Section 2. Le déséquilibre significatif :
une notion ambiguë ?
59. Le législateur n'a pas défini le
déséquilibre significatif. Ce vide juridique fait place à
une confusion quant à la potée de l'article L. 442-6, I,
2° du Code de commerce (§1), voire
à de l'insécurité juridique (§2).
§1. Une notion large
60. Le législateur n'a pas indiqué les
personnes concernées par l'article L. 442-6, I, 2° du Code de
commerce. La seule chose dont nous sommes certains, c'est que l'auteur du
déséquilibre significatif doit être un « producteur,
commerçant, industriel ou personne immatriculée au
répertoire des métiers » et que la victime doit être
un « partenaire commercial ». La détermination de ce dernier
pose problème et fait place à un champ d'application ratione
personae trop large (A). Si le législateur n'a pas
indiqué précisément les personnes concernées par
l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, il n'a pas
davantage défini la notion du déséquilibre significatif.
Par conséquent, le champ d'application ratione materiae de
l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce demeure
indéterminé (B).
A. Un champ d'application ratione personae trop
large
61. Bien que la volonté initiale du législateur
fût de protéger le petit fournisseur contre le grand distributeur,
le texte finalement voté vise non seulement l'interdiction du
déséquilibre significatif dans la relation
fournisseur-distributeur, mais aussi un grand nombre de relations commerciales.
Tout opérateur économique est susceptible d'être poursuivi
puisque l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce s'adresse
à « tout producteur, commerçant, industriel ou personne
immatriculée au répertoire des métiers. »
Nombreux sont les arrêts où le juge s'essaye
à délimiter le champ d'application ratione personae de
l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce. Dans un
arrêt de la
cour d'appel de Nancy85, le recours à
l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce est refusé
puisque le client n'avait pas été considéré comme
le partenaire commercial du cédant, cette qualité étant
nécessaire pour que l'article s'applique. En l'espèce, un contrat
de licence d'exploitation avait été conclu entre un client et le
cessionnaire. Le contrat prévoyait une clause d'exonération de
responsabilité du cessionnaire en cas d'anomalies de fonctionnement du
site internet. La juridiction du second degré estime que le client ne
pouvait pas invoquer l'article L. 442-6, I, 2° du Code de
commerce dans la mesure où il n'était pas le partenaire
commercial du cédant. Elle donne ici une condition essentielle quant
à la qualité du partenaire commercial qui doit être le
partenaire économique, c'est-à-dire « le professionnel avec
lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales pour
conduire une action quelconque, ce qui suppose une volonté commune et
réciproque d'effectuer des actes ensemble dans les activités de
par opposition à la notion plus étroite de cocontractant. ».
Le champ d'application ratione personae inclut donc tout partenaire
économique, du moment que la relation est durable.
Dans un autre arrêt, la cour d'appel de
Lyon86 indique que la qualité de partenaire commercial au
sens de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce «
suppose une certaine continuité ». En l'espèce, les parties
étaient liées par un des contrats prévoyant le financement
des équipements, mais ceux-ci n'étaient conclus que de
manière ponctuelle, ce qui interdisait la qualification de partenaire
commercial. Pour se prévaloir de l'application de l'article L. 442-6, I,
2° du Code de commerce, le partenaire commercial supposé
lésé doit avoir une relation commerciale durable et stable avec
l'auteur du déséquilibre significatif.
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85 CA Nancy, 14 févr. 2013, n°
12/00378.
86 CA Lyon, 10 mai 2012, n°
10/08302.
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