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Les problèmes juridiques posés par la poursuite des parlementaires en RDC.

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par Ithiel BATUMIKE MIHIGO
Université Catholique de Bukavu - Licence en Droit 2013
  

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B. Les interprétations inappropriées, conséquence des influences politiques dans l'instruction des causes

A part les cas Roger LUMBALA et DIOMI NDONGALA, les autres cas des parlementaires poursuivis en RDC ont été examinés dans une procédure de flagrance. Si cette procédure est exactement qualifiée dans certains cas, il n'est pas surprenant d'assister à une large extension de la notion dans d'autres. En revanche, dans un sens plutôt restrictif, les vacances parlementaires ont été exclues du champ des activités parlementaires pour justifier les poursuites pour des propos tenus dans une adresse aux électeurs.

Le manque d'indépendance des autorités judiciaires est souvent décrié comme étant la cause d'une répression discriminatoire des parlementaires en fonction des besoins de ceux qui sont politiquement forts.

I. L'extension du flagrant délit et la restriction des fonctions parlementaires
a.La notion de flagrance étendue

Telle que définie au premier chapitre, la flagrance demeure une notion imprécise laissée à l'appréciation souveraine des autorités judiciaires.

Cependant, dans cette appréciation, les autorités judiciaires ne doivent pas se laisser guider par l'arbitraire ni par l'excès de pouvoir. Il est dès lors admis que pour tomber sous l'application des règles spécifiques au flagrant délit, les actes de poursuite doivent être accomplis sans désemparer c'est-à-dire dans le laps de temps matériellement nécessaire pour en permettre l'accomplissement. A cet effet, au-delà du délai maximum de 24 heures après la commission de l'infraction, on ne peut plus retenir la flagrance137(*).

Fort malheureusement, même après 72 heures, le ministère public se fonde sur la flagrance en poursuivant les parlementaires dans le but de se passer de leurs chambres.

Ce que les juridictions acquiescent à leur tour également. Le 27 mai 2010, la CSJ a eu à rendre un arrêt dans une procédure qualifiée de flagrance à l'encontre du député national Martin MUKONKOLE pour recel (1). Il convient également de se pencher sur l'arrêt de la Cour d'appel de Bukavu contre le député provincial BUHAMBAHAMBA, dans une procédure similaire (2).

1. L'extension de la flagrance dans l'affaire MUKONKOLE

Cette affaire instruite déjà huit jours avant à l'encontre des présumés voleurs des voitures dont l'une aurait été vendue au député national MUKONKOLE n'aurait pas dû être examinée dans une procédure de flagrance. Car, les faits auraient été commis en 2009. En effet, la flagrance se situe au moment de la commission immédiate des faits et ne s'étend pas éternellement dans le temps continu d'une infraction138(*). Mais pour le PGR, le flagrant délit dans cette cause serait fondé sur le caractère continu du recel reproché à l'honorable MUKONKOLE.

Dans son arrêt RP003/CR rendu le 27 mai 2010, la CSJ n'adopta pas une position claire par rapport à cette question de flagrance quoique soulevée comme exception par la défense. Elle admit implicitement la thèse du MP en décidant conformément à l'art. 104 al.2 de l'ordonnance-loi n° 82-017du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la CSJ que «la détention du parlementaire à la prison de MAKALA à Kinshasa devait être transformée en résidence surveillée ». Il en découle que la Cour par cet arrêt étendait la notion de l'infraction flagrante ou réputée telle au caractère continu d'une infraction139(*). Dansune autre espèce, la CSJ avait déjà décidé qu'une infraction commise depuis plus de 8 jours était susceptible de justifier l'application de la procédure d'urgence édictée par l'ordonnance-loi n° 78/001140(*).

La chambre n'a pas à remettre en cause la qualification de flagrance du MP. Elle ne peut que solliciter la suspension des poursuites ou de la détention conformément à l'art. 107 al.dernier de la constitution.

2. La flagrance dans la condamnation de l'Honorable BUHAMBA HAMBA

Déogratias BUHAMBA HAMBA, dernier gouverneur de la province du Sud-Kivu pendant la transition et élu député provincial en 2006 dans la circonscription électorale de Bukavu, a été condamné le 17 Avril 2013 par la Cour d'Appel de Bukavu à une année de prison ferme. Sous le RP 127, il a été poursuivi pour violences légères, voies de fait et usurpation des fonctions commis le samedi, 13 Avril 2013 vers 23 heures sur Monsieur Rodriguez JESUS, un major du contingent uruguayen de la MONUSCO.

En effet, conduisant à vive allure dans un état d'ivresse, le major Rodriguez s'est vu intercepté par l'honorable BUHAMBA HAMBA revenant d'une fête et croyant être la cible d'un éventuel attentat. L'honorable BUHAMBA HAMBA réussit à bloquer la route à Rodriguez selon ses propres dires et lui demande si c'est de cette façon-là qu'on conduit dans son pays d'origine. N'ayant pas de permis de conduire pour l'identifier, le député provincial, face au silence de ce major, fouille son véhicule dans lequel il retrouve deux bouteilles de bière qu'il emmène avec lui en guise de pièces à conviction devant soutenir sa plainte à la MONUSCO. Pour la Cour d'Appel quelqu'un qui craignait un attentat à sa vie ne pouvait pas s'exposer davantage jusqu'à bloquer la route à un véhicule à vive allure. Cette position nous parait très logique et cohérente. Cependant, quant à la procédure de flagrance, l'Honorable explique que son procès était politique et que partant il faudrait le vider rapidement. Il soutient qu'au cours de son interrogatoire, l'avocat général lui a dit sans pince rire : « écoutez Monsieur, nous allons vous juger en flagrance pour éviter tous les tralalas de votre Assemblée provinciale, demander l'autorisation des poursuites, demander la levée d'immunités...»141(*).

Cette attitude du Parquet général trouve sa raison d'être peut être dans le refus de l'Aspro d'autoriser les poursuites à charge d'un de ses membres accusé d'avoir tissé les rênes du soulèvement de la population de Kabare contre les forces de l'ordre venues exécuter une décision de justice en faveur d'un sujet allemand, concessionnaire d'une vaste étendue occupée par les paysans sans titre ni droit et qui a conduit au décès de ce dernier142(*).

La flagrance dont question a été retenue sur base du fait que, sans désemparer, le parquet général saisi par Rodriguez, craignant la notoriété de BUHAMBA HAMBA, a pu se transposer sur le lieu de la commission des faits et a pu dresser les PV de constat le dimanche. Ceci pourrait faire croire à ces influences politiques que l'honorable BUHAMBA HAMBA décrie à cors et à cris. Comment pourrait-on saisir le parquet Général un dimanche alors qu'il n'ouvre pas ses offices ?

Il nous semble que la Cour a juste sacrifié à l'autel de la fonctionnalité de la brigade d'intervention de la MONUSCO suivant l'argumentaire de l'avocat général. Selon ce dernier, l'ONU va bientôt envoyer une brigade dans le Kivu pour traquer les forces négatives et que donc à tout prix, il faut sanctionner le « Kuluna en cravate »143(*), BUHAMBA HAMBA, pour que l'ONU ne fasse pas marche en arrière dans cette résolution combien salvatrice pour la République144(*).

La flagrance n'est pas la seule arme dont se servent les autorités judiciaires pour poursuivre, elles excluent aussi certaines activités politiques des fonctions parlementaires.

* 137 E. BOSHAB et MATADI NENGA, Op. cit., p.163.

* 138E. BOSHAB et MATADI NENGA, Op.cit., p.163.

* 139 Ibidem.

* 140 CSJ, MP. C/BANDA, RP 273007, 1985, inédit cité par G.KILALA, Op.cit., p.240.

* 141 JOURNAL LE SOUVERAIN, BUHAMBAHAMBA accuse..., Mars-Avril 2013, 20ème année, n°72, p.16.

* 142 L'honorable BATUMIKE RUGEMBANYI est poursuivi notamment pour meurtre par le parquet général de Bukavu sous le RMP 10264/PG/JMK. Le réquisitoire en vue d'obtenir la levée de ses immunités et l'autorisation des poursuites à sa charge n'a pas reçu d'échos de la part de l'Aspro. Cette dernière est d'ailleurs reprochée par le cabinet du Premier ministre d'une attitude « protectionniste» à l'égard de ce député (lettre N°CAB/PM/CJFAD/SML/2013/7279 du 09 Novembre 2013 adressée à la veuve MWAVITA KAZAMWALI SUZANE MULLER).

* 143 Expression chère à l'ancien ministre de la justice, LUZOLO BAMBI LESA, désignant les délinquants occupant des hautes responsabilités au sein de l'Etat.

* 144 JOURNAL LE SOUVERAIN, Op. cit., p.16.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo