B- La Jurisprudence
La jurisprudence administrative devra être
distinguée de la jurisprudence judiciaire car elles n'ont pas le
même fondement. En effet, le juge administratif est le juge de
l'impôt dans la mesure où il est compétent pour les
réclamations d'impôt.108 Le juge judiciaire est saisi
notamment sur le volet pénal pour les infractions sur la
législation des jeux de hasard prévues par la loi du 12 juillet
1983 relative aux jeux de hasard.109
Il convient donc de voir les fondements de la non-imposition
des gains du jeu de poker prévus par la jurisprudence administrative (1)
puis ceux prévus par les juridictions judiciaires (2).
1- La jurisprudence administrative
La première décision concernant la non-imposition
des revenus tirés des jeux a été rendue en 1969 concernant
un joueur de bridge.110 Dans cette affaire, un gérant de
restaurant avait été imposé sur les revenus qu'il
percevait en tant que joueur de bridge. Il avait fait avait appel de cette
décision devant le Conseil d'État. La question qui se posait
était celle de savoir si les gains tirés du jeu de bridge
constituaient des revenus imposables au sens de l'article 92 du Code
général des impôts?
Le Conseil d'État a estimé « Que les gains
qu'il a réalisés en qualité d'amateur ne peuvent, dans
l'exercice de ce jeu être regardés comme constituant la
rémunération d'une activité déployée en vue
de réaliser un profit, ni comme ayant leur source dans une "occupation
» ou "exploitation lucrative" au sens de l'article 92
précité du code général des impôts ; qu'ainsi
les gains dont s'agit n'étaient pas
107 Le règlement général de La
Française des Jeux pris en application du décret n° 78-1067
du 9 novembre 1978 (JO du 10 novembre 1978, p. 3812)
108 L'article L. 199-1 du Livre des procédure fiscales
dispose : « En matière d'impôts directs et de taxes sur
le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions
rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui
ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent
être portées devant le tribunal administratif. Il en est de
même pour les décisions intervenues en cas de contestation pour la
fixation du montant des abonnements prévus à l'article 1700 du
code général des impôts pour les établissements
soumis à l'impôt sur les spectacles.»
109 L'article 1er de la loi de 12 juillet 1983 dispose : «
Le fait de participer, y compris en tant que banquier, à la tenue
d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis,
même lorsque cette admission est subordonnée à la
présentation d'un affilié, est puni de trois ans d'emprisonnement
et de 90 000 euros d'amende. Les peines sont portées à sept ans
d'emprisonnement et à 200 000 euros d'amende lorsque l'infraction est
commise en bande organisée. fait d'établir ou de tenir sur la
voie publique et ses dépendances ainsi que dans les lieux publics ou
ouverts au public et dans les dépendances, même privées, de
ceux-ci tous jeux de hasard non autorisés par la loi dont l'enjeu est en
argent est puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende. Le fait
de faire de la publicité, par quelque moyen que ce soit, en faveur d'une
maison de jeux de hasard non autorisée est puni de 100 000 euros
d'amende. Le tribunal peut porter le montant de l'amende au quadruple du
montant des dépenses publicitaires consacrées à
l'opération illégale. »
110 CE, 12 juillet 1969, req. N° 75976, DF, 1969, comm.
1010.
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imposables.»
Cette solution est pleinement applicable aux jeux de poker dans
la mesure où le poker est un jeu de cartes en plus d'être un jeu
de hasard.111
La non-imposition des jeux de hasard a été
confirmée par plusieurs arrêts dans plusieurs jeux de hasard.
C'est tout d'abord le cas du gain de loto que le Conseil d'État estimait
qu'il «constitue un gain en capital, situé hors du champ
d'application de l'impôt sur le revenu des personnes
physiques.» 112
Ensuite, c'est le cas des paris sur les chevaux. La Cour estime
que : « Sauf circonstances exceptionnelles, la pratique de paris sur
les courses de chevaux ne constitue pas une occupation lucrative ou une source
de profits (au sens de l'article 92 du CGI), alors même que le montant
des gains provenant de ces paris au cours d'une année serait
supérieur au montant des bénéfices ou revenus
déclarés par l'intéressé au titre de ladite
année ou que les chances de gagner seraient, comme en l'espèce,
plus grandes grâce aux connaissances acquises par
l'intéressé comme éditeur d'une note d'« informations
hippiques.»113
Enfin, en matière de Tiercé, le Conseil
d'État avait estimé que : « Qu'aux termes de l'article
92 du code général des impôts, "sont
considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non
commerciale ou comme revenus assimiles aux bénéfices non
commerciaux, les bénéfices...de toutes occupations, exploitations
lucratives et sources de profits ne se rattachant pas a une autre
catégorie de bénéfices ou de revenus" ;que, sauf
circonstances exceptionnelles, la pratique, même habituelle, de paris sur
les courses de chevaux ne constitue pas une occupation lucrative ou une source
de revenus au sens de ce texte.»114
Le juge judiciaire justifie la non-imposition des revenus du
poker de façon différente.
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