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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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C/ Les majors : une bureaucratie lourde et complexe

Ces remarques effectuées doivent cependant aboutir à un autre argument concernant les majors : la lourdeur de leur bureaucratie qui, à la différence de la flexibilité des indépendants350, empêche les labels les plus importants de s'adapter aux mouvances de la créativité musicale. L'incitation de chaque chercheur, noyée dans la masse de ses collègues, est moindre que dans une petite firme, où chacun sait que la survie du label est entre ses mains. L'exemple le plus significatif se retrouve chez Capitol : avec le succès des Beatles, le label américain fut réduit à se cantonner au lucratif répertoire des Fab Four de Liverpool : « The Beatles carried Capitol for five years, and masked the basic problems at the company : outdated financial organization, little understanding of rock music. »351 Dès lors, lorsque les Beatles se séparent en 1970, les pertes sont conséquentes et atteignent £6.2 millions en 1971352, ce qui pousse EMI à reconsidérer son organisation. À défaut d'abandonner le commerce du rock, et devant l'impossibilité réelle d'embrasser ce qui sortirait trop des conventions, EMI tente de diversifier encore davantage ses activités353. Elle se tourne en 1969 vers l'industrie de l'image en prenant sous son aile une chaîne de studio de cinéma (ABPC, Associated British Picture Corporation)354, et en contrôlant Thames Television. Au début des années soixante-dix, elle commence même à créer une organisation pour la commercialisation des instruments de musique même si le coeur de son activité reste la musique. Pour résumer, là où les « coups » isolés, les opportunités du moment dépendant peu des succès passés ou à venir, sont plutôt l'apanage des indépendants, à l'inverse les grandes vedettes, stables et peu

349 BUXTON, David, Le rock : star-système et société de consommation, Grenoble, La pensée sauvage, 1985, p. 140.

350 FARCHY, Joëlle, La fin de l'exception culturelle?, Paris, CNRS Éditions, coll. « CNRS Communication », p. 71.

351 CHAPPLE, Steve, GAROFALO, Reebee, op. cit. cité dans TSCHMUCK, Peter, op. cit., p. 118.

352 MARTLAND, Peter, Since records began : EMI - The first 100 years, [Londres], Amadeus Press, 1997, p. 254.

353 On s'en souvient, dès 1936, les laboratoires d'EMI avaient participé à la mise au point de la télévision, en passant par toute une panoplie de matériels électroniques (radios, calculatrices, etc.).

354 LANGE, André, Stratégies de la musique, Bruxelles, Pierre Mardaga, coll. « Création & Communication », 1986, p. 72.

nombreuses, au renouvellement lent (Beatles, Rolling Stones), sont l'affaire des multinationales. La signature des Beatles et des Rolling Stones par deux majors n'est au final pas vraiment une surprise puisque EMI et Decca se lancèrent elles mêmes dans une campagne de promotion grâce à leurs contacts étroits avec les médias, bien décidées à faire murir leur succès.

La simultanéité du phénomène de concentration des majors et de diversification de la production liée à l'immense foisonnement musical de la production qui succède à la Beatlemania de 1964 n'est donc en rien contradictoire puisque la nouvelle vague des indépendants britanniques, stimulés par l'essor des clubs et de l'underground artistique (v. Partie II, Chapitre 6), va ouvrir une brèche dans l'oligopole de l'industrie du disque sans toutefois la remettre en cause du fait du contrôle de la distribution par les majors. En même temps, la diversification de la production tend à infirmer l'idée que c'est bien la concurrence qui favorise la variété des productions et leur dynamisme.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon