§2. Une notion inspirée du droit de la
consommation
49. La notion du déséquilibre significatif dans
les relations commerciales s'apparente au déséquilibre
significatif interdit dans les contrats de consommation (A),
néanmoins, une assimilation des deux notions est contestable car le
partenaire commercial n'étant pas dans la même situation qu'un
consommateur (B).
A. L'assimilation du partenaire commercial au
consommateur
50. Le législateur a tendance à assimiler le
partenaire commercial à un consommateur. L'objectif est de le
protéger comme le consommateur, c'est-à-dire comme la partie
faible au contrat.
L'assimilation du partenaire commercial au consommateur est
flagrante dans l'interdiction du déséquilibre significatif. Comme
nous l'avons vu72, le Conseil Constitutionnel a été
questionné sur la validité de l'article L. 442-6, I,
2°. Or, l'un des arguments utilisés pour déclarer
la disposition constitutionnelle a été justement de soulever que
l'interdiction du déséquilibre significatif dans la relation
commerciale était valable puisqu'elle existait déjà dans
la règlementation française, à l'article L. 132-1 du Code
de la consommation. Le Conseil Constitutionnel compare le
déséquilibre significatif du contrat de consommation à
celui de l'article L. 442-6, I, 2°. Le législateur a
emprunté une notion issue du Code de la consommation qu'il a introduit
dans le Code de commerce. Certains auteurs ont même noté qu'il
s'agissait d'un « droit de la consommation bis73. »
51. Le juge judiciaire confirme cette volonté
d'assimilation. Dans un arrêt du 18 septembre 2013, la cour d'appel de
Paris fait référence aux « clauses noires » de
l'article R. 132-1 du Code de la consommation74. Ces clauses sont
irréfragablement réputées non
72 Cf. supra nos 46 s.
73 L. ROBERVAL et D. FASQUELLE, «
Modernisation de l'économie : le législateur semble reprendre la
suppression de l'interdiction des discriminations préconisée par
le rapport Hagelsteen dans le projet de loi sur la modernisation de
l'économie («Négociabilité des tarifs et des
conditions générales de vente») », Concurrences
2008, no 2, p. 125.
74 CA Paris, 18 sept 2013, no 12/03177.
36
écrites à raison de « la gravité des
atteintes qu'elles portent à l'équilibre des
contrats75. » La juridiction du second degré affirme
« que ces règles peuvent inspirer l'application de l'article L.
442-6, I, 2° du Code de commerce. » Nous voyons bien que
le juge judiciaire confirme la volonté du Conseil Constitutionnel en
assimilant le déséquilibre significatif du Code de la
consommation à celui du Code du commerce.
52. Nous pouvons observer que l'histoire des deux textes est
similaire. Avant que ne soit introduit le déséquilibre
significatif dans le Code de la consommation en 2001, seules les clauses
abusives conférant un avantage excessif à la partie ayant une
puissance économique étaient prohibées76. Le
législateur a suivi le même chemin en 2008 lors de l'introduction
du déséquilibre significatif dans le Code de commerce par la loi
LME. Auparavant, seules étaient proscrites les conditions commerciales
ou les obligations non justifiées77. Dans les deux textes,
nous sommes passés d'une interdiction des avantages excessifs et
injustifiés à celle du déséquilibre significatif.
Il appert que le législateur a introduit le concept de
déséquilibre significatif du droit de la consommation en droit de
la concurrence.
53. Le législateur a tendance à assimiler la
partie faible de la relation commerciale à un consommateur. À
propos du déséquilibre significatif, le professeur Catala
affirmait que « les deux mots clés étant les mêmes,
ils ne peuvent pas signifier le contraire à un code de
distance78. » L'une des parties à la relation
commerciale est considérée comme faible, car le verbe «
soumettre » présent à l'article L. 442-6, I,
2° du Code de commerce fait ressortir l'état de
puissance d'une partie à l'égard de l'autre. C'est
également le cas du consommateur dans le contrat de consommation.
54. Peut-on accepter la présomption d'un
déséquilibre dans les relations commerciales ? Le
législateur a emprunté une règle du droit de la
consommation, où l'on sait que le déséquilibre entre les
parties est le principe et l'équilibre l'exception, pour régir
des relations commerciales. Pour autant, il semble qu'en matière de
droit commercial, le principe devrait être l'équilibre et le
déséquilibre l'exception dans la
75 C. conso., art. L. 132-1.
76 C. conso., art. L. 132-1, version en vigueur du 2
fév. 1995 au 25 août 2001.
77
C. com., anc. art. L. 442-6, I,
1°, abrogé par la LME.
78 P. CATALA, « Des contrats
déséquilibrés », in Mélanges F.-Ch.
JEANTET, LexisNexis, 2010, p. 88.
37
mesure où nous sommes en présence de deux
professionnels avisés79. Le législateur paraît
ainsi avoir créé un régime juridique traitant d'une
exception.
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