Paragraphe 2 : Le droit international
Le développement industriel conjugué au
développement des échanges commerciaux ont eu des impacts sur les
législations fiscales des États.121
En effet, un des attributs des États est la
souveraineté. Cette souveraineté leur permet de
réglementer les activités économiques s'effectuant leurs
territoires y compris l'application des règles d'imposition relatives
aux jeux de hasard.122
L'exercice de cette souveraineté s'est manifesté,
en France par le monopole de l'État en matière des jeux de
hasard.123 Or cette souveraineté a été
atténuée par deux situations.
116 L'article 13 de la du 12 mai 2010 dispose : « En
matière de paris en ligne sur les épreuves hippiques ou
sportives, sont seules autorisées l'organisation et la prise de paris
enregistrés en compte par transfert de données numériques
exclusivement par l'intermédiaire d'un service de communication au
public en ligne, à l'initiative du joueur connecté directement au
site de l'opérateur agréé. »
117 CA Versailles, 9ème chambre, 4 mars 2009,
Ministère Public contre Partouche et autres). (RG07/01408)
118 CA PARIS, 30 Octobre 2009, JurisData : 2009-380116.s
119 A-A. MAGGIAR, « Ouverture du marché des jeux
: tous en ligne », La revue de l'avocat conseil d'entreprises
n°108, juin 2009, p.17.
120 L'article 26 du Traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne dispose : «le marché intérieur
comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la
libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux
est assurée».
121 B. CASTADEGNE « Précis de fiscalité
internationale », PUF, Paris, 2010, 3e ed., p.8-9
122La Charte des Nations Unies n°3281 (XXIX) du
12 décembre 1974 intitulée «Charte des droits et devoirs
économique des États», en son article 1erdispose que
«Chaque État membre a le droit souverain et inaliénable
de choisir son système économique» et l'article 2-2
précise que «Chaque État a le droit: De
réglementer les investissements étrangers dans la limite de sa
juridiction nationale et d'exercer sur eux en conformité avec ses lois
et règlements, et conformément à ses priorités et
objectifs nationaux».
123 C. BLANCHARD-DIGNAC, op.cit, pp. 26-27.
27
Tout d'abord, il s'agit des règles européennes du
marché intérieur. Les États membres de l'Union
européenne sont libre d'exercer leurs compétences fiscales mais
dans le respect du droit de l'Union européenne.124
Ensuite, il y a internet qui est venue bouleverser les
règles relatives aux jeux. La Professeur de droit privé Catherine
Prieto précisait même que : « L'internet
démultiplie les possibilités de prestations
transfrontalières sans déplacement.»125
C'est dire l'impact d'internet sur les législations internes.
S'agissant de l'imposition des jeux en ligne, les mouvements des
capitaux, des personnes, posent plusieurs problèmes.
Prenons l'exemple d'une personne de nationalité congolaise
qui réside en France et participe à des tournois de Poker en
Grande-Bretagne, joue à des jeux en ligne dont les serveurs sont
situés en Chine. Quel est l'État qui imposera les gains ? Cela
peut avoir des conséquences au niveau de la double-imposition. La France
voudra imposer sur l'ensemble des revenus car la personne est
résidente126, les autres États voudront imposer les
revenus en tant que revenus provenant d'une activité effectuée
sur leurs territoires.
Il se peut aussi qu'il y ait des conventions fiscales
internationales qui peuvent venir impacter la répartition des revenus
car pour prévenir les situations de double-imposition, des conventions
fiscales sont conclues.127
Il peut se poser la question de la répartition du pouvoir
d'imposition entre les États, notamment pour les entreprises des jeux en
ligne exerçant à l'international. En effet, entre deux
États liés par une convention fiscale, le droit d'imposition des
bénéfices appartient à l'État de résidence
de l'entreprise sauf si cette dernière exerce des activités lui
conférant le statut d'établissement stable.128
Si l'entreprise constitue un établissement stable, le
droit d'imposer appartient à l'État où l'entreprise exerce
son activité.129 La question est de savoir si les sites
internet constituent des établissements stables au sens des conventions
fiscales internationales ?
Le comité des affaires fiscales de l'OCDE a conclu en 2000
qu'un site internet ne pouvait en lui-même être
considéré comme un établissement stable mais un serveur
physiquement localisable est constitutif d'un établissement
stable.130
En matière des jeux de hasard, le droit international
français peut être un fondement de la non-imposition des jeux par
le biais des conventions fiscales internationales (B) mais aussi par les
règles de l'Union européenne (A).
124 V. MICHEL, op.cit, p.454.
125 C. PRIETO, « Liberté
d'établissement et de prestations de services », Revue
trimestriel de droit européen, 2004, p.533.
126 L'article 4 du code général des impôts
dispose : «Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont
passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs
revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont
passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source
française. »
127 B. CASTADEGNE, op. cit, pp. 11-13
128 Idem.
129 Ibidem.
130 F. Lozano, « Modèle OCDE de convention
fiscale : mise à jour 2003 » BF Lefebvre, 2/2003, p. 2.
28
A- Les règles de l'Union européenne
Le droit de l'Union européenne impacte la
législation des États membre, notamment en matière
d'imposition.
Dans une affaire relative aux loteries espagnoles : «
Commission contre Espagne » la Cour de justice de l'Union
européenne a estimé que la législation espagnole
était discriminatoire car elle exonérait certains gains nationaux
et imposait d'autres gains. La Cour a estimé que : « si la
fiscalité directe relève de la compétence des États
membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du
droit communautaire.» 131
Dans une autre affaire, une ressortissante Finlandaise, Madame
Lindman, avait obtenu des gains d'une loterie organisée en Suède.
Or, les revenus tirés de jeux de hasard ne sont pas des revenus
imposables en Suède et il en est de même en Finlande. Sauf qu'en
Finlande, les revenus des jeux de hasard ne sont pas imposables que si elles
sont organisées en Finlande. Les gains issus des jeux de hasard
étrangers sont des revenus imposables. Madame Lindman a donc
été imposée, en Finlande, pour des gains obtenus de la
loterie en Suède et a contesté cette décision devant les
juridictions finlandaises et ces dernières ont posé une question
préjudicielle à la CJCE.132
La question préjudicielle qui était posée la
Cour était la suivante : « La législation d'un
État membre selon laquelle les gains provenant de jeux d e hasard
organisés dans d'autres États membres sont
considérés comme un revenu du gagnant imposable au titre d e
l'impôt sur les revenus, tandis que les gains provenant de jeux de hasard
organisés dans l'État membre en question ne sont pas imposables,
est-elle compatible avec l'article 49 CE?»
La Cour a estimé que la législation finlandaise
était discriminatoire et donc contraire aux règles de l'Union
européenne.133
La France étant membre de l'Union européenne, la
solution de cet arrêt est pleinement applicable aux jeux de hasard et de
poker en particulier.
En effet, en France, le poker est considéré comme
un jeu de hasard. Les gains qu'un joueur pourrait obtenir en jouant dans un
pays membre de l'Union européenne et qui ne sont pas imposables dans ce
pays, ne pourraient être considérés comme des revenus
imposables en France sinon cela serait discriminatoire et donc contraire aux
règles de l'Union européenne.
Le fondement de la non-imposition par les conventions fiscales
internationale est d'un autre acabit.
131 CJCE, 6 oct. 2009, aff. C-153/08, Commission c/ Espagne
132 CJCE, 13 nov. 2003, aff. C-42/02, Lindman : Rec. CJCE 2003,
I, p. 13519
133 « L'article 49 C E s'oppose à la
législation d'un État membre selon laquelle les gains provenant
de jeux de hasard organisés dans d'autres États membres sont
considérés comme un revenu du gagnant imposable au titre de
l'impôt sur les revenus, tandis que les gains provenant de jeux d e
hasard organisés dans l'État membre en question ne sont pas
imposables .»
29
|