A - Le mari : autant de droits que de devoirs
Certes, le mari a beaucoup de privilèges en le comparant
à la femme, mais il ne faut pas oublier que l'homme a, en contrepartie,
beaucoup d'obligations. Le mari peut, en droit musulman, répudier sa
femme unilatéralement. Mais, en revanche, il est lié par
plusieurs obligations : il doit cohabiter sa femme, il est lié par la
dot, il doit aussi subvenir à l'entretien de sa femme ( el nafaka
)155. Cette dernière obligation est très
importante. En aucun cas le mari ne peut exiger que sa femme participe aux
charges du ménage156. Quant au mari, il a une situation
prépondérante ; par conséquent, il est juste, selon
MILLIOT et BLANC que le mari ait toutes les charges157.
En effet, l'article 1 de la loi n° 25 de 1920 qui a
été modifiée par la loi n°100 de 1985 impose cette
obligation au mari quelle que soit la situation financière se la femme,
et quelle que soit sa religion. D'après certains auteurs, les frais
d'entretien comprennent :
1- La nourriture, « si au cours du mariage la
santé de la femme se modifie ou si elle est enceinte ou si elle nourrit,
elle peut exiger un supplément de nourriture ». Le mari est
tenu de cette obligation même si l'épouse a un appétit
extraordinaire.
2- Les frais d'entretien comprennent aussi le logement. De
même, l'ameublement est, en principe, à la charge du mari et
« doit être en accord avec sa situation et le rang social de la
femme »158.
3- Le vêtement aussi est compris dans les frais
d'entretien. Ce devoir modifie selon le rang social des époux.
En droit égyptien, dans le même article
précité, la loi dispose que les frais d'entretien comporte la
nourriture, le vêtement, le logement, les frais médicaux, et
d'autres éléments que la loi exige. Cela signifie que la loi
égyptienne ne se limite pas à ces éléments, mais
elle s'ouvre pour intégrer tous les nouveaux éléments qui
pourraient
155 Y. LINANT DE BELLEFONDS, Traité du droit musulman
comparé, op. cit., P. 202, s.
156 L.MILLIOT et F.P. BLANC, Introduction à
l'étude du droit musulman, 2e éd., 1987, Sirey,
P.326
157 ibid.
158 ibid., P.329
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être considérés comme essentiels. En
effet, des auteurs trouvent que les frais d'entretien comprennent les «
accessoires ». Le mari, selon ces auteurs, doit fournir à sa femme
« le cosmétique, la pommade, le kohl, les parfums, l'huile, le
henné, les objets nécessaires à l'entretien de la
chevelure, etc... »159.
En ce qui concerne l'entretien, il ne s'agit pas d'un choix pour
le mari, mais d'un devoir, d'une obligation. La sanction du non-respect de
cette obligation se concrétise par le droit pour la femme de
réclamer la dissolution du mariage, à moins qu'elle ne
préfère recourir à des mesures d'exécution
forcée sur les biens du mari, s'il en possède160. Le
droit égyptien attribue à l'obligation d'entretien une importance
particulière ; elle figure dans l'article premier de la
législation musulmane en matière de statut personnel. En outre,
l'article 16 de la loi du 10 mars 1929 ( dite loi n° 25 de 1929 ) fixe la
nafaka « en fonction de la situation de fortune de mari »
quelle que soit la situation de l'épouse.
La loi égyptienne accorde une grande importance à
cette obligation. Elle considère que les frais relatifs à
l'entretien forment une dette. Par conséquent, la femme a un
privilège sur tous les biens du mari qui lui donne une certaine
priorité par rapport aux autres créanciers161. La
femme aura un privilège financier très important. Il ne faut pas
nier que c'est une obligation assez lourde pour le mari de supporter toutes ces
dépenses relatives à l'entretien de l'épouse. On pourrait
dire que c'est cette obligation importante qui attribue au mari ( en
contrepartie ) le droit de répudiation. En d'autres termes, puisque
c'est le mari qui soutient la famille financièrement, c'est lui qui
pourra discrétionnairement et unilatéralement mettre fin au
mariage. En droit copte orthodoxe, la répudiation n'existe pas,
pourtant, l'article 146 de la législation de 1938 dispose que le mari
est lié par l'obligation d'entretien envers sa femme dès lors que
le contrat de mariage est valable. Mais, l'article 151 impose l'obligation
d'entretien à la femme aussi, si le mari est insolvable et si elle est
capable financièrement, de supporter cette obligation d'entretien. Cette
solution paraît assez logique en la comparant à la solution du
droit musulman parce que le mari, en droit copte orthodoxe, ne
bénéficie pas d'un privilège aussi important que la
répudiation. Par conséquent, l'obligation d'entretien est
atténuée. Ici, le principe d'égalité en termes de
spécificité complémentarité est
relativisé.
159 ibid.
160 ibid.
161 Art. 1er al. 9 de la loi n° 25 de 1929
82
Quant au droit français, l'obligation d'entretien ne
concerne généralement que l'enfant162. Parmi les
obligations qui naissent du mariage dans le Code civil : l'article 203 qui
dispose que : « Les époux contractent ensemble, par le seul
fait du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs
enfants ». En droit musulman, la femme doit accomplir des devoirs
spécifiques, ce qui est cohérent avec la notion
d'égalité spécificité
complémentarité.
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