Les problèmes juridiques posés par la poursuite des parlementaires en RDC.( Télécharger le fichier original )par Ithiel BATUMIKE MIHIGO Université Catholique de Bukavu - Licence en Droit 2013 |
SIGLES ET ABREVIATIONSal. : Alinéa. A.N. : Assemblée Nationale. ANR : Agence Nationale de Renseignement. APR : Armée patriotique rwandaise. art. : Article. Aspro : Assemblée provinciale. B.O. : Bulletin officiel. CA : Cour d'Appel. CEDH : Cour européenne des droits de l'homme. CPI : Cour pénale internationale. CPLII : Code pénal Livre II. CPP : Code de procédure pénale. CSJ : Cour suprême de justice. G.P. : Gouverneur de province. JORDC : Journal officiel de la République Démocratique du Congo. J.O.Z. : Journal Officiel du Zaïre. M.C. : Moniteur congolais. MLC : Mouvement de Libération du Congo. M23 : Mouvement du 23 Mars. MSR : Mouvement Social pour le Renouveau. MONUSCO : Mission d'Observation des Nations Unies pour la Stabilisation au Congo. MP : Ministère public. OCJ: Organisation et compétence judiciaires. OMP : Officier du ministère public. Op. cit. : Operecitatio. OPJ : Officier de police judiciaire. PAJ: Politique, administrative et juridique. par ex. : par exemple. PARSEC : Secrétaire particulier. PG: Procureur Général. PGR: Procureur Général de la République. PV: Procès-verbal. RDC: République Démocratique du Congo. R.I.A.N.: Règlement intérieur de l'Assemblée nationale. RC: Rôle civil. RP: Rôle pénal. SPP : Servitude pénale principale. TGI: Tribunal de Grande Instance. UCB : Université Catholique de Bukavu. UDPS : Union pour la démocratie et le progrès social. UDPS/FAC : Union pour la démocratie et le progrès social/ Forces acquises au changement. UIP : Union interparlementaire. UE : Union européenne. UNC : Union pour la nation congolaise. INTRODUCTION GENERALEI. PROBLEMATIQUELes différentes crises de légitimité en RDC ayant notamment pour cause la contestation des institutions ainsi que de leurs animateurs ont poussé le constituant du 18 février 2006 à instaurer un nouvel ordre politique fondé sur un véritable Etat de droit démocratique1(*). La mise en place d'un tel Etat nécessite l'existence des diverses institutions indépendantes, séparées les unes des autres. Parmi celles-ci figurent le parlement qui, aux termes de l'article 68 de la constitution, est la deuxième institution de la République. Composé de deux chambres, l'Assemblée nationale et le Sénat, le parlement est le creuset des débats démocratiques2(*) et se présente comme un modèle de production législative3(*) dont il dispose par ailleurs le monopole4(*). Les assemblées provinciales,quant à elles, ne sont pas loin d'être dotées de ce même statuttel que le renseigne le dernier alinéa de l'article 197 de la constitution5(*). Ces institutions nationales et provinciales jouissent d'une indépendance institutionnelle élevée tant du point de vue administratif que financier à tel enseigne qu'elles ont la maîtrise de leur calendrier et bénéficient d'une dotation propre6(*). L'indépendance d'une institution étant appréhendée sur base de celle reconnue à ses animateurs, il a été prévu en faveur des membres de ces différentes chambres parlementaires en sus de l'interdiction du mandat impératif et des diverses incompatibilités, des immunités leur permettant de remplir efficacement les prérogatives dévolues à leurs institutions et, par conséquent, d'exercer librement leur mandat7(*). En vertu de ces immunités, « aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l'exercice de ses fonctions. Aucun parlementaire ne peut, en cours de sessions, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu'avec l'autorisation de l'A.N. ou du sénat selon le cas (...)»8(*).Il en découle deux catégories d'immunités reconnues aux parlementaires : les immunités de fond qui sont limitées aux actes de fonction et les immunités de procédure concernant les actes commis en dehors des fonctions9(*). Il s'en suit, la reconnaissance de l'immunité de juridiction ou immunité parlementaire proprement dite emportant une irresponsabilité totale d'une part, et d'autre part, de l'inviolabilité parlementaire protégeant contre les risques d'une poursuite intempestiveen aménageant une procédure dérogatoire au droit commun10(*). Cependant, fort est de constater malheureusement que dans bien des cas d'arrestation, de détention ou de condamnation des parlementaires, les autorités judiciaires ont déclenché des poursuites contre les parlementaires sans égard aux textes consacrant ces immunités. Celles-ci ont tout simplement été foulées au pied. En effet, certains parlementaires ont été condamnés ou arrêtés pour avoir soutenu, lors de l'exercice de leurs fonctions, des opinions hostiles à celles défendues officiellement par la majorité au pouvoir. Tel est le cas de la récentecondamnation de l'honorable MUHINDO NZANGI qui avait, lors de ses vacances parlementaires, critiqué à outrance la gestion de la crise du M23 par le gouvernement de la République. D'autres l'ont été en mépris de la procédure d'autorisation et de la levée des immunités alors que cette procédure a été appliquée à certains citoyens n'ayant pas la qualité de parlementaire. L'on peut citer dans ce dernier cas de figure, la dernière arrestation de l'honorable Fidèle BABALA du MLC et son transfèrement à la CPI sans la moindre information ni consultation de l'A.N. Et ce alors que le statut portant création de cette cour prévoit que : «Les Etats parties répondent à toute demande d'arrestation et de remise conformément (...) aux procédures prévues par leur législation nationale»11(*). La législation nationale est ici notamment la constitution de 2006, le Règlement intérieur de l'Assemblée nationale et le code de procédure pénale. Ces cas et bien d'autres se commettent le plus souvent sous le couvert de la notion de flagrance, dénaturée par l'interprétation qu'en font les autorités judiciaires ainsi que de l'exclusion de certaines activités politiques dans les fonctions parlementaires, pourtant nécessaires et presque indéniables à la vie parlementaire. Ces considérations sont loin de prendre une distance avec les influences politiques. Partant, elles sont à la base de certaines discriminations entre parlementaires. Celles-ci se manifestent selon que les parlementaires appartiennent à telle ou telle autre famille politique ou dans tel ou tel autre courant de pensée ou encore selon qu'ils professent une opinion contraire à celle défendue par le pouvoir en place ainsi que nous l'avions mentionné supra.Ces cas pourraient, à la longue, mettre la démocratie en danger, étant donné que ces mesures restreignent sensiblement d'une part, la liberté d'expression et d'autre part, la souveraineté populaire qui doit être exercée en principe par les représentants du peuple que sont les parlementaires12(*). A l'aune de tout ce qui précède, deux questions se profilent à l'horizon : 1. Quelle est l'étendue des immunités parlementaires en droit parlementaire congolais ? 2. Quelles sont les violations du droit enregistrées lors de la poursuite des parlementaires et pour quelles raisons ? Des réponses sont donc attendues de l'examen de ce sujet mais les premières peuvent,en attendant, être avancées. * 1 Exposé des motifs de la constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006 in JORDC, 47ème année, Numéro spécial, Kinshasa, 18 février 2006. * 2 A. MAKENGO NKUTU note in Les institutions politiques de la RDC. De la République du Zaïre à la République Démocratique du Congo (1990 à nos jours), Paris, L'Harmattan, 2010, p.96 ; que le parlement est le destin de la démocratie. * 3 P. NGOMA BINDA et alii, République Démocratique du Congo. Démocratie et participation à la vie politique : une évaluation des premiers pas dans la IIIème République, Open society initiative for southernAfrica, Johannesburg, 2010, p.143. * 4 Articles 122, 123 et 129 de la constitution du 18 février 2006. * 5 F. VUNDUAWE te PEMAKO, « La nouvelle décentralisation territoriale. Le régionalisme politique congolais ». Actes des journées sociales du CEPAS (du 03 au 05/11/2008) : enjeux et défis de la décentralisation in Congo-Afrique, n°433, Avril 2009, Kinshasa, p.120. * 6 P. NGOMA BINDA et alii, Op.cit., p.143 ; voir aussi l'article 100 de la constitution. * 7 P. ARDANT et B. MATHIEU, Institutions politiques et droit constitutionnel, 23ème édition, Paris, LGDJ, 2011, pp.572-573. * 8 Article 107 de la constitution, alinéas 1 et 2. * 9 NYABIRUNGU mwene SONGA, Traité de Droit Pénal Général Congolais, 2ème édition, Kinshasa, Editions Universitaires Africaines, 2007, pp.242-243. * 10 G. KILALA Pene-AMUNA, Attributions du ministère public et procédure pénale, Tome 1, Kinshasa, Editions AMUNA, 2006, pp.395- 396. * 11 Article 89. 1 de la Convention du 17 juillet 1998 portant assentiment au Statut de Rome de la Cour pénale internationale in M. CIFENDE KACIKO et S. SMIS, Code de droit international africain, Bruxelles, Larcier, 2011, p.385. * 12 Article 5 de la constitution du 18 février 2006. |
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