L'école et la violence. Analyse sémio- pragmatique de l'ONG IDI (Initiatives pour le Développement Intégral )en RDC( Télécharger le fichier original )par jean- Claude MUHINDO MATABARO Université catholique du Congo - 2012 |
2.4.2. La violence scolaireLa violence scolaire quant à elle est un phénomène multiforme dont la définition fait encore débat67(*). La violence à l'école recouvre la totalité du spectre des activités et des actions qui entrainent la souffrance ou des dommages physiques ou psychiques chez des personnes qui sont actives, dans ou autour de l'école, ou qui visent à endommager des objets à l'école. Il est question de toutes les violences perpétrées contre les filles et garçons à l'école, qui résultent des abus sexuels, physiques ou psychologiques. Cette violence scolaire se caractérise par des actes de violence au sein des établissements et à leurs abords immédiats s'exprimant sous des formes multiples. C'est la violence entre enseignant et élève qui nous préoccupe plus dans la mesure où pour éduquer l'enseignant se révèle violent. Si l'on fait l'inventaire de multiples formes d'atteintes corporelles : tirer les cheveux, par mèches ou par poignée, barbouiller les cheveux, la figure, avec de la poussière de craie, gifler, tirer les oreilles ou les pinces, soulever de terre par les oreilles, fermer la bouche au ruban adhésif. Sans oublier les claques derrière la tête, le pincement des joues, les coups de règle sur le bout des doigts, sur le dessus des doigts ; sur la paume ouverte, les coups de règle plate sur les dos, sur les fesses, les fessées à la main, déculotté ou non, les coups de pied au derrière, les claques sur les cuisses, les coups de badine sur les molettes ; il faut ajouter à cet inventaire toute gamme des diverses positions pénibles et/ou humiliantes : à genoux sur une règle, mise au coin, bonnets d'âne, exhibitions diverses avec cahiers malpropres ou sous-vêtements souillés épinglés au dos ou à la poitrine, avec écriteau :'je suis un voleur » accroché au cou, station débout les deux pieds dans la corbeille à papier, enfermement dans une armoire, agenouillement sous un bureau, immobilisations par attachement sur une chaise68(*).
Jusqu'à la fin du XIXème siècle, toutes les représentations de scènes scolaires montrent le maître d'école avec le bâton, les verges ou la férule à la main. Le maitre qui usait habituellement du bonnet d'âne ou des coups de règle sur les doigts pouvait le faire sans la moindre culpabilité, et on ne doit pas s'étonner que l'idéologie du « qui aime bien châtie bien » continue à faire quelques ravages69(*).
En Afrique, les systèmes scolaires ont été mis en place par les puissances coloniales pour assurer le bon fonctionnement des administrations, des entreprises privées, mais aussi pour créer un espace culturel assurant la légitimité de leur pouvoir sur les groupes colonisés70(*).L'école africaine est née de la rencontre, souvent basée sur la violence, entre l'Europe et l'Afrique71(*).
Faudra -t-il dire que la violence faite par le maitre à l'apprenant est éducative ? En effet, pour certains pédagogues, du moins les tenants de la méthode autoritaire, ils recommandent la violence parce que très active dans l'action pédagogique, se basant à la sagesse militaire : « la discipline fait la force des armées ».
Dans plusieurs études, les chercheurs ont souligné avec force les conséquences de violences scolaires : les enfants victimes d'ostracisme ont une opinion plus négative de l'école, mettent en place des stratégies d'évitement, sont plus souvent absents, et ont des résultats scolaires inférieurs à la moyenne. Les victimes ont fréquemment du mal à se concentrer sur leur travail scolaire et sont fréquemment absentéistes. La violence a un impact sur la santé mentale et physique. Elle affecte le métabolisme et les défenses immunitaires et engendre chez les victimes une fatigue chronique. Le harcèlement et la maltraitance répétée à l'école induisent une érosion de l'estime de soi. Elle entraine le mécanisme qui a souvent été désigné sous le nom « incivilité » qui désigne le repli sur soi des victimes et des témoins, par angoisse, par déception vis-à-vis des pouvoirs publics72(*). * 67 Pour Y. FUMAT, « Contraintes, conflits, violences à l'école », dans Revue française de pédagogie, vol.118, 1997, l'école obligatoire représente une triple forme de contrainte pour l'enfant : elle le prive de sa liberté d'agir, elle l'oblige à acquérir des comportements nouveaux qui suivent des rythmes bien définis, elle lui impose des contenus culturels spécifiques. Ces contraintes structurelles, qui viennent du phénomène de scolarisation, deviennent des violences quand elles ne peuvent être assumées (p.61). J. REPUSSEAU a une conception toute différente de la violence scolaire, pour lui toute action éducative se présente comme une violence et quand l'action éducative ouverte se présente comme un refus de la violence, elle va à contre-courant de l'éducation, « Education et violence », dans Revue française de pédagogie, vol.16, 1971. * 68 Cf. B. DEFRANCE, Sanctions et discipline à l'école, Paris, Syros, 2001, p.38. * 69 P. VIVET, B DEFRANCE, op.cit., p.107. * 70 F.-J. AZON, T. TCHOMBE, Education, violences, conflits et perspectives de paix en Afrique subsaharienne, Paris, Karthala, 2009, p.190. * 71 Ibidem. * 72 Cf. BAUER, Mission sur les violences en milieu scolaire, les sanctions et la place de la famille. Rapport Remis au Ministère de l'éducation nationale, Mars 2010, p.10. |
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