II.1.2- Méthode stratégique
Afin de mieux appréhender notre thème de
recherche, nous l'avons aussi analysé dans la perspective actionnaliste
et précisément avec la méthode stratégique de
Michel CROZIER.
Dans leur ouvrage, l'Acteur et le système
(1977), Michel CROZIER et Erghard FRIEDBERG centrent leur conception sur
le jeu entre l'organisation et ses membres, leurs relations interindividuelles
et leurs stratégies.
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Ce jeu est défini comme «un système
d'action» grâce auquel les acteurs structurent leur relation de
pouvoir tout en se laissant la liberté.
La participation comme mode d'action collective serait donc
une solution toujours contingente au problème de la coopération
et de la coordination, en vue de l'accomplissement d'objectifs communs.
En effet, l'analyse stratégique de Michel CROZIER a
été utilisée pour faire ressortir les positions
stratégiques occupées par chaque acteur dans l'arène du
développement. Cette théorie postule que l'acteur est
détenteur d'une marge de manoeuvre importante vis-à-vis
des règles de l'entreprise.
La maîtrise d'une zone d'incertitude lui
confère un certain pouvoir et ce pouvoir sera d'autant plus
important que s'accroîtra la maîtrise de zones
d'incertitude.
Dans le cas de notre travail, beaucoup d'acteurs interviennent
dans le cadre du développement à Dimbokro et chaque acteur
concerné essaie d'accroître ses potentialités
vis-à-vis des autres pour contrôler un minimum de pouvoir
possible. En ce sens, la mise en évidence des différentes
positions occupées par les acteurs locaux peut nous aider à
étudier leurs stratégies qui définissent leur motivation
faible ou forte par rapport à la participation au projet et saisir les
représentations qui les sous-tendent; et par voie de conséquence,
saisir les effets de cette conflictualité plus ou moins diffuse.
Chez CROZIER, en effet, l'individu est rationnel et cherche
à accroître « sa marge de manoeuvre ». Il met ainsi en
scène des individus que l'on peut assimiler à des « homo
strategicus » dont l'objectif est d'accroître leur propre pouvoir et
de restreindre celui des autres.
Par ailleurs, le jeu des acteurs en situation de
développement met en exergue une zone d'incertitude qu'il faut
considérer.
Une zone d'incertitude est, un espace de pouvoir que maitrise
un acteur stratégique, et qui fait l'objet d'enjeux, ou donne naissance
aux stratégies des jeux d'acteurs.
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Ce concept met l'accent sur l'autonomie et le pouvoir, deux
notions liées. Par exemple, le supérieur hiérarchique n'a
pas 100 % de certitude que ses consignes seront suivies. Il y a des
incertitudes que les subalternes vont interpréter ses consignes. Chaque
acteur dispose donc, quelque soit l'endroit où il se trouve, d'une zone
au sein de laquelle il rend son comportement incertain, imprévisible
pour les autres acteurs.
C'est ce que CROZIER et FRIEDBERG (1977) nomment une «
zone d'incertitude ».
Ainsi, accroître son pouvoir, c'est accroître la zone
au sein de laquelle on peut avoir un comportement imprévisible,
indéterminé.
Du point de vue d'une organisation dans sa totalité,
vouloir faire disparaître de telles zones, rechercher la
prévisibilité totale, serait non seulement impossible mais aussi
inefficace.
Quand bien même on y parviendrait, on aboutirait
à un système rigide, aux réactions
stéréotypées, incapable de générer les
réponses nouvelles adaptées aux changements de
l'environnement.
Dans l'analyse stratégique, l'incertitude est
définie par rapport au renforcement du jeu de l'acteur,
c'est-à-dire comme une autonomie. L'incertitude est au coeur de toute
situation organisationnelle en s'appuyant sur l'autonomie de l'acteur et la
possibilité pour lui de faire des choix.
Il est clair que l'incertitude ne réside pas seulement
dans le fonctionnement interne de l'entreprise, mais tout autant, et peut
être beaucoup plus, dans les contraintes de l'environnement.
Ces contraintes peuvent être d'ordre économique,
social, politique, etc. La zone d'incertitude dans le cadre de ce travail est
perceptible au niveau de la population par sa dotation dans certains capitaux,
à savoir le capital symbolique et le capital culturel.
La population doit pouvoir les utiliser pour le
développement local.
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En somme, l'imprévisibilité de sa réaction
représente ici une zone d'incertitude qu'il faut analyser et orienter
pour l'atteinte des objectifs du développement local.
Nous venons de présenter brièvement les
différentes méthodes d'approches indispensables à
l'étude.
Mais, pour que cette démarche intellectuelle ait une
portée scientifique, elle doit être soutenue par une
démarche pratique, c'est-à-dire des techniques. Autrement dit, la
méthode constitue une dimension de la recherche à laquelle les
techniques servent d'appui.
Ceci nécessite une délimitation du champ
d'étude.
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