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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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CHAPITRE 1 : L'ARRIVÉE DU PHONOGRAPHE ET SES ENJEUX

La technologie de la captation du son dans le temps et de son déplacement dans l'espace trouve une première concrétisation à la fin du XIXe siècle, au moment où naît le phonographe d'Edison, médium de fixation et de stockage voué à devenir par la suite un médium de création. Le phonographe constitue l'invention à partir de laquelle on pourra par la suite parler d'industrie musicale même si le chemin est long entre sa stricte mise au point par Edison et les stratégies qui ont abouti à la commercialisation du disque, qui n'avait alors rien d'acquis, surtout qu'il existait déjà des espaces dévoués à l'écoute.

Pour éviter toute confusion, le terme de « phonographe », que j'utiliserai tout au long de mon étude, renvoie d'une manière pratique à l'ensemble des appareils d'écoute. En réalité, d'un point de vue historique, le phonographe fait référence à l'invention d'Edison et à son support, le cylindre, tandis que le gramophone se rattache à la machine permettant de lire le second support essentiel rattaché à notre période, le disque.

If Les balbutiements techniques d'une nouvelle invention

À l'heure où notre étude débute, le phonographe a suivi une trajectoire dans laquelle ses fonctionnalités ont tour à tour étaient progressivement définies. Objet de curiosité lorsqu'il est présenté au Crystal Palace de Londres en 1888, il fascine autant qu'il rebute. Ce qui est certain, ce que son invention marque un moment décisif dans l'histoire de l'enregistrement des sons. Car sans pour autant s'étendre à outrance sur une période qui sort de notre cadre chronologique, il apparaît malgré tout utile de remonter aux origines de ce qui fut l'un des faits marquants de la musique : le développement d'une technologie désignée sous le terme

générique d'enregistrement, mise au point pour capter, stocker et reproduire les sons20 sur de nouveaux supports que sont le cylindre puis le disque, ces derniers se substituant progressivement à la partition.

A/ Du phonographe au gramophone

On retient d'ordinaire la date clé du 19 décembre 1877 avec la déposition du brevet et la mise au point par l'Américain Thomas Edison d'un procédé technique permettant la traduction analogique des vibrations émises par les ondes sonores. Or, le phonographe d'Edison est l'aboutissement d'un long processus, stimulé par les recherches simultanées sur d'autres médiums de diffusion que sont le réseau hertzien ou encore le téléphone, et jalonné par des étapes essentielles comme la mise au point en 1857 du phonautographe par le Français Léon Scott de Martinville, et celle en avril 1877 du paléophone par Charles Cros. La spécificité de l'appareil d'Edison réside dans l'utilisation de cylindres comme support de l'enregistrement. Le schéma ci-dessous permet de mieux comprendre son fonctionnement :

Figure 4

Le cylindre (ou rouleau) est parcouru en sa surface par un sillon en spirale et recouvert d'une mince feuille d'étain ; il est traversé dans sa longueur par une tige se terminant par une manivelle ; en actionnant celle-ci, on fait tourner et se déplacer la latéralement le rouleau devant une sorte d'entonnoir dans lequel on parle : l'extrémité inférieure, étroite, de cet entonnoir est fermée par une membrane (ou diaphragme) mise en vibration par résonance ; sur le diaphragme est collé un stylet (ou aiguille) qui appuie sur le sillon et grave des creux et des bosses au gré des vibrations. Pour faire jouer l'enregistrement, on replace l'aiguille au début du sillon et on refait tourner le rouleau ; l'aiguille repasse dans le sillon et, stimulée par les creux et les bosses, refait vibrer le diaphragme qui recrée dans l'air les vibrations originales.

20 Le phonographe arrive en même temps que le téléphone même si ces deux inventions sont radicalement différentes : pour le téléphone, il s'agit d'un médium d'échange instantané et éphémère alors qu'avec le phonographe, l'enregistrement est conservé puis diffusé en différé.

Tiré de : HAINS, Jacques, « Du rouleau de cire au disque compact » in NATTIEZ, Jean-Jacques (Dir.), Musiques : une encyclopédie pour le XXIe siècle, Paris, Actes Sud / Cité de la Musique, 2003, Tome I, Musiques

du XXe siècle, p. 905.

Malgré tout, même si on retrouve en germe dans le phonographe tous les éléments des technologies qui suivirent, la qualité des enregistrements reste alors très médiocre et le cylindre est soumis à des défauts techniques gênants auxquels vont tenter de remédier le disque (1887) et le gramophone (breveté en 1894), tous deux mis au point par l'Allemand Emile Berliner. Un second schéma permet une démarche comparative avec l'invention d'Edison :

Figure 5

Le disque, une mince galette de zinc (au départ du verre) de 12 centimètres de diamètre, tournant à 150 tours par minute, recouverte de cire sur laquelle était tracé le sillon en spirale dans lequel l'aiguille vibrait horizontalement, et non plus verticalement comme sur le rouleau ; cette gravure latérale permettait d'utiliser un support plus mince. Le premier disque n'est enregistré que d'un seul côté (disque monoface). Le disque était actionné d'abord par une manivelle, puis grâce à un moteur à ressort. En 1895, le zinc fait place à un alliage de fibres végétales, de poudre minérale, de gomme-laque et de noir de fumée.

Tiré de : HAINS, Jacques, « Du rouleau de cire au disque compact » in NATTIEZ, Jean-Jacques (Dir.), Musiques : une encyclopédie pour le XXIe siècle, Paris, Actes Sud / Cité de la Musique, 2003, Tome I, Musiques

du XXe siècle, p. 907.

C'est le disque qui par l'accumulation de « grappes d'innovation » finit par imposer ses atouts. D'une part, il offre une restitution sonore meilleure et plus durable que le cylindre et, d'autre part, il se prête à une fabrication en série par moulage galvanoplastique à partir d'une empreinte négative (matrice). De plus, le système de gravure du gramophone reprend celui

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Beatles : une trajectoire d'innovation globale ?

mis au point par Martinville pour son phonautographe, tandis que le système de lecture est inspiré de celui de Cros. D'après Paul Charbon, la démarche de Berliner « consistait à rechercher des inventions tombées dans l'oubli, puis il leur apportait des améliorations qui les rendaient pratiques »21.

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