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Le développement de l'industrie musicale en Grande-Bretagne de l'entre-deux-guerres aux années Beatles : une trajectoire d'innovation globale?

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par Matthieu MARCHAND
Université Michel de Montaigne - Bordeaux III - Master Histoire 2012
  

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A/ Le microsillon : une innovation radicale

180 HAINS, Jacques, « Du rouleau de cire au disque compact » in NATTIEZ, Jean-Jacques (Dir.), Musiques : une encyclopédie pour le XXIe siècle, Paris, Actes Sud / Cité de la Musique, 2003, Tome I, Musiques du XXe siècle, p. 915.

181 PANDIT S. A., op. cit., p. 73.

Figure 15

Si depuis le début du XXe siècle, le disque en shellac de 78 rotations par minute s'est imposé comme standard mondial, il possède un défaut essentiel : sa durée d'écoute ne dépasse pas quatre minutes par face182 ! De plus, il était très fragile, lourd et dépendait en ce sens de l'infrastructure de distribution en réseau des majors qui profitaient d'un degré de concentration inégalé (entre quatre grandes firmes) pour maintenir la concurrence indésirable à distance. La demande accrue de disques après la guerre fut une occasion saisie dans un premier temps par Columbia à l'été 1948. Même si de nouvelles technologies furent testées auparavant pour étendre la longueur des disques comme les tentatives avortées d'Edison en 1925 et de Victor en 1931183, seul Peter Goldmark de la firme Columbia réussit avec le microsillon à la fois à diminuer la vitesse de rotation et à tracer un sillon plus fin, sans pour autant que l'on puisse constater une baisse de la qualité sonore. La durée d'une face de disque passe d'un coup de vingt à trente minutes, ce qui lui vaut le surnom de Long Playing/LP. Outre l'avantage de pouvoir enregistrer des oeuvres beaucoup plus longues, le second intérêt du nouveau support est l'amélioration de la qualité sonore pour un confort d'écoute accru, et notamment la diminution des bruits de surface grâce à l'utilisation de la vinylite (déjà en usage à l'époque des V-Discs), un matériau plus souple mais en même temps plus résistant que la gomme-laque des vieux 78-tours. La réduction de la vitesse de rotation qui en découlait (le « microsillon » prenait moins de place, cents spires/centimètre au lieu de quarante) rendait

182 Par exemple, la Messe en si mineur de Bach nécessitait dix-sept lourds disques ! HAINS, Jacques, op. cit., p. 915.

183 On rajoutera également l'invention du sillon variable en 1949 qui porte la durée du 78-tours à 9 minutes.

qui plus est le disque beaucoup plus durable. La vinylite restera, avec diverses améliorations au cours des années, la matière de base du disque jusqu'à l'avènement du compact.

B/ La « bataille des vitesses » et le retard d'EMI

Cette course à l'excellence technique, bientôt surnommée la « bataille des vitesses », poussa également RCA-Victor à tenter d'imposer son propre microsillon184. Elle expérimenta au même moment un disque vinyle de 18 centimètres qui tournait à 45 tours par minute, avec une qualité sonore accrue mais un temps d'écoute guère plus élevé que le 78-tours (cinq minutes). Constatant la supériorité commerciale du 33-tours, RCA se rallie au bout d'un an au nouveau standard, mais son travail sur le 45-tours n'aura pas été inutile puisque quelques années plus tard, celui-ci deviendra le format idéal pour véhiculer les tubes mondiaux qui serviront de locomotives commerciales aux albums 33-tours.

L'évidente supériorité américaine en matière d'enregistrement poussa les concurrents européens à suivre les tendances du marché : alors que CBS offrit gratuitement le brevet du 33-tours à toutes les compagnies nées aux États-Unis après la guerre, Decca et la plupart des sociétés européennes adoptèrent elles aussi rapidement le 33-tours et se firent un devoir de réenregistrer leur catalogue, à l'exception notable d'EMI qui, en raison de son ancienneté, continuait de croire que le LP ne constituait en rien le futur de la technologie. EMI résista quatre ans, réticente à l'idée de convertir son important catalogue de 78-tours qui représentaient toujours en 1956 40% des chiffres du marché 185 . En 1950, lors d'un communiqué de presse, Ernest Fisk annonce sa volonté de produire des 78-tours « to meet the needs of the millions of gramophones already in use throughout the world »186. EMI finit malgré tout par céder en octobre 1952, deux ans après sa rivale Decca, sous la pression de la concurrence des nouvelles compagnies. Elle commercialise également ses 45-tours la même année. Les erreurs d'EMI lui coûtèrent chères : 1952 marque aussi la fin du contrat de distribution entre EMI et CBS-Columbia, qui trouva un nouvel allié européen chez Philips187. Un an après, c'est au tour de RCA-Victor de mettre un terme à la coopération avec la célèbre firme anglaise188. Non seulement EMI perdit l'accès au répertoire de musique américaine,

184 N'oublions pas le leadership qu'elle avait acquis au moment où elle fut la première à sortir des enregistrements électriques.

185 À titre comparatif, aux États-Unis et en France, ces chiffres tombèrent aux alentours de 5%. PANDIT, S. A., op. cit., p. 72.

186 SOUTHALL, Brian, op. cit., p. ?

187 Dernier venu dans la cour des grands, le néerlandais Philips crée en 1950 sa filiale Philips Phonographic Industries comme complément de sa fabrication de matériel de lecture.

188 Il faut néanmoins attendre 1956/1957 pour que les ventes ne soient stoppées en intégralité.

toujours plus important, mais en outre elle n'avait plus de partenaire pour le commerce de disques de musique classique aux États-Unis.

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