout producteur, prestataire de services, grossiste ou importateur » et concerne l'ensemble des relations avec un « acheteur de produits ou tout demandeur de prestations de services qui en fait la demande pour une activité professionnelle. »112 S'il n'est pas le seul élément de négociation commerciale, il en est un élément prépondérant. L'article L. 441-6 du Code de commerce indique que le contenu minimum obligatoire de ces conditions inclut les conditions de vente, le barème des prix unitaires, les réductions de prix et les conditions de règlement. Ces informations vont permettre d'apprécier les conditions dans lesquelles va se dérouler la relation commerciale. Juridiquement, il s'agit d'une offre précise et ferme adressée à l'ensemble ou à une catégorie particulière des clients du vendeur.

86. Les CGV constituent un document de référence utile pour appréhender les exigences formulées par l'un des cocontractants et susceptibles d'entrer dans le champ

111 CEPC avis no 08-06 du 19 déc. 2008 : « Le fait pour un distributeur de vouloir dénoncer les conditions générales de vente d'un fournisseur avant même que s'engagent les négociations n'est donc pas conforme à l'esprit de la loi. »

112 Art. L. 441-7 du Code de commerce.

53

d'application de l'article L. 442-6, I, 2°113. C'est à l'aune de cet instrument de négociation que le juge évalue l'éventuel déséquilibre significatif imposé par l'une des parties à son partenaire commercial. Selon le tribunal de Commerce de Bobigny, l'appréciation du déséquilibre significatif se fait au regard « des circonstances qui ont entouré les négociations les ayant précédés et, le cas échéant, de celles prévalant au moment de leur mise en oeuvre114. » Nous pouvons raisonnablement penser que le juge fait ici référence aux CGV en évoquant la période de négociation.

2- L'insuffisance des CGV dans l'appréciation du déséquilibre significatif

87. L'exclusion des CGV est constitutive d'un déséquilibre significatif. En effet, si ce document constitue le socle unique de la relation commerciale, les acheteurs ne peuvent l'écarter en imposant leurs conditions générales d'achat (CGA). La clause excluant l'application des CGV au profit des CGA constitue un déséquilibre significatif115.

88. Si les CGV sont un élément utile pour déceler le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, elles ne peuvent pas pour autant prétendre endosser exclusivement ce rôle. Le fait qu'elles soient le « socle unique de la relation commerciale » n'interdit pas en effet qu'elles fassent l'objet de négociations. Une note d'information de la DGCCRF indique, d'une part, que les CGA peuvent être prises en compte dans le cadre de la négociation et, d'autre part, que les CGV ne peuvent pas être imposées unilatéralement par le vendeur à son client116. Le déséquilibre significatif peut donc advenir quand les CGA suppléent les CGV ou encore, lorsque ces dernières sont unilatéralement imposées par le vendeur.

89. L'article L. 442-6,I,4° du Code de commerce sanctionne le fait « d'obtenir ou tenter d'obtenir sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et

113 Ibid.

114 trib. com. Bobigny, 13 juill. 2010, no 2010/F00541.

115 CEPC, Rapport annuel d'activité, 2009-2010, p. 159.

116 DGCCRF, note d'information no 2014-149 du 6 août 2014, p. 12.

54

de vente. » Ce texte sanctionne indirectement le déséquilibre significatif puisque c'est le caractère disproportionné de la demande qui est interdit. Toutefois, l'application de ce texte pose problème tant la preuve de la menace paraît difficile à rapporter. Les acheteurs peuvent alors prononcer des menaces de rupture de la relation commerciale afin d'imposer leurs CGA sur les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services, sans être sanctionnés. Ces menaces peuvent impunément aboutir au remplacement des CGV par les CGA alors même que cette situation relève d'un déséquilibre significatif. Du fait de la difficulté d'apporter la preuve d'un déséquilibre et de leur dépendance à l'égard de l'acheteur, les vendeurs devront se plier à leurs conditions pour espérer vendre leurs produits. Dans ce cas, les CGV ne forment plus le « socle unique de la négociation » puisque les CGA les remplacent.

Cette situation ne concerne pas uniquement les « petits » vendeurs. À titre d'exemple, citons un conflit entre Carrefour et Danone. Le 5 mars 2014, la direction de Carrefour communique à ses clients que les produits Danone ne seront plus disponibles dans les rayons à cause des conditions de vente injustifiées117. Cette annonce fait changer d'avis Danone en quelques heures, les CGA de Carrefour se sont substituées indirectement aux conditions de vente de Danone avant même de concrétiser un accord écrit. Cette situation entre dans le champ d'application du déséquilibre significatif puisque le vendeur n'arrive pas à faire valoir ses CGV sous la pression de l'acheteur. Carrefour est parvenu à imposer ses CGA parce qu'il s'agissait d'un partenaire important pour Danone. Les enseignes de la grande distribution ont un pouvoir de nature monopolistique en France. Inversement, s'il s'était agi d'un partenaire moins important, Danone aurait sans doute imposé ses CGV. En cas de refus de la part de l'acheteur, le vendeur aurait pu le menacer de rupture de la relation, ce qui aurait pu créer un déséquilibre dont la preuve est difficile à apporter.

90. En conclusion, l'évaluation du déséquilibre significatif demeure délicate à partir des seules CGV. La situation en amont de la création des CGV peut occulter le fait que nous sommes face à une situation de déséquilibre significatif. L'évaluation du déséquilibre significatif se fera principalement dans la concrétisation de la relation commerciale.

117 Le Parisien, « Danone, Ricard et les autres... », leparisien.fr, 9 mai 2014, rubrique : actualité.

55

B. L'appréciation du déséquilibre significatif dans la concrétisation de la relation commerciale

91. Le contrat conclu entre les parties va être pris comme référence par les juges afin d'évaluer si nous sommes en présence d'un déséquilibre significatif. Le contrat considéré peut être aussi bien écrit qu'oral118. Il concrétise la volonté des parties et le résultat de leurs négociations.

92. Dans la relation fournisseur-distributeur ou prestataire de services, un document particulier doit être rédigé en vertu de l'article L. 441-7 du Code de commerce. Ce dernier prévoit l'obligation pour ces professionnels d'établir « une convention écrite [...] [indiquant] les obligations auxquelles se sont engagées les parties. » Cette convention récapitulative fixe « les conditions de l'opération de la vente, les services de coopération commerciale et les autres obligations destinées à favoriser la relation commerciale. » On peut donc y retrouver des obligations relevant du champ d'application du déséquilibre significatif.

L'article L. 441-7 du Code de commerce indique que les dispositions de la convention récapitulative ne doivent pas être contraires à l'article L. 441-6 du Code de commerce relatif aux CGV, ni à l'article L. 442-6 du même code comprenant l'interdiction du déséquilibre significatif. La référence explicite à l'article L. 442-6 dans celui relatif à la convention récapitulative souligne la volonté du législateur de rappeler que les obligations auxquelles s'engagent les parties dans la convention récapitulative ne doivent pas créer un déséquilibre significatif119. La convention récapitulative permet donc au juge d'apprécier le déséquilibre dans les droits et obligations des parties120.

93. Le rédacteur de la convention récapitulative devra prendre des précautions pour que ses dispositions n'apparaissent pas comme déséquilibrées. Par conséquent, toute disposition litigieuse doit être justifiée. De plus, la partie forte ne peut échapper au contrôle judiciaire du déséquilibre significatif par la stipulation d'une clause aux termes

118 Cf. supra no 65.

119 Assemblée nationale, Étude d'impact sur le projet de loi relatif à la consommation, 30 avr. 2013.

120 P. OLLIER et J. GAUBERT, Rapport d'information présenté par la commission des affaires économiques sur la mise en application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, no 2312, p. 51.

56

de laquelle les parties affirmeraient que le contrat n'est pas déséquilibré121. À présent que nous savons quels sont les supports d'appréciation du déséquilibre significatif, il convient de s'intéresser aux situations concrètes constitutives d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote