B/ Naissance des premières firmes
Par conséquent, au début du XXe siècle,
deux systèmes d'écoute cohabitent : le cylindre, qui
s'écoute sur un phonographe, et le disque plat, qui s'écoute sur
un gramophone, même si rapidement c'est le second support qui l'emporte
en raison de son avantage commercial d'être de meilleure qualité,
facilement copiable et en grande quantité (le cylindre disparaît
en 1929).
Statistiques des ventes 1904-1921 - disques vs
cylindres
Année Cylindres Disques Total
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1904
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21,0 M
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4,0 M
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25, 0 M
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1909
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18,6 M
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7,6 M
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27,2 M
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1914
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3,9 M
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23,3 M
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27,2 M
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1919
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5,9 M
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101,1 M
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107,0 M
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1921
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1,8 M
|
103,4 M
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105,2 M
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Tiré de : THÉRIEN, Robert, L'histoire de
l'enregistrement sonore au Québec et dans le monde 1878-1950,
Sainte-Foy, Les presses de l'université Laval, 2003, p.
109.
Dès lors, les premières compagnies sont
créées ; l'exploitation des brevets, parce qu'elle garantit
à leur détenteur les profits tirés des innovations
récentes (un peu comme les droits d'auteurs), ouvre des perspectives
liées à une industrie discographique naissante sous la forme de
monopoles. La Edison Phonograph Company, fondée en 1887, se charge de la
promotion du cylindre. Toujours aux États-Unis, en 1886, Chichester Bell
et Charles Summer Tainter font breveter le graphophone22, dont
l'exploitation fut à l'origine, deux ans plus tard, de la
célèbre Columbia Phonograph Company23. Celle-ci lance
sa filiale britannique, la British
21 CHARBON, Paul, « Naissance du transport et
de la conservation du son : du téléphone à la machine
parlante » cité dans FLICHY, Patrice, Une histoire de la
communication moderne : espace public et vie privée, Paris, La
Découverte, 1997 [1ère éd. : 1991], p. 96.
22 Le graphophone, mis à part qu'il utilise
des cylindres recouverts de cire et de paraffine, dont les performances sont
nettement supérieures que la feuille d'étain d'Edison, peut
être considéré comme une copie du phonographe. Il est
abandonné en 1893.
23 En janvier 1913, elle change de nom et devient
la Columbia Graphophone Company pour ensuite retrouver son nom d'origine en
janvier 1924.
Columbia (Columbia-UK), qui rachètera
plus tard sa compagnie homonyme américaine en 1925. De son
côté, Berliner fonde en 1895 sa société
américaine, la Berliner Gramophone Company, avec ses associés
Fred Clark et Frederick Gaisberg, tandis que des filiales sont
créées en Europe : en Allemagne, il s'agit de la Deutsche
Grammophon Gesellschaft, première usine au monde de duplication par
système de pressage, et en France, de la Compagnie française du
gramophone. Quant à la Grande-Bretagne, qui nous intéresse plus
particulièrement ici, la Gramophone
Company24 naît en 1898 à Londres, sous la
direction de l'Américain William Barry Owen, un agent commercial de la
société Victor25, rejoint par Gaisberg. En 1904, la
Gramophone Company est inscrit à la Bourse londonienne. En 1907, la
chanteuse d'opéra Nellie Melba inaugure la première usine
à Hayes, à côté de Londres. Précisons pour
finir qu'aux États-Unis, la Gramophone Company s'associa
étroitement avec la maison Victor qui exploitait déjà les
brevets de Berliner et de Johnson.
Ces remarques, malgré l'extrême complexité
dans la constitution des grandes firmes discographiques, seront
nécessaires par la suite pour éviter toute confusion lorsque
j'évoquerai à de nombreuses reprises des entreprises comme la
Gramophone Company ou la British Columbia (ou Columbia-UK). En outre, le
processus d'industrialisation lancé provoque une concurrence
acharnée entre les différentes compagnies (concurrence qui ne
cessera jamais vraiment au fil des décennies), ainsi qu'une course
à l'innovation technologique.
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