L'effectivité en droit privé camerounais des droits proclamés en faveur de l'enfant par la convention relative aux droits de l'enfant( Télécharger le fichier original )par Annick MAHTAM ENDALE NJOH-LEA épouse SOLLE Université de Douala - Cameroun - Diplôme d'études approfondies. option : droit privé fondamental 2006 |
2°- Le contenu du droit à l'alimentationLe droit à l'alimentation selon M. Jean ZIEGLER, est « le droit d'avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie psychique et physique, individuelle et collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne ».176(*) C'est le droit d'être nourri, vêtu et d'avoir accès à une eau potable. Le droit à l'eau177(*) est aussi défini, comme le droit pour toute personne, quel que soit son niveau économique, de disposer d'une quantité minimale d'eau de bonne qualité qui soit suffisante pour la vie et la santé.178(*) C'est dans ce sens que le Cameroun a signé une Convention avec la Chine en vue de la construction d'une autre usine de production d'eau potable pour l'alimentation de la ville de Douala.179(*) Dans son ensemble, le droit à l'alimentation reconnu à l'enfant est une obligation pour les parents titulaires de l'autorité parentale sur la personne de ce dernier.180(*) En ce qui concerne les enfants légitimes, l'obligation de nourrir, et vêtir est un effet de la filiation et repose principalement sur le père en vertu de l'exercice de la puissance paternelle et sa qualité de chef de famille. Le Code civil prévoit qu'il peut être secondé ou remplacé selon les cas par la mère (Article 213 du Code civil).181(*) C'est la même règle qui est applicable à l'enfant adopté, et à l'enfant naturel reconnu. L'enfant naturel simple et les enfants adultérins et incestueux reçoivent aliments de leur mère. Mieux, pour les deux derniers cas cités, compte tenu de leur statut filial complexe182(*) (cas d'inceste absolu et d'adultère a matre), ils ne peuvent recevoir de leur géniteur que des subsides issues d'une action à intenter par devant le tribunal. 183(*) Cette obligation ne pèse pas expressément sur les beaux-pères et les belles-mères de l'enfant issu d'un autre lit.184(*) En droit allemand par exemple, les beaux-parents n'acquièrent l'autorité parentale sur un tel enfant que par adoption185(*), sans laquelle ni l'autorité parentale, ni l'obligation d'entretien ne peuvent être réclamées.186(*) Il est à noter que l'obligation d'entretien de l'enfant présente une double modalité. C'est une obligation naturelle d'une part, dans le cadre d'une famille unie et stable dont parents et enfants cohabitent. Cette cohabitation au sens large, comprend la situation des enfants ne vivant pas sous le même toit, mais soumis au contrôle et à la garde des parents. Elle est principalement exécutée en nature et concerne notamment la nourriture, l'hébergement, les soins vestimentaires, les frais scolaires etc...187(*) D'autre part, l'obligation d'entretien de l'enfant ne disparaît pas avec la désunion de la famille. En vertu de l'intérêt supérieur de l'enfant, le législateur a converti l'obligation naturelle en pension alimentaire. Conformément au Code civil, les juges saisis d'une instance de divorce ou de séparation de corps pourront ordonner à la charge du conjoint nanti ou des deux conjoints, le paiement aux enfants d'une pension alimentaire que recevra l'époux qui en assure la garde. Généralement, la garde est confiée au parent qui présente pour l'enfant les meilleures garanties d'un bon encadrement. Les mineurs de vingt et un ans, bénéficiaire d'une pension alimentaire, en deviennent créanciers. Mais le droit à pension n'est pas statique et disproportionné. D'après les articles 208 et suivants du Code civil, la pension accordée doit être proportionnelle aux besoins du bénéficiaire et à la fortune du débiteur.188(*) Elle peut être réduite189(*) ou simplement supprimée par voie judiciaire, et dans ce dernier cas, le débiteur peut proposer qu'elle soit convertie en obligation naturelle exécutée dans sa demeure.190(*) Etant donné le caractère fondamental des aliments, le législateur camerounais n'a pas simplement autorisé l'octroi par les juges de la charge alimentaire aux parents en situation de crise familiale, il a aussi prévu des sanctions pénales à l'encontre des défaillants. L'article 180 du Code pénal punit à cet effet, d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 20.000 à 400.000 francs CFA ou au choix, celui qui est « demeuré plus de deux mois sans fournir la totalité de la pension qu'il a été condamné à verser à son conjoint, à ses ascendants ou à ses descendants ». Seul peut échapper à cette condamnation, celui qui fournit la preuve que son insolvabilité n'est pas voulue. Dans son arrêt du 08 juillet 1976, la Cour Suprême, saisi d'une question relative au non maintien de la pension alimentaire, a rejeté le pourvoi de dame ETEKI MALADI Laurence aux motifs qu'elle n'avait pas prouvé devant les juges de fond les raisons du non-paiement à son mari de la pension alimentaire pour laquelle elle avait été condamnée.191(*) Les sanctions prévues tant dans le Code Pénal camerounais que dans le Code civil par rapport au manquement à l'obligation des parents à l'entretien de leur progéniture, revient à dire que le droit à l'alimentation est en bonne place parmi les droits protégés : la pension alimentaire en est la preuve. L'obligation pour les parents de fournir un toit décent situé dans un environnement sain renforce le devoir d'entretien de ceux-ci à l'égard des enfants. * 176« Définition et contenu du droit à l'alimentation », E/CN. 4/2001/53, §14, http://www.droitshumains.org/alimentation/pdf/fevr_01.pdf. M. Jean ZIEGLER a été Rapporteur sur le droit à l'alimentation devant l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 2004. et son rapport a été publié dans Document des Nations Unies A/59/385, § 5. http://www.droitshumains.org/alimentation/pdf/AGOnu-ziegler-04.pdf * 177 Un important développement sur le droit à l'eau a été publié par l'Académie de l'eau en 2005. Lire SMETS (H), Pour un droit effectif à l'eau, Académie de l'Eau, éd. Révisée, AESN, Nanterre, avril 2005. * 178 Résolution sur le droit de l'eau adoptée par le Conseil Européen sur le Droit de l'Environnement (CEDE) le 28 avril 2000, p. * 179 La pose de la première pierre a eu lieu le 18 janvier 2008 dans la localité d'AYATTO, Arrondissement de Dibombari dans le Département du Moungo (Région du Littoral). * 180 CHEVALLIER (J) & BACH (L), op. cit., p. 329 * 181 Le contenu de cette disposition a fondamentalement évolué dans le droit positif français. La priorité naguère reconnue au mari comme chef de famille est partagée de manière équitable avec la femme (article 213 du Code civil tel que modifié par la loi française n° 70/459 du 4 juin 1970). * 182 Art. 335 du Cciv. « Cette reconnaissance ne pourra avoir lieu au profit des enfants nés d'un commerce incestueux ou adultérin, sous réserve des dispositions de l'article 331 ». * 183 GRANET (F), HILT (P), op., cit., pp. 141-143. * 184 FRANK (R), « Le statut juridique de l'enfant d'un autre lit en droit allemand », in Quels repères pour les familles recomposées ?, Marie-Thérèse MEULDERS-KLEIN & Irène THERY (s/dir.), LGDJ, Paris, 1995, p. 157. * 185 Idem, p. 159 * 186Idem, P. 162 * 187 NUON (P) & THAI (TK), « Obligation d'entretien de l'enfant en droit anglais », Université Jean MOULIN de Lyon, à jour au 15 mars 2003. Lire http://www-cdpf.u-strasbg.fr/oblientreuk.htm, 27/11/2008, p 4. * 188 Art. 208 du Cciv. * 189 Art. 209 du Cciv., « Lorsque celui qui fournit ou celui qui reçoit des aliments est replacé dans un état tel que l'un ne puisse pas donner ou que l'autre n'en ait plus besoin en tout ou en partie, la décharge ou la réduction peut en être demandée ». * 190 Art. 210 & 211 du Cciv. * 191 CS, Arrêt n° 247 du 8 juillet 1976, dame ETEKI MALADI Laurence C/ MP et DIENG Ibrahim, Répertoirechronologie de la jurisprudence de la Cour Suprême, Droit pénal, Yaoundé, 1960-1980, pp. 705-706. |
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