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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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III/ Les marges du circuit commercial traditionnel

Cette partie se concentre sur les chemins de traverse qui existaient pour un musicien ou un groupe qui souhaitait se faire connaître en parallèle d'une industrie globalisante. Elle suppose de mettre en avant la façon dont les industries du disque ont été parfois obligé de transformer leur approche à la suite d'une période où la demande sociale s'est fait fortement sentir, surtout depuis l'invasion de la musique américaine.

A/ Un cheminement musical au départ incertain

Même si le disque constituait, comme j'ai pu le montrer au cours du chapitre précédent, le vecteur par l'intermédiaire duquel se sont formés une grande partie des formations anglaises nées au cours des années soixante, le cheminement qui a fait de Tommy Steele la première véritable rock star nationale en réponse au « choc » commercial des vedettes américaines (Bill Haley puis Elvis Presley) fut assez progressif. En effet, bien avant le succès mondial des Beatles, l'industrie du disque est en panne de nouvelles trouvailles musicales et sonores qui lui seraient profitables. De plus, pour beaucoup de jeunes anglais, les artistes américains restent inaccessibles et à aucun moment ils n'imaginent sérieusement devenir un jour des stars. Il faut attendre pour cela l'arrivée d'un jeune musicien de jazz, Lonnie Donegan, qui réussit en 1956-1957 la prouesse d'enlever leurs complexes aux musiciens en herbe en lançant le skiffle291. Son grand succès, « Rock Island Line » en 1956, est une reprise transformée d'un standard du folklore noir-américain. L'intérêt du skiffle de Donegan est qu'il popularise une nouvelle façon d'aborder le jeu instrumental, réhabilitant les instruments hétéroclites des pionniers de la musique (guitares artisanales, harmonicas, toutes sortes de percussions, etc.), devenant une forme d'expression politique des manifestants contre le nucléaire au moment du lancement de la CND (Campagne pour le Désarmement Nucléaire), et invitant les milliers d'adolescents désargentés à jouer de la musique avec les moyens du bord et dans n'importe quel lieu292. Cette mode, pourtant éphémère (1956 à 1958) bénéficia non seulement d'un véritable lancement médiatique mais surtout, fait capital, elle allait à l'encontre de toutes les évolutions techniques apparues dans le domaine musical depuis l'après-guerre. À Liverpool, les Quarrymen sont ainsi en 1957 une obscure formation de skiffle dont les membres n'ont pas encore trouvé le nom de Beatles... Il aura justement fallu les rencontres successives entre Allan Williams, artisan-plombier de Liverpool reconverti

291 Le style skiffle vient des années de dépression (années trente) aux États-Unis, à une époque où beaucoup de musiciens étaient contraints de jouer sur des instruments de fortune.

292 LEMONNIER, Bertrand, op. cit., p. 76.

dans le management de musiciens locaux, la gestion de bars et de clubs, celle de Brian Epstein puis de George Martin pour que la notoriété des Beatles grandisse, alors même que les puissantes majors du disque n'auraient à aucun moment pariées sur ces quatre garçons (v. le refus de Decca), venus qui plus est d'une ville représentative, avec Glasgow, du déclin anglais : terrains vagues, friches industrielles et surtout délinquance juvénile293. Ce qui a permis aux Beatles de passer en trois ans (1960-1963) de la renommée locale à la renommée nationale ne tient donc pas uniquement d'une opération concertée du show-business et des médias, pourtant bien réelle grâce à Martin et Epstein294, mais également en raison de tout un mouvement underground qui fait du très cosmopolite port de la Mersey un lieu de vitalité culturelle295.

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