2. COMMERCIALISATION
2.1 Les pratiques de vente des producteurs
2.1.1 Vente sur pied
L'enquête exploratoire et les entretiens que nous avons
menés avec des acteurs locaux, nous ont très vite
révélé que la vente sur pied est le mode le plus
répandu de commercialisation des pommes par les producteurs de la zone.
Les agents de la DPA, les collecteurs et les producteurs avec qui nous avons
conduit la MARP, estiment que presque 75% des producteurs recourent à ce
mode de vente. Ce qui s'inscrit en convergence avec ce
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qui se pratique à l'échelle nationale où
ce taux avoisine 85% (A. Chohin-Kuper et M.R. Doukkali, 2006).
Au niveau de l'échantillon enquêté, 55%
des producteurs optent pour ce mode de vente. La différence avec les
estimations susmentionnées peut être due au fait que les
exploitants qui ont accepté de collaborer avec nous pour réaliser
notre enquête sont, pour une grande part, parmi ceux
intéressés par le projet de développement du pommier et
par la problématique de la commercialisation de ce produit. De ce fait,
notre échantillon s'est trouvé avec une relative
surreprésentation des producteurs pratiquant le stockage et du
même coup, des catégories d'exploitations de plus grande
taille.
Il faut, toutefois, mentionner que les groupes avec lesquels
nous avons conduit la MARP ont signalé l'existence, là aussi,
d'une différence entre Asni et les autres communes de la zone
d'étude. Après croisement des estimations avancées par les
différents participants aux animations de focus groupes, nous avons
déduit que 60 à 70% des producteurs de pommes de la commune
d'Asni vendent leur production sur pied ; taux qui peut atteindre 90% dans les
communes d'Ighil et de Talat N'Yacoub. Ceci peut être dû à
l'éloignement et à l'enclavement dont pâtissent les douars
des hautes vallées.
Plus de 90% des producteurs enquêtés vendent leur
production sur pied au mois de septembre, les pommes mûrissent vers la
mi-septembre. Cela leur permet de profiter d'un prix de vente plutôt
satisfaisant puisque la production est quasiment prête. Tandis que
d'autres producteurs, alourdis par les charges de production, choisissent de
vendre au mois de juin.
De nos premiers entretiens avec des agents de la DPA, nous
avons retenu l'hypothèse qui stipule que la principale cause pour
laquelle beaucoup de producteurs de la zone d'étude vendent leurs pommes
sur pied, est leur endettement vis-à-vis des fournisseurs d'intrants
agricoles. Selon cette hypothèse, ces producteurs se trouvent contraints
de vendre sur pied leur production, avant que les pommes ne soient mûres,
pour pouvoir s'affranchir rapidement de leurs dettes. Un des résultats
dégagés ne nous permet pas de souscrire entièrement
à cette hypothèse. En effet, 77% des producteurs pratiquant la
vente sur pied nous ont déclaré régler leurs achats
d'intrants au comptant.
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Concernant leur appréciation sur ce mode de vente,
près de 60% des producteurs enquêtés le trouvent
avantageux, contre 40% qui pensent le contraire. Les raisons avancées
par ceux qui le pratiquent sont diverses. Plus de la moitié d'entre eux
(55%) trouvent les frais de transport et de location des caisses très
onéreux, près du tiers (32%) avancent leur manque de
capacité physique. Pour ceux qui ont essayé de vendre
eux-mêmes leurs pommes (13%), leurs tentatives ont été
vouées à l'échec. L'encadré ci-après
illustre ces cas de figure.
Encadré 4. Les raisons de la vente sur
pied.
Monsieur Mohammed, un producteur de pomme à
Ouirgane, âgé de 68 ans, trouve la vente sur pied non avantageuse.
Mais il nous explique que pour vendre soi-même sa production, il faut
être capable de surveiller les ouvriers à la récolte et de
se rendre au marché très tôt, or sa santé ne lui
permet plus cela. Ses deux fils vivants à Marrakech, il ne peut confier
cette tâche à personne. Il se trouve donc obligé de vendre
sur pied sa production même s'il n'en est pas satisfait.
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Un autre producteur nous a fait part de sa «
mésaventure ». D'habitude, il vend sur pied la production de son
verger de 1 200 arbres, ce qui lui rapporte entre 50 000 DH et
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55 000 DH. La campagne écoulée, il a
essayé de vendre sa production lui-même. Pour ce faire, il a
dû dépenser plus de 12 000 DH dans l'opération pour n'en
tirer, en tout et pour tout, qu'une recette de 50 000 DH, soit un manque
à gagner de plus de 10 000 DH par rapport à la vente sur pied.
D'après ce producteur, il faut être rusé pour pouvoir
vendre au marché ; il nous a raconté comment les collecteurs
déploient différentes fourberies pour faire baisser les prix au
détriment des producteurs.
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De nombreux producteurs insatisfaits de la vente sur pied
de leur production, déplorent leur manque de moyens financiers. Pour
eux, la vente après stockage est très onéreuse et
nécessite des charges supplémentaires à celles de
production (main d'oeuvre, location des caisses, transport).
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La vente sur pied n'exclut pas les grands producteurs,
nous en avons relevé plusieurs cas. Le plus surprenant : Un producteur
possédant plus de 10 hectares de pommier ainsi qu'une unité de
conservation installée sur l'exploitation, vend sa production sur pied
à environ un million de dirhams et loue à celui qui la lui
achète l'unité de conditionnement.
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