De la constitutionnalité de l'ordonnance n?° 15/081 du 29 octobre 2015 portant nomination des commissaires spéciaux et commissaires spéciaux adjoints en droit positif congolais.( Télécharger le fichier original )par Fred MUTOMBO MUBABINGE Université de Kinshasa - DIPLÔME Dà¢â‚¬â„¢ÉTAT (BACCALAURÉAT) 2016 |
SECTION II. THESE DE L'INCONSTITUTIONNALITE DE L'ORDONNANCE N° 15/081 DU 29 OCTOBRE 2015.Nous avons appris des auteurs ci-haut évoquées qu'essentiellement la démocratie, forme de gouvernance unanimement acceptée et qui se construit sur la volonté des citoyens ne peut subsister aux caprices que sous garantie de la loi, essentiellement la Constitution qui en constitue le socle, mieux la source de l'idée des droits d'un Etat et, qu'à sn tour, celle-ci n'aurait de sens fondamental que si un contrôle rigoureux censure les normes inférieures qui doivent sous peine de la mort juridique se conformer à ses prescrits. Pour le cas sous examen, cette exigence pré rappelée a servi de motivation aux tenants de la thèse de l'inconstitutionnalité de l'ordonnance du 29 octobre 2015 nommant les Commissaires spéciaux et leurs adjoints. A l'appui de leur affirmation, ils évoquent notamment les raisons tirées du principe d'attribution (§1) et les raisons tirées de la forme de l'Etat organisée par le constituant du 18 février 2006 (§2). §1. LES RAISONS TIREES DU PRINCIPE D'ATTRIBUTIONParmi tant d'autres principaux rôles de la Constitution, il sied d'énumérer la création des organes de gestion de l'Etat, la détermination de la procédure de désignation de leurs animateurs et leurs nomenclatures ainsi que l'organisation et la délimitation de leurs compétences. En effet, la conséquence logique qui découle de cette acception est double : la validité et l'invalidité des actes des institutions politiques et autres organes agissant dans le cadre politique de l'Etat. Donc, pour qu'un acte soit valide : primo, il faut qu'il soit l'oeuvre d'un organe habilité par la Constitution ; secundo, il faut qu'il soit pris par un animateur dudit organe régulièrement désigné et tertio, il faut qu'il soit relevé des attributions légalement reconnues à cet organe ou audit animateur. C'est cette exigence de la preuve de cette trilogie cumulative qui ressort dans tout acte législatif ayant force de loi ou réglementaire qui doit justifier sa conformité à la Constitution ou à la loi en indiquant la base juridique de laquelle puise son auteur les attributions qui le crédite à le prendre. Il découle de ce qui précède que l'un des moyens efficaces de vérification de la validité d'une ordonnance comme pour le cas en étude, consiste à opposer son évocation à sa disposition. Ainsi donc, la gymnastique consiste à discuter en droit les appuis d'attributions évoquées par le Président de la République dans son ordonnance et conclure si ces dits appuis lui confèrent la qualité et la compétence de nommer les Commissaires spéciaux. Dans son ordonnance, le Président de la République évoque les sources justificatives de sa compétence notamment : 1. Les articles 3, 4, 69 al.3 et 81 de la Constitution Dans un contexte normal, l'idéal aurait été de retrouver aux termes desdits articles expresis verbis, les constructions du genre : « le Président de le République nomme les Commissaires spéciaux des nouvelles provinces ». Cependant leur libellé renvoyait aux considérations générales et parfois très éloignées de la préoccupation ci-haut exprimée. Par exemple, les articles 3 et 4 renvoient à la configuration territoriale de la République Démocratique du Congo et nulle part, il n'apparaît même pas un sous-entendu d'une quelconque compétence dévolue au Président de la République en cette matière. Quant à l'article 69 al. 3 qui évoque sa garantie du bon fonctionnement des pouvoirs publics et des institutions, là également apparaît dans une très large mesure l'une des missions du Président de la République de veiller à ce que les institutions de la République ne connaissent un frein de fonctionnement, mais plutôt qu'elles fonctionnent en plein régime. La vraie question qu'il sied de se poser au sujet de cette garantie c'est de savoir jusqu'où devrait aller le Président de la République ? Pouvait-il imaginer à son profit des attributions extraconstitutionnelles sans la révision de la Loi fondamentale ? Ne s'agissant pas d'une disposition transitoire, nous pensons qu'il s'agit d'une disposition des circonstances ordinaires. Donc, cette garantie consiste à protéger chaque institution à jouir de ses pleines attributions dans le respect de la Constitution. 2(*) « Comment ramener chaque bout de phrase à sa place, établir les corrélations afin d'avoir le fil conducteur éclairant le sens de l'article 69 de la Constitution. Le premier rapprochement est que cette disposition semble être le clone de l'article 5 de la Constitution française46. Ainsi le maître mot, dans le cas d'espèce s'agissant de la responsabilité du président de la République pour assurer le fonctionnement harmonieux des institutions de l'Etat est le rôle d'arbitre qui lui est reconnu » ; affirme le professeur Evariste BOSHAB47. La clarté de cette affirmation ressort pleinement de la qualité reconnue au Chef de l'Etat au tout début de l'alinéa 3 dudit article 69 : « l'Arbitre », ce concept permet clairement de définir la marge du Président de la République face au bon fonctionnement des institutions. « Assurer par l'arbitrage », renvoie aux compétitions sportives, lesquelles opposent deux équipes aux ambitions différentes mais qui doivent jouer selon les mêmes règles, et pour s'assurer qu'aucune d'elles n'oppose un mauvais jeu à l'adversaire, il y a un arbitre dont le rôle se limite à veiller à ce que durant le jeu ou la compétition, les deux équipes observent strictement les règlements. Il ne revient cependant pas à cet arbitre à créer des fautes nouvelles et d'en imaginer les sanctions autres que celles prévues par la loi sportive. D'où, arbitrer signifie trancher avec impartialité. Donc, cette évocation n'est pas justificative de l'invention constitutionnelle ayant conduit à la nomination des Commissaires spéciaux et leurs adjoints. Il en est de même de l'article 81 aux termes desquels il ne ressort aucune compétence pour le Président de la République pour nommer les Commissaires spéciaux. 2. La Loi de programmation n° 15/004 du 28 février 2015 L'idée qu'il convient d'imaginer par l'évocation de cette loi est la justification tirée de la contrainte du délai d'installation des nouvelles provinces qui devrait intervenir cent vingt jours à dater de la mise en place de la commission qui devrait être opérationnelle dans les quinze jours de la promulgation de la loi de programmation. Les contestateurs de la légalité de l'ordonnance en discussion comparent deux situations similaires pour comprendre la justification des mesures extra constitutionnelles. En effet, le constituant du 18 février 2006 avait prévu un moratoire de trente-six mois à dater de la dernière institution politique pour la mise en place de ces vingt-une provinces. Mais, cependant, au dépassement de plusieurs années de ce délai, ces provinces ont pu fonctionner dans leur ancienne configuration sans pour autant que l'Etat n'en soit menacé et que c'est tardivement, plus de neuve ans après que la Constitution fut révisée pour ordonner la promulgation de la Loi de programmation. Nonobstant les étapes préalables de l'installation des nouvelles provinces, le dépassement d'un délai légal ne devrait donner lieu à des conséquences constitutionnelles parce qu'on pouvait proroger ledit délai par la révision de la loi. 3. L'arrêt R.Const.0089/2015 de la Cour Constitutionnelle du 08 septembre 2015. Parmi les fondements justificatifs de l'ordonnance figure en ordre utile l'arrêt R.Const.0089/2015 de la Cour Constitutionnelle rendu le 08 septembre 2015 sur requête de la CENI du 29 juillet 2015 qui constate le dépassement du délai de cent vingt jours prévu à l'article 10 de la loi de programmation et qualifie ce dépassement de « force majeure » empêchant l'organisation dans le délai du scrutin des Gouverneurs et des Vice-gouverneurs, et ordonne par conséquent au Gouvernement de prendre sans tarder les dispositions transitoires exceptionnelles pour faire régner l'ordre publics, la sécurité, et d'assurer la régularité ainsi que la continuité des services publics dans les provinces concernées. Et c'est cet ordre qui constitue la source légitime de compétence qui sou tend l'oeuvre du Président de la République abondamment sus évoquée. Cependant il soulève un certain nombre des questions, notamment sur l'étendue de l'acception d'interprétation de la loi constitutionnelle par la Cour Constitutionnelle. Autrement dit, le juge constitutionnel est-il un juge du fond ou de la forme ? Mais également celle de la susceptibilité de la révision constitutionnelle par la même cour. 2(*) A. Juge constitutionnel, juge du fond et juge constitutionnel, juge de la forme a. Juge constitutionnel, juge du fond Considéré comme tel, son rôle s'étendrait sur les mesures que contient la loi ainsi que sur leurs opportunités. Et donc, il risque de revêtir la casquette politique car, ces options relèvent du pouvoir politique48. b. Juge constitutionnel, juge de la forme Partant de l'affirmation que la Constitution détermine les compétences du législateur pris dans son sens large, elle l'habilite à faire des lois dans certaines matières et c'est conformément à certaines procédures en lui prescrivant d'observer certains principes ; lorsque le législateur a respecté l'ensemble des conditions fixées par la Constitution, alors, mais alors seulement son oeuvre sera constitutionnelle. Si par contre ces prescriptions n'ont pas été observées, alors son oeuvre sera inconstitutionnelle. De ce qui précède, le juge constitutionnel a pour mission de se prononcer par « oui » ou « non » si l'oeuvre du législateur est conforme aux prescrits constitutionnels. Et cela au moyen de la trilogie : organe, animateur et procédure. B. La susceptibilité de la révision constitutionnelle par la Cour Constitutionnelle Précédemment la discussion a conclu que le juge constitutionnel est un juge de forme qui contrôle la conformité de la loi à la Constitution. Cependant l'autre préoccupation est de savoir si dans l'hypothèse exceptionnelle marquée par l'insuffisance de la loi en vigueur de répondre à certains cas, le juge constitutionnel pouvait proposer des solutions extra constitutionnelles. A ce sujet BURDEAU49 écrit : « que dans un pareil cas de figure où le juge constitutionnel ressent la nécessité de juger du fond ou de l'opportunité de certaines dispositions, il pouvait les faire adopter sous forme constitutionnelle c'est-à-dire en révisant la Constitution selon la procédure indiquée et par l'organe compétent » ; mais jamais il ne pouvait procéder par lui-même étant donné que la révision est prévue par la Constitution elle-même, nulle part le constituant du 18 février 2006 n'a imaginé la Cour Constitutionnelle comme organe de la révision de la Constitution. Donc le faire, c'est manifestement marché à l'encontre de la Constitution. Alors que signifie « ordonne au Gouvernement à prendre les mesures transitoires exceptionnelles ? » De bonne foi, le juge constitutionnel ne relevant pas de l'exécutif, semble par cette formule, tout en reconnaissant l'urgence de la situation lui soumise, demander à l'exécutif de s'assumer pour assurer la continuité des institutions ci-importantes que les provinces. Cependant, en gardien de la Constitutionnalité et connaissant mieux l'organisation et la gestion des provinces, pour éviter toute interprétation erronée de son arrêt, elle aurait dû référencer préalablement lesdites mesures afin de les encadrer. Pour ne l'avoir pas fait, l'exécutif s'en est servi à coeur joie comme un blanc seing lui accordé par la Cour Constitutionnelle et s'est octroyé irrégulièrement des attributions non constitutionnelles.2(*) Bref, il ressort de l'analyse de différents éléments de l'évocation, notamment les articles 3, 4, 69 al. 3 et 81, la Loi de programmation et le fameux arrêt R.Const.0089/2015 de la Cour Constitutionnelle, qu'aucun d'eux n'octroie au Président de la République la prérogative de substituer aux Gouverneurs des provinces élus, la nomination des Commissaires spéciaux. * 46 L'Article 5 de la Constitution française stipule : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités ». 47 E. BOSHAB MABUDJ, Entre la révision de la Constitution et l'inanition de la nation, éd. Larcier, 2013, p. 265. * 48 G. BURDEAU, Manuel de droit constitutionnel, op. cit., p. 78. * 49 Ibidem, p.79. |
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