B. L'assimilation contestable
55. Le législateur assimile le partenaire commercial
considéré comme « faible » à un consommateur.
Cependant, si nous prenons le cas du fournisseur, souvent désigné
comme la partie faible, il a une connaissance parfaite du produit contrairement
au consommateur profane qui est dans une situation d'infériorité
justifiant une sorte d'« assistanat juridique80. » De
même, alors qu'en matière de droit de la consommation la partie
faible est toute désignée, dans le droit de la concurrence au
contraire, nous ne savons pas à l'avance laquelle des deux parties
à la relation commerciale est faible.
56. Notons par ailleurs que l'article L. 132-1 du Code de la
Consommation interdit uniquement les clauses
déséquilibrées, c'est-à-dire celles ayant «
pour objet ou pour effet de créer [...] un déséquilibre
significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »
Quant au déséquilibre significatif du droit de la concurrence, il
s'apprécie au regard des « droits et obligations des parties »
à l'aide d'une appréciation globale du contrat. Nous verrons plus
tard que la jurisprudence semble apprécier le déséquilibre
significatif de l'article L. 442-6, I, 2° par le truchement
d'une analyse globale du contrat et en tenant compte du comportement des
parties.
57. Enfin, les termes « tenter » ou «
soumettre » utilisés dans l'article L. 442-6, I, 2° du Code de
commerce interdisant le déséquilibre significatif dans les
relations commerciales, laissent supposer que la disposition sanctionne un
comportement. Alors que l'interdiction de l'article L. 132-1 du Code de la
consommation dispose clairement que ce sont uniquement les « clauses
» qui seront analysées. Nous verrons plus tard que la jurisprudence
tend à prendre en compte le comportement des parties dans
l'évaluation du déséquilibre significatif dans les
relations commerciales81.
79 A.-C. MARTIN et D. FÉRRÉ, «
Propos introductifs », JSS, janv. 2014, p. 9.
80 M. BEHAR-TOUCHAIS, « La sanction du
déséquilibre significatif dans les contrats entre professionnels
», RDC, 1er janv. 2009, p. 202.
81 Cf. infra nos 117 s.
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58. Ces différences expliquent sans
doute pourquoi la cour d'appel de Paris a établi que « si le juge
peut s'inspirer des solutions dégagées sur le fondement de
l'article L. 1321 du Code de la consommation pour interpréter les
dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, il ne peut
se contenter de raisonner par analogie, dès lors que le champ
d'application des deux textes est distinct, l'article L. 442-6
précité ayant vocation à s'appliquer dans les rapports
entre professionnels où les rapports de force sont différents de
ceux existants entre professionnels et consommateurs82. »
L'analogie totale ne saurait être de mise. La cour fait ici
sûrement allusion aux clauses visées par les articles R. 1321 et
suivants du Code de la consommation83. On commettrait donc une
erreur en assimilant trop vite les deux types de relations. De manière
générale, le consommateur n'est pas un professionnel, tandis que
le premier est « profane », le second est un « sachant
»84. Le déséquilibre significatif dans les
relations commerciales a été formellement interdit, mais sa mise
en application semble délicate puisque le législateur n'a pas
pris soin de définir cette notion.
82 CA Paris, 29 oct. 2014, no 13/11059.
83 Cf. supra n° 51.
84 V. MARX et A.-C. MARTIN, « Le
contrôle du déséquilibre significatif dans les relations
entre fournisseurs et distributeurs », Option finance, 12-16
janv. 2012, p. 28-29.
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