II - Les typologies des
compétences
Depuis la décennie passée, les
compétences des individus sont devenues l'objet de gestion dans
l'organisation. Le repérage du concept de compétence dans les
sciences de gestion nous montre que cette thématique, en
référence aux travaux voisins des économistes et des
behavioristes, a émergé presque au même moment dans les
domaines de management stratégique et des ressources humaines pour se
situer à leur interaction (Rouby et Thomas, 2004).
Si les développements spécifiques à ces
deux domaines ne se sont pas réalisés de façon tout
à fait autonome, des divergences notables demeurent quant à leur
niveau d'analyse du concept et du choix de problématiques
associées, considérées comme pertinentes (Rouby, 2001).
Ceci du fait que le management stratégique s'intéresse à
la gestion stratégique des compétences organisationnelles (niveau
macro), la gestion des ressources humaines, à la gestion des
compétences individuelles (niveau micro) et dans une moindre mesure des
compétences collectives (niveau méso) (Rouby et Thomas, 2004).
Nous nous intéresserons aux compétences organisationnelles et
celles individuelles.
A- La compétence en
stratégie
La stratégie s'intéresse aux compétences
qu'acquiert l'organisation au fil du temps. Le concept de compétences
organisationnelles provient des auteurs de la Resource-based View. Il provient
de la coordination des ressources disponibles au sein de l'entreprise. Trois
approches seront ici retenues pour appréhender le concept de
compétence organisationnelle.
1-L'approche de Prahalad et Hamel
Certaines des compétences distinctives de l'entreprise
possèdent un caractère stratégique et sont celles que
Prahalad et Hamel (1995) qualifient de fondamentales. Pour ces derniers,
l'entreprise est comme un arbre. Le tronc et les branches principales
constituent les produits de base ; les petites branches sont des
unités et les feuilles, fleurs et fruits sont des produits vendus aux
clients. La racine qui apporte nourriture, soutien et stabilité, est la
compétence de base.
Les compétences de base sont un apprentissage
collectif de la manière de coordonner diverses compétences de
production et d'intégrer des multiples courants technologiques. Les
compétences de base ou coeur des compétences ou
compétences fondamentales d'après leurs propres termes, sont
composées de quatre facteurs : les savoirs,
les systèmes techniques, les systèmes de management et les
valeurs énormes.
Il n'est toujours pas évident de distinguer une
compétence de base (vision interne) d'un simple facteur clé de
succès (vision externe). Seulement :
- une compétence fondamentale se traduit
toujours par un facteur clé de succès dont l'inverse n'est pas
exacte ;
- une compétence est fondamentale si et
seulement si elle présente une valeur, un plus aux yeux des clients de
l'entreprise, sa maîtrise par l'entreprise est non contestée et
durable, elle fait preuve d'une certaine élasticité
c'est-à-dire si elle s'applique à d'autres produits que ceux
actuellement fabriqués.
2- L'approche de Reynaud et
Simon
L'approche par les compétences centrales postule que
le potentiel interne de l'entreprise détermine l'obtention des avantages
concurrentiels. Les ressources dont dispose l'entreprise doivent être
gérées de façon efficiente pour parvenir à une
différenciation. Selon l'approche prise par Reynaud et Simon (2004), en
présence d'un avantage solide chez 1 et d'un très faible avantage
chez 2, on a tout lieu de penser que les compétences de 1 sont centrales
alors que les compétences de 2 sont périphériques. Cette
appellation de compétences centrales a été introduite dans
la littérature par Reynaud (2001). Cette expression est d'une grande
importance dans la littérature dans la mesure où le
propriétaire-dirigeant serait renseigné sur les
caractéristiques à acquérir dans l'espoir de construire
des avantages concurrentiels durables. Pour opérationnaliser les
compétences centrales, Reynaud (2001) propose un cadre permettant de
distinguer les caractéristiques d'existence des caractéristiques
de persistance de ces dernières.
Pour les conditions d'existence, pour être
qualifiées de centrales, les compétences doivent être
monnayables et rares voire uniques. Monnayable, car les bénéfices
offerts par les compétences sont : l'accès potentiel
à une variété de marchés et la contribution aux
bénéfices perçus par les clients via les produits finaux
ainsi que la possibilité de transférer ses compétences
vers d'autres activités (Reynaud et Simon, 2004). Un attribut sera
source de différenciation que s'il est rare. La rareté d'une
compétence résulte de la rareté des ressources qui la
composent.
Les conditions de persistance résultent de la
difficulté d'échange, la difficulté de substitution et la
difficulté d'imitation.
Ainsi une entreprise a intérêt à
posséder les compétences dites centrales.
3- L'approche de Quélin et
Claude-Gaudillat
Quélin et Claude-Gaudillat (2004) ont pour leur part
distingué les compétences liées, diverses et
préexistantes. Ils se sont basés principalement sur les travaux
de Nelson et Winter (1982).
Les compétences liées sont définies comme
partageant une base de connaissances et de routines communes. Elles sont au
contraire non liées lorsqu'elles reposent sur des bases de connaissances
et de routines différentes. Développer les compétences non
liées implique l'acquisition d'une nouvelle connaissance et de nouvelles
routines (Nelson et Winter, 1982). De plus, le risque d'échec lié
au développement interne de compétences non liées est
élevé. Au contraire développer les compétences
liées signifie qu'une firme peut utiliser certains des fondations de ses
compétences existantes. A côté des compétences
liées et non liées, une entreprise peut posséder des
compétences diverses.
Avoir des compétences diverses signifie selon
Quélin et Claude-Gaudillat (2004) qu'une firme possède une gamme
de compétences fonctionnelles. Les firmes diversifiées sont plus
susceptibles d'utiliser les acquisitions plutôt que de
développement interne parce qu'elles bénéficient en
général d'une expérience précédente qui va
réduire les coûts d'acquisition (Quélin et
Claude-Gaudillat, 2004). Ici l'entreprise possède une
variété de savoir-faire susceptible de lui permettre
l'exploitation d'une nouvelle opportunité.
Enfin, certaines compétences sont au sens de
Quélin et Claude-Gaudillat (2004) qualifiées de
préexistantes c'est-à-dire préalable à
l'introduction de l'innovation. Les conditions d'accès à ce type
de compétence devraient différer de celles prévalant pour
les nouvelles compétences. Tandis que pour acquérir une nouvelle
compétence, l'entreprise doit s'engager dans un processus
d'apprentissage, les compétences préexistantes permettent
l'exploitation des nouvelles opportunités avec des compétences
déjà acquises par la firme.
En somme, une organisation pour faire face à la
concurrence doit développer en son sein divers types de
compétences. La principale ressource de toute organisation étant
l'homme, ce dernier doit à son tour posséder des connaissances
lui permettant d'assumer pleinement son rôle. C'est à quoi nous
nous intéresserons dans les paragraphes suivants.
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