WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

( Télécharger le fichier original )
par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

C/ Une industrie musicale de nouveau en mutation ?

Alors que de nombreux producteurs menèrent une politique de résistance contre les majors, ces dernières entraient au début des années soixante-dix dans une période de crise puisque le choc pétrolier du début de la décennie allait modifier leur fonctionnement interne. En 1973-1974, la hausse des prix du pétrole eut en effet une conséquence négative sur l'approvisionnement des majors en matière brut, composante essentielle dans la fabrication des vinyles. L'industrie du disque connut donc une soudaine récession, que les majors tentèrent de pallier en précipitant une fois de plus leurs mouvements de rachat et de

399 GUIBERT, Gérôme, « Industrie musicale et musiques amplifiées », Chimères, 2000, n° 40, p. 12.

400 Je renvoi ici à ce qui a déjà été explicité auparavant avec la domestication des appareils d'écoute et des disques.

concentration. Néanmoins, à force d'acquisitions multiples, elles devenaient toujours plus lourdes à gérer, subissant une hiérarchie complexe qui affectait les compétences du personnel d'administration. La crise économique du début des années soixante-dix fut pour les majors l'occasion de se fractionner en de nombreuses sous-filiales, restructurant leur travail autour d'équipes restreintes sur le modèle des indépendants401. L'objectif fut alors de développer des stratégies dites de « niche », qui permettaient de se tenir au courant de l'évolution musicale en développant des groupes dans des styles tout à fait hétérogènes. Ce procédé s'oppose nettement à ce que nous avons pu voir jusqu'alors, où les majors signaient un groupe à ses débuts et où l'on se donnait pour but une notoriété maximale non ciblée (les Beatles / développement dit « en escalier »402).

En parallèle, le nombre de labels, lui, reste constant et parfois même augmente tout au long des années soixante-dix, comme le montre le tableau ci-dessous, qui suit la répartition des disques du Top Ten en Grande-Bretagne :

 

Majors
britanniques

Indépendants
britanniques

Filiales
américaines

Total

1970

21.6

20.7

9.9

52.2

1971

20.0

26.7

14.3

61.0

1972

17.7

28.4

15.6

58.7

1973

22.5

26.7

20.0

69.2

1974

14.2

29.9

26.8

70.9

1975

13.1

29.9

24.8

67.8

Tiré de : PICHEVIN, Aymeric, Le disque à l'heure d'internet : l'industrie de la musique et les nouvelles

technologies de diffusion, Paris, L'Harmattan, coll. « Logiques sociales », 1997, p. 28.

L'émergence du punk cristallisa les aspirations gauchistes de certains producteurs qui souhaitaient acquérir une autonomie plus grande encore. Par ailleurs, le discours légitime dans la sphère politique reprenait également l'idée de polarisation entre commerce et authenticité, entre standardisation mondiale de la production et principe de créativité locale. Au pouvoir entre 1964 et 1979, le gouvernement britannique travailliste encourageait par exemple la création de coopératives de travail, sous la tutelle financière de l'État afin de contrer le pouvoir de l'entreprise privée. Aux niveaux culturel et politique, l'idéologie de résistance

401 LEBRUN, Barbara, op. cit., pp. 36-37.

402 GUIBERT, Gérôme, op. cit., p. 5.

contre les grands groupes industriels s'affirmait. Par la suite, le ralenti dans l'économie du disque ne fut que provisoire puisque la concurrence entre les majors déboucha sur une baisse des prix qui relança la consommation. Les petits labels ont désormais la possibilité de se frayer une place dans cette relance de la concurrence et de s'affirmer comme compétiteurs, certes marginaux mais bien réels. À ce titre, le label Rough Trade, associé au mouvement punk, répond à un moment particulier de l'histoire du disque en Grande-Bretagne puisque son idéologie de résistance s'est trouvée encouragée par le fractionnement des majors, la reprise économique, l'encouragement des pratiques autogestionnaires et un certain soutien politique et médiatique403. Rough Trade, au départ un disquaire indépendant créé dans un quartier pauvre de Londres en 1976 par Geoff Travis, profita du fait que les majors n'approvisionnaient les grands disquaires qu'avec des albums dont le succès était garanti pour promouvoir, par le biais d'une démarche pragmatique, une musique marginale, le punk. Par la suite, à partir de 1978, Rough Trade se tourne vers la production en inaugurant une gestion originale car « démocratique » du label. Alors que traditionnellement, les artistes confient leurs droits à un producteur qui s'engage à avancer la somme nécessaire à leur promotion, c'est seulement lorsque les ventes dépassent les dépenses initiales, que les artistes touchent des royalties. À l'inverse, Travis instaura sur le principe de la confiance mutuelle des contrats à cinquante-cinquante divisant tout profit obtenu à parts égales entre le producteur et les artistes. De plus, Rough Trade ne s'approvisionnaient pas nécessairement en passant par une major puisque tout un secteur de la distribution s'est entre-temps investi sur le commerce des musique punk, revendant par lots les artistes négligés par les majors aux disquaires les plus modestes404. La musique punk fut dès lors un grand succès, provoquant une nouvelle phase de croissance (encore une autre !) des petits labels, comme Stiff Records qui signa, entre autres, les Damned, Nick Lowe ou les Adverts. La plupart de ces labels ont connu le succès jusqu'au début des années quatre-vingt grâce au phénomène de la New Wave : attiré par la réputation d'équité du label, son plus fidèle représentant, les Smiths, signa chez Rough Trade en 1983 : le premier album éponyme atteint la deuxième place, le second, Meat Is Murder en 1985, fut Numéro 1 et le suivant, The Queen Is Dead en 1986, atteint de nouveau la seconde place. Dans la lignée, Stiff Records signa Elvis Costello, Ian Dury, les Pogues. D'autres labels émergèrent, cette fois-ci plus centrés sur des genres musicaux comme le ska (le label 2 Tone dont les figures de proue furent les Specials et Madness) ou, à l'inverse, relativement diversifiés (Factory Records qui signa des groupes aussi hétéroclites que Joy Division, New

403 LEBRUN, Barbara, op. cit., p. 38.

404 Idem, p. 39.

Order, Happy Mondays et bien d'autres). À la différence de la fin des années soixante, la plupart des ces labels ne furent pas automatiquement rachetés par des majors et continuèrent même une existence prolifique et nécessaire à la découverte des nouveaux talents musicaux. Mais à la longue, la soumission à la logique du marché, à la rentabilisation du capital investi, ne permet à un label comme Stiff Records que de disposer d'une brève période de confusion et de créativité pour lancer ses artistes ; lorsque tout rentre dans la normalité, de nouveaux critères s'imposent si la société privée souhaite se maintenir : efficacité et rentabilité.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire