Section II : La neutralisation de la
répudiation
Les cas de divorce jouent un rôle très important
dans n'importe quelle réforme en droit de la famille pour neutraliser la
répudiation en créant de nouveaux cas de divorce propres à
la femme, pour arriver enfin à un équilibre avec la
répudiation accordé au mari.
Le terme « répudiation » n'est plus
utilisé par la réforme marocaine il s'agit actuellement dans
« le Titre III » de la loi marocaine d'un divorce sous
contrôle
181 V.,Y. LINANT DE BELLEFONDS, Traité du
droit musulman comparé, op. cit., P. 286-302
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judiciaire ( talak ). L'article 78 de cette loi
dispose que : « le divorce sous contrôle judiciaire est la
dissolution du pacte de mariage requise par l'époux ou par
l'épouse selon les conditions propres à chacun d'eux
sous le contrôle de la justice et conformément aux dispositions du
présent code. ». On ne peut pas nier que cette réforme
est considérée comme révolutionnaire : On ne voit
généralement que des droits et des devoirs réciproques.
Les droits et les devoirs spécifiques à chaque époux
disparaissent. En outre, l'article 4 de la loi marocaine pose le principe de
codirection de la famille182. On voit aussi que la nouvelle loi
marocaine essaye de créer un équilibre avec la répudiation
en accordant des privilèges à la femme. L'article 89 dispose que
« si l'époux consent le droit d'option au divorce à
l'époux, celle-ci peut l'exercer en saisissant le tribunal... ».
Cet article parle d'un droit d'option inscrit dans le contrat de mariage.
La réforme marocaine, sous « un Titre V », intègre le
divorce par consentement mutuel ou moyennant compensation ( khol' ).
Quant au divorce par consentement mutuel, il s'agit d'une nouveauté
apportée par la réforme. Sous le même Titre, la
réforme marocaine met en place le divorce par khol'.
En ce qui concerne la réforme égyptienne, on trouve
que le droit égyptien a intégré le khol' qui
ajoute à la femme un nouveau cas de divorce plus libéral et qui
se rapproche de la répudiation ( §1 ), mais encore, le droit
égyptien admet la possibilité pour la femme d'intégrer au
contrat de mariage une clause lui autorisant de se répudier (§
2).
§1 - La répudiation judiciaire moyennant
compensation
Avant d'expliquer comment le khol' apporte-t-il un
équilibre par rapport à la répudiation ( B ), il faut
d'abord comprendre quel est le régime du khol' ( A ).
A-Une notion très originale
182 H. FULCHIRON, JCP, G, n°36, 1e
/9/2004, op. cit.
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En ce qui concerne la répudiation moyennant compensation,
les dispositions prévues dans le Coran ont fait l'objet de deux
interprétations183 :
- La première interprétation consiste à dire
que le khol' est une forme de répudiation convenue ou d'un
divorce convenu, ce qui pourrait correspondre, en droit français,
à un divorce par consentement mutuel demandé par l'épouse.
La femme qui sent qu'elle est personnellement gênée sans qu'elle
ait des griefs assez sérieux contre son mari, elle pourra demander
à son époux de consentir à la rupture du lien conjugal ;
en contrepartie, elle lui offrira une compensation. Elle abandonne la partie
non encore payée de la dot, elle lui restitue celle déjà
versée et rend les dons qu'il lui avait offerts. Il s'agit d'une
rançon de liberté. Ce qui caractérise cette
interprétation est que le consentement du mari est nécessaire de
manière à ce que si le mari refuse, le khol' ne pourra
pas être prononcé.
- La seconde interprétation consacre l'idée selon
laquelle la femme décide de mettre fin au lien conjugal sans l'accord du
mari. En contrepartie, elle doit renoncer à tous ses droits
pécuniaires. Le juge n'a aucun pouvoir d'appréciation.
La réforme égyptienne a retenu la seconde
interprétation. En effet, l'article 20 de la loi n° 1/2000 du 29
janvier 2000 dispose que : « si les deux époux ne s'accordent
pas sur le divorce, la femme peut avoir recours au tribunal demandant la
dissolution du mariage moyennant compensation et renonçant à tous
ces droits pécuniaires et légaux, le juge prononcera alors le
divorce. ». On peut déduire de cet article que le
juge n'a aucun pouvoir d'appréciation. Le Doyen Hossam ELEHWANY trouve
que c'est la raison pour laquelle on peut estimer que la dissolution du mariage
a lieu par la volonté unilatérale de la femme. Mais, cette
dernière doit, d'une part, déclarer qu'elle refuse la vie
conjugale avec son mari, qu'elle déteste la vie avec lui, et d'autre
part, renoncer à tous ses droits pécuniaires
conférés par la loi184.
Le droit français ne contient pas de
dispositions pareilles. Le droit français, par le biais du divorce pour
altération définitive du lien conjugal, suppose une
séparation
183 H. ELEHWAHY, Les nouvelles législations
égyptiennes en matière de statut
personnel,(communiqué par l'auteur), P.9, s.
184 H. ELEHWANY, Les nouvelles tendances en droit
égyptien vers la parité entre les époux, Rapport, 10
juin 2005, P. 6
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pendant une certaine durée. Mais on ne trouve pas en droit
français un droit spécifique attribué à la femme
pour divorcer. La question qui se pose donc est : pourquoi le système
français qui est un système de pluralité de cas de divorce
n'a pas intégré un cas de divorce ressemblant au khol' ?
La réponse est très simple, en effet, il y a plusieurs raisons
pour lesquelles le khol' n'existe pas en droit français. D'une
part, la répudiation moyennant compensation représente
l'équilibre apporté par le droit égyptien pour
créer un équilibre avec la répudiation unilatérale
prononcée par le mari et puisque la répudiation n'existe pas en
droit français, ce dernier n'a pas besoin d'intégrer le divorce
moyennant compensation. D'autre part, le khol' est un cas de divorce
propre à l'épouse, c'est-à-dire, il ne concerne pas le
mari, ce dernier a le privilège de la répudiation que la femme
n'a pas en principe. Le droit français, quant à lui, consacre
l'idée d'identité de droits et de devoirs, ce qui signifie que
les époux ont les mêmes possibilités pour divorcer, ils
disposent des mêmes cas de divorce, par conséquent, le khol'
n'est pas convenable en droit français. À l'inverse, en
droit égyptien, le divorce moyennant compensation a apporté une
innovation importante. Le khol' est actuellement un cas de divorce qui
équilibre la situation des époux en droit égyptien.
Le divorce moyennant compensation est un nouveau cas de divorce
en droit égyptien. Malgré la perte des droits pécuniaires,
le khol' donne un privilège à la femme. Le droit
égyptien a donc ajouté un nouveau moyen pour essayer
d'établir une égalité basée sur la
spécificité et la complémentarité.
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