1.2 Réglementations diverses
En matière de propriété intellectuelle
vont s'appliquer les dispositions relatives à la cession des droits de
l'auteur et, à mi-chemin avec le droit social, le droit des
créations salariées en matière de logiciel. On peut
également citer les dispositions spécifiques qui viennent limiter
l'exercice de son droit moral par l'auteur d'un logiciel.
Lorsqu'il est une création originale, le logiciel est
protégé par le droit d'auteur. La condition d'originalité
est remplie lorsque le logiciel porte la marque de l'apport
21 Civ. 15 avr. 1872, DP 1872, I, 176 ;
S. 1872, I, 132. V. J. BORE, « Un centenaire : le contrôle par la
Cour de cassation de la dénaturation des actes », RTD
civ. 1872.249
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intellectuel de son auteur.22 En cas de plagiat, le
contrefacteur ne sera ainsi réputé auteur que des parties portant
« la marque de son apport intellectuel ». Cependant l'article L113-9
du code de la propriété intellectuelle dispose :
« Sauf dispositions statutaires ou stipulations
contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation
créés par un ou plusieurs employés dans l'exercice de
leurs fonctions ou d'après les instructions de leur employeur sont
dévolus à l'employeur qui est seul habilité à les
exercer.
« Toute contestation sur l'application du
présent article est soumise au tribunal de grande instance du
siège social de l'employeur.
« [...] »
Par conséquent, dans la plupart des cas seul
l'employeur jouit de droits d'auteur sur le logiciel créé par ses
employés. En revanche, si les effectifs du prestataire et du client
travaillent ensemble, conformément à la méthodologie
agile, les employés du prestataire pourraient être amenés
à suivre des instructions dictées par un ou des employés
du client. Cela pose problème non seulement quant à l'attribution
de la qualité d'auteur, l'oeuvre risquant d'être soumise au
régime de l'oeuvre collective, mais cela peut aussi consister en un
prêt de main d'oeuvre illicite.
En ce qui concerne la transmission des droits,
premièrement « La cession globale des oeuvres futures est nulle
»23. Cela signifie qu'une clause dans l'accord initial qui
stipulerait que toutes les livraisons du logiciel seraient transmises du
même coup serait nulle et sans effet, sinon celui d'un pacte de
préférence. Les oeuvres cédées doivent donc d'abord
être précisément identifiées.
22 Cass. ass. plén. 7 mars 1986 : Bull. civ. 1986
n° 3, p. 5
23 CPI, article L131-1
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Ensuite, « La transmission des droits de l'auteur est
subordonnée à la condition que chacun des droits
cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de
cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit
délimité quant à son étendue et à sa
destination, quant au lieu et quant à la durée. »,
c'est la formule de l'article L131-3, alinéa premier, du CPI. Par
conséquent, la méthode agile étant itérative, on
pourra soit transmettre les droits à chaque livraison ayant donné
lieu à recette sans réserves, soit à l'issue des
développements, c'est-à-dire une fois que le logiciel aura
été livré en totalité.
En matière de droit social, comme nous l'avons
évoqué plus haut, on peut facilement glisser vers une situation
illicite. En effet, un contrat de prestation de service encourt la
requalification en contrat de travail si un lien de subordination peut
être établi entre le client et le prestataire. Par exemple dans le
cas où les employés du prestataire reçoivent des
instructions du client et vice-versa, il y a un risque pour que cet acte soit
qualifié de prêt de main d'oeuvre illicite. Le prestataire doit
agir en toute indépendance pour rester dans le cadre du contrat de
louage d'ouvrage. Selon la jurisprudence cette indépendance se
caractérise par différents éléments :
liberté d'horaires, initiative des décisions dans
l'exécution du contrat, etc.
Cependant, lorsqu'elle a un but non lucratif cette
opération est licite à condition de respecter les dispositions de
l'article L8241-2 du code du travail. Cependant les obligations
déclaratives sont contraignantes et l'accord du salarié est
nécessaire, dans le cas contraire celui-ci pourra demander la
requalification de son contrat de travail.
Le dernier alinéa de l'article L8241-1 du code du
travail dispose qu' « Une opération de prêt de
main-d'oeuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l'entreprise
prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice, pendant la mise
à disposition, que les salaires versés au salarié, les
charges sociales afférentes et les frais professionnels
remboursés à l'intéressé au titre de la mise
à disposition. » En l'espèce la situation est
différente puisque le client va payer pour des fonctionnalités
livrées, le prestataire facture certainement sa prestation
au-delà du strict coût de la main-d'oeuvre. Par suite, une
interprétation a contrario de cet article
consiste à dire qu'en cas de contrat au forfait la mise à
disposition de main-d'oeuvre est illicite.
Si malgré tout le personnel du prestataire est
amené à travailler sur site client ou l'inverse, la question des
chartes et règlements intérieurs suscite un intérêt
double. Du point de vue de l'entreprise qui reçoit le personnel il y a
un dilemme : si on fait signer le règlement intérieur et la
charte informatique au personnel reçu cela peut indiquer un lien de
subordination et par là même rendre l'opération illicite
car relevant du travail dissimulé, cependant ces documents sont
importants pour des questions de responsabilité. Du point de vue de
l'entreprise émettrice, il s'agit du délit de marchandage,
autrement dit prêt de main-d'oeuvre illicite. Dans tous les cas elle n'a
pas intérêt à voir ses employés signer ce genre de
documents.
Afin de lutter contre le travail dissimulé, le code du
travail impose au client une obligation de vigilance : « toute
personne qui ne s'est pas assurée, lors de la conclusion d'un contrat et
tous les six mois, jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, dont
l'objet porte sur une obligation d'un montant au moins égal à 3
000 euros en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une
prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, que son
cocontractant s'acquitte de ses obligations au regard de l'article L. 324-10
[aujourd'hui L8222-1] sera tenue solidairement avec celui qui a fait
l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé
»24.
Ce qu'impose l'article L8222-1 du code du travail à
l'entreprise cliente, c'est de demander à son prestataire qu'il
fournisse de nombreux documents afin de vérifier la situation fiscale et
sociale de ce dernier, lors de la conclusion du contrat et tous les six mois
jusqu'à la fin de son exécution. L'article D8222-5 du code du
travail en précise la liste :
« 1O Une attestation de fourniture des
déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de
sécurité sociale prévue à l'article L. 243-15
émanant de l'organisme de protection sociale chargé du
recouvrement des
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24 CA Rennes CH. SÉCURITÉ SOCIALE 2 juin 2010
N° 08/08681
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cotisations et des contributions datant de moins de six
mois dont elle s'assure de l'authenticité auprès de l'organisme
de recouvrement des cotisations de sécurité
sociale.
« 2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant
au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire
des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession
réglementée, l'un des documents suivants :
a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et
des sociétés (K ou K bis);
b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription
au répertoire des métiers ;
c) Un devis, un document publicitaire ou une
correspondance professionnelle, à condition qu'y soient
mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse
complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce
et des sociétés ou au répertoire des métiers ou
à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la
référence de l'agrément délivré par
l'autorité compétente ;
d) Un récépissé du
dépôt de déclaration auprès d'un centre de
formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription.
»
Si le prestataire est un étranger on se
référera à l'article D8222-7 du code du travail. Si c'est
un particulier c'est l'article D8222-4 qui s'applique. Ces documents sont
à fournir dès lors que le contrat porte sur une somme de 3000
euros (article R8222-1 du code du travail).
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