2. L'impact sur la productivité et le rendement
:
Les TIC, qualifiées de technologies
génériques, sont souvent assimilées à une
troisième révolution industrielle. Susceptibles d'accroître
le potentiel de croissance, elles génèrent des gains de
productivité propres à améliorer le rendement des
entreprises.
Cependant, certains sont sceptiques quant à la
capacité des TIC à engendrer encore des innovations majeures
porteuses de changement technologique (Gordon, 2003). Ces observations ont
été formulées à partir du cas américain
où l'accélération de la croissance de la
productivité a été associée à la forte
contribution des TIC dans la seconde moitié des années
quatre-vingt-dix.
S'appuyant sur le modèle de Solow, le cadre comptable
de la croissance permet de distinguer trois grandes sources de croissance de la
productivité horaire du travail : l'augmentation de l'intensité
en capital (les services du capital rapportés aux heures
travaillées), l'accroissement
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de la qualité du travail (les services du travail
rapportés aux heures travaillées) et les gains de
productivité globale des facteurs. Au sein du capital, la contribution
résultant plus spécifiquement de l'utilisation de capital TIC
peut être identifiée séparément.
Les analyses existantes concernent la contribution des
TIC au gain de productivité : Selon INSEE :
Globalement, plus les entreprises utilisaient les technologies
de l'information et de la communication (TIC) en, meilleure a été
leur productivité, « toutes choses égales par ailleurs
».
C'est ce qui ressort d'une analyse micro
économétrique fondée sur l'estimation d'une relation
technologique. La productivité est ainsi supérieure de 4 % dans
les entreprises dotées d'un progiciel ou d'autres outils logiciels
avancés. Le différentiel atteint 11 % lorsque les
sociétés disposent également d'un extranet, d'un
call-center ou d'un outil de visioconférence. Ces écarts sont
encore plus importants dans les secteurs à faible
productivité.
Les entreprises dont plus de la moitié des
salariés utilisent le courrier électronique ont eu une
productivité supérieure de 17 %. Le recueil d'informations sur
les clients via un site Web procurerait également un avantage de
performance allant jusqu'à 5 %.
En revanche, la productivité apparaît
indépendante des autres utilisations des sites Web, de l'usage des
réseaux électroniques et même du recours au commerce
électronique, encore marginal.
Même si les premières études de Robert
Solow en 1987 avaient conduit à l'énoncé du «
paradoxe de la productivité », la plupart des études
récentes sur données d'entreprises, aussi bien françaises
qu'étrangères, concluent à un impact fort des nouvelles
technologies sur la productivité (cf. Pilat, 2004, pour une revue de la
littérature). Elles reposent typiquement sur l'estimation d'une relation
technologique entre valeur ajoutée, travail et capital en isolant, au
sein de ce dernier facteur, un capital en nouvelles technologies. Cependant,
peu d'entre elles se sont attachées à caractériser les
types d'équipement et d'utilisation des TIC à l'origine de ces
gains de productivité, à l'exception notable pour la France de
Crépon et al. (2006), dont l'étude
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révèle une corrélation forte entre la
croissance de la productivité entre 1994 et 1997 et le choix de
l'internet sur la période.
Selon OCDE :
Entre 1995 et 2001, les gains de productivité horaire du
travail ont été en moyenne, aux États-Unis, de l'ordre de
2 % à 3 %. Les résultats des analyses comptables montrent que la
contribution de l'intensité en capital TIC à ces gains seraient
d'environ 0,7 à 1 point de
pourcentage et celle de la productivité globale des
facteurs (PGF) de 0,4 à 1 point selon la période et les choix
méthodologiques retenus.
L'Europe semble s'inscrire dans la même dynamique que
les États-Unis mais avec un retard qu'elle n'a pas réussi
jusqu'ici à combler. Sur cette même période 1995-2001
comparée aux cinq années précédentes, tout d'abord,
la productivité horaire et la productivité globale des facteurs
n'y ont pas accéléré mais au contraire ralenti. Ensuite,
si la contribution de l'intensité en capital TIC à la croissance
de la productivité horaire a également augmenté, cette
augmentation est d'une ampleur très inférieure à celle
constatée aux États-Unis.
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Plusieurs raisons ont été avancées pour
expliquer le retard de l'Europe par rapport aux États-Unis dans
l'utilisation des TIC et dans l'accélération de la PGF : un
ensemble de réglementations qui retarderait l'adoption des TIC en
Europe, la taille du secteur producteur de TIC et l'investissement
précoce des États-Unis dans les TIC, concomitant à un
effort complémentaire de réorganisation du travail (voir par
exemple OCDE, 2003). Cette discussion dépasse l'objet du présent
article, mais les écarts significatifs observés entre les
différentes estimations présentées ci-dessus montrent
qu'un effort supplémentaire de mesure est utile pour mieux identifier
l'ampleur et la nature de ce retard.
L'hypothèse d'une corrélation intersectorielle
positive entre intensité en capital TIC et gains de PGF a
également été souvent avancée, ce qui remettrait en
cause l'exogénéité supposée du progrès
technique dans les exercices de comptabilité de la croissance.
Cependant, lorsque l'on tient compte de
l'hétérogénéité entre les branches, et en
particulier de la spécificité des activités productrices
de TIC, qui affichent des gains de PGF nettement plus forts que les autres, la
croissance de la PGF n'apparaît pas corrélée avec celle des
intrants.
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