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L'action corporative devant le juge administratif

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par L. W. Pascal Zombré
Université de Ouagadougou - Maîtrise Droit Public 2003
  

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INTRODUCTION

De tout temps, les hommes ont éprouvé le désir de s'associer. Plus qu'un désir, cela est longtemps apparu comme une nécessité humaine. Déjà vers 973 av-JC, le roi Salomon((*)1) affirmait dans l'Ecclésiaste((*)2) 4,9 que : « deux Hommes associés sont plus heureux qu'un Homme solitaire. A deux, ils tirent un bon profit de leur travail. Si l'un d'eux tombe, l'autre le relève. » L'association dont il est question ici va au-delà des regroupements dits naturels (la famille plus ou moins élargie, le clan, la tribu, etc.). Elle est présentée comme une étape quantitative et / ou qualitative vers un bonheur pour l'homme. Elle est un groupement dit artificiel ; autrement dit plus ou moins provoqué, sinon voulu, du moins accepté et par suite d'une manière ou d'une autre volontaire. Cependant quel que soit le type de regroupement humain (naturel ou artificiel), l'origine exacte de l'association en tant que phénomène social reste difficile à préciser, voire même impossible. Ce qui demeure certain, est que de tout temps et dans toutes les civilisations, il a vraisemblablement existé l'une ou l'autre forme de groupement ou les deux formes à la fois.

De nos jours, le phénomène associatif est fortement présent dans le corps social ; il a été appréhendé par les juristes, élevé au rang de liberté publique à valeur supra législative et cette liberté est reconnue internationalement comme telle.

Le phénomène associatif est de loin l'un des plus importants dans nos sociétés contemporaines. Cette importance est relative, d'une part, au nombre impressionnant de groupements créés et, d'autre part, aux nouveaux engagements sociaux de ceux-ci.

S'agissant de la multiplication des associations, celle-ci est plus sensible au Burkina Faso depuis les années 90, avec la réouverture démocratique et la réaffirmation de la liberté d'association. Il s'agit essentiellement des associations oeuvrant dans les domaines socioéconomique et culturel. Ainsi, du 01 mars 2001 au 01 mars 2002, 637 récépissés ont été délivrés à des associations (tous les domaines d'activités confondus) par le ministère de l'administration territoriale (MAT.) Cette inflation associationnelle est accompagnée d'une diversité des engagements sociaux : la promotion de la femme et de l'enfance, la promotion de la santé et du bien- être social...

Les groupements sont devenus les principaux animateurs de la vie sociale à côté des partis politiques. Aujourd'hui on parle volontiers de la société civile pour désigner l'ensemble des groupes organisés, nombreux et divers (syndicats, corporations, mouvements, associations, congrégations...) pour la défense d'intérêts aussi nombreux que divers. Cette société civile, d'abord nationale, va ensuite s'internationaliser du fait d'un nouveau phénomène beaucoup plus impressionnant et fédérateur de plusieurs intérêts transfrontaliers : la mondialisation.

Le phénomène associatif est si important qu'il intéresse aussi la science politique contemporaine qui l'appréhende à travers l'étude des groupes d'intérêts et des processus décisionnels. Vu sous cet angle, les associations sont des groupes de pressions qui peuvent se définir comme des organisations constituées pour la défense d'intérêts et exerçant des pressions sur les pouvoirs publics afin d'obtenir d'eux des décisions conformes à leurs intérêts.

Fait social d'une importance indéniable, le phénomène associatif n'échappe pas au droit. Il sera normalisé, réglementé et organisé pour obéir à l'ensemble des règles régissant la vie en société et sanctionné par la puissance publique. Dès lors, l'association sera institutionnalisée, c'est-à-dire fondée, établie par une norme et reconnue comme telle.

Au Burkina Faso, c'est la constitution du 11 juin 1991 en son chapitre IV, relatif aux droits et devoirs sociaux et culturels, qui institue l'association en son article 21. En disposant que : «  la liberté d'association est garantie », le constituant consacre implicitement l'association en tant qu'institution organe reconnue au Burkina Faso. Le législateur organise cette institution à travers la loi portant liberté d'association((*)3) qui définie l'association en son article 1er comme : « (...) tout groupe de personnes physiques ou morales, nationales ou étrangères, à vocation permanente, à but non lucratif et ayant pour objet la réalisation d'objectifs communs, notamment dans les domaines culturel, sportif, social, spirituel, religieux, scientifique, professionnel ou socio-économique. »

La liberté d'association telle qu'elle est consacrée par la loi fondamentale au Burkina Faso a une valeur constitutionnelle indéniable. De ce fait, elle a une valeur supra législative qui oblige le législateur à la respecter.

Sur le plan international, la liberté d'association fait l'objet de reconnaissances et de protections. Plusieurs organisations internationales ont reconnu la liberté d'association. Sont de celles-ci l' ONU et l' U.A .

Deux traités visant à donner une force obligatoire à la déclaration universelle des droits de l'homme furent adoptés respectivement le 15 et le 16 décembre 1966 par l'Assemblée Générale des Nations Unies. Le premier traité, le pacte relatif aux droits civils et politiques "reconnaît le droit de chaque être humain de tenir des réunions pacifiques et de s'associer librement avec d'autres.". Le second traité, le pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels "reconnaît le droit de former des syndicats". La charte africaine quant à elle, consacre la liberté d'association à son article 10 alinéa 1er du chapitre premier relatif aux droits de l'homme et des peuples. Cet article dispose que : « Toute personne a la droit de constituer librement des associations avec d'autres, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi»

Il apparaît de ces deux chartes, que le phénomène associatif touche à un droit fondamental inhérent à l'espèce humaine : la liberté. Cette liberté est vraisemblablement le moteur de l'action corporative, chère aux groupements.

L'action corporative est susceptible de plusieurs entendements. Aussi, il convient dans le cadre de cette étude, d'une part, de la définir de façon claire et précise et, d'autre part, de la différencier d'avec d'autres notions comme le droit d'association et le droit des associations.

Qu'est-ce qu'une corporation ? Au moyen âge, les corporations étaient des unions professionnelles, groupant les membres d'un même métier: maîtres, compagnons, apprentis. Elles furent supprimées en 1791 par la loi "le chapelier". Aujourd'hui, les notions de corporation et d'association sont intimement liées. C'est l'article premier de la loi n°10/92/ADP portant liberté d'association qui contient les critères qui sont spécifiques aux associations.

1°- L'association est un groupe de personnes, ces personnes peuvent être des personnes physiques ou morales de droit privé. Elle se distingue dès lors de l'établissement public en ce que ce dernier relève du droit public.

2°- L'association a une vocation permanente. C'est d'ailleurs ce qui la distingue fondamentalement de la réunion qui est un groupement momentané de personnes, formé en vue d'entendre l'exposé d'idées ou d'opinions ou en vue de se concerter pour la défense d'intérêts.

3- l'association à un but non lucratif. C'est ce qui la distingue d'avec les sociétés commerciales dont le but est de partager les bénéfices entre les associés. Le but non lucratif de l'association ne lui interdit pas de réaliser des bénéfices, pourvu qu'elle ne les distribue pas.

4°- L'association a pour objet la réalisation d'objectifs communs à ses membres. Aussi, toutes les actions posées par celle-ci, doivent-elles obéir ou plutôt contribuer à la réalisation de cet objet. Par ailleurs, il y a autant d'objets qu'il y a d'associations. Ainsi, pour des raisons historiques, le syndicat professionnel apparaît comme une association à objet particulier et de ce fait, il est soumis à un régime juridique favorable. L'article 25 de la loi n°10/92/ADP portant liberté d'association dispose : «  le terme syndicat, au sens de la présente loi, signifie toute organisation ou groupe d'organisations de travailleurs ou d'employeurs, ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts moraux, matériels et professionnels de leurs membres. » La distinction avec les associations reste donc purement formelle et certaines professions n'ayant pas le droit de se syndiquer défendent leurs intérêts grâce à des associations.

En définitive, la notion de corporation est intimement liée à celle d'association, sinon, à tout le moins la première est comprise dans la seconde. En effet, la notion de corporation renvoie au concept de corps de métier. Ce dernier regroupe l'ensemble des travailleurs soumis au même statut particulier et ayant vocation à parvenir aux mêmes grades. La corporation de ce fait n'est rien d'autre qu'une association professionnelle. Par conséquent, l'action corporative ou l'action associationnelle((*)4) ou encore l'action collective est l'action posée par une association conformément à son objet. L'article 41 de la loi n°10/92/ADP portant liberté d'association dispose que : « toute association dûment constituée et régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice, acquérir, posséder et administrer des biens meubles et immeubles nécessaires à l'accomplissement de ses activités, recevoir des dons et legs ».

Dans cette disposition, un des aspects du droit des associations intéresse la présente étude, à savoir, l'action en justice. L'action en justice est définie par l'article 11 du code de procédure civile comme « (...) le droit, pour l'auteur d'une prétention d'être entendu sur le fond de celle-ci, afin que le juge la dise bien ou mal fondée. Pour l'adversaire, l'action est le droit de discuter le bien-fondé de cette prétention. » En somme, à propos d'action corporative, il s'agit du droit d'ester en justice reconnu aux associations.

Quelle différence existe-t-il donc entre ce droit et le droit d'association ?

Le droit d'association est une liberté individuelle. Elle est un corollaire de la liberté d'association. C'est le droit reconnu à l'individu de s'associer ou de ne pas s'associer. Ce droit est consacré par la constitution du 11 juin 1991, à son chapitre IV relatif aux droits et devoirs sociaux et culturels. Ainsi, selon l'article 21 « (...) toute personne a le droit de constituer des associations et de participer librement aux activités des associations créées(...). »Cette disposition confère au droit d'association une valeur supra législative. De ce fait, le droit d'association prévaut à l'action corporative et survit à celle-ci. Autrement dit, elle est au départ et à l'arrivée de l'action corporative. Qui plus est, elle en est la condition sine qua non.

Le droit des associations quant à lui, est à distinguer du droit d'association. Il rassemble les dispositions contenues dans les lois créant les associations comme formes juridiques, principalement la loi n°10/92/ADP portant liberté d'association. Il s'agit donc d'un droit institutionnel et non d'un droit matériel, ce qui pose le principe de la neutralité juridique du cadre associatif. En effet, leurs modes de constitution et leurs droits et obligations sont prévus par la loi. Il n'y a pas de régime juridique commun ni à toutes les associations, ni à chacune d'elle. Elles sont, chacune, soumises à leur statut personnel et à leurs règlements intérieurs propres. Dès lors qu'elle entreprend de faire quelque chose, l'association est soumise au droit applicable à l'action exercée. Cependant, ce principe de neutralité du cadre associatif n'est pas total, la forme associative générant parfois des règles spécifiques ou des adaptations aux règles générales par exemple fiscales. Ces règles spécifiques constituent avec le droit institutionnel une sorte de droit matériel des associations.

En définitive, l'action corporative n'est qu'un aspect singulier du droit des associations, en ce qu'elle en constitue la plus caractérisée des expressions et cela, en dépit de l'existence de plusieurs types d'actions corporatives. En effet l'action corporative dont il est ici question est à distinguer, d'une part de la « class action »((*)5) qui est aussi une autre forme d'action de groupe chère aux américains((*)6) et d'autre part de l'action de groupe québécoise.((*)7).

Pour ester en justice, il est offert aux associations deux voies : la voie judiciaire et la voie administrative. Devant les juridictions judiciaires (tribunaux répressifs, tribunaux civils) les associations sont recevables à agir pour la défense des intérêts de leurs membres si les dommages subis ont été communs à tous. Il appartient aux juges du fond d'apprécier si l'acte en cause porte atteinte aux intérêts collectifs représentés par celles-ci. Devant les juridictions administratives, les associations peuvent demander deux choses :

- L'annulation d'un acte administratif leur faisant grief. Cette action est qualifiée de recours pour excès de pouvoir. L'association requérante conteste la légalité d'un acte administratif.

- La réparation d'un préjudice propre, imputable à l'administration. Ce préjudice peut être matériel ou moral. Cette action est dénommée recours de plein contentieux de recours de pleine juridiction.

Dans l'optique de cette étude, seule l'action devant les juridictions administratives sera prise en compte. Toutefois, il n'est pas exclut que soit fait appel à l'action devant les juridictions judiciaires pour mieux mettre en relief la première.

Envisager l'étude de l'action corporative devant le juge administratif, c'est s'interroger sur deux questions fondamentales :

L'action corporative devant le juge administratif est l'expression d'une liberté publique. En tant que telle, elle est subordonnée à la puissance publique afin de lui permettre de seconder efficacement l'Etat dans la réalisation de l'intérêt général. Cependant, on constate qu'à travers l'action publique, les associations constituent de véritables contre-pouvoirs à l'Etat, mais surtout de sérieux concurrents aux individus dans la défense de leurs intérêts. En effet, les associations ont vocation à défendre à la fois les intérêts qui leurs sont propres et ceux de leurs adhérents, pris individuellement ou collectivement. Dès lors, la nécessité de limiter l'action corporative s'impose. Il se pose alors la question relative à la mise en oeuvre de leur action devant le juge administratif (TITRE I).

Les associations, parce qu'elles défendent des intérêts catégoriels proches ou assimilables à l'intérêt général, sont tentées de croire qu'elles sont libres d'agir selon leurs caprices et en tout temps. Ce qui soulève la seconde interrogation relative aux règles de procédure de mise en oeuvre de l'action corporative devant le juge administratif ( TITRE II).

* (1) Salomon : troisième roi des Hébreux (V.970-931 av. J.C) fils et successeur de David.

* (2) Ecclésiaste : mot grec qui désigne le président ou l'orateur.

* (3) Loi n°10/92/ADP portant liberté d'association, Recueil, Lois - Résolutions, ADP, p.198 - 213

* (4)) L'action associationnelle se présente sous deux aspects : ou bien l'association représente purement et simplement les individus qu'elle groupe et les actions individuelles sont délégués à la personne morale qui les prend en charge ; ou bien cette personne morale exerce une action propre, qui se rapproche de celle de l'Etat.

* (5) La « class action » peut être définie abruptement comme « le doit pour un membre d'un groupe de personne de poursuivre pour tous, sans le consentement de chacun »

* (6)) La « class action » est née aux Etats Unis d'Amérique. Elle est traduite par action de groupe.

(7) Lorsque plusieurs personnes ont le même intérêt dans une procédure, la procédure peut être engagée et, sauf ordre contraire de la cour, être poursuivie par ou contre l'une ou plusieurs d'entre elles en tant que représentant toutes ces personnes ou en tant que les représentant toutes à exception de l'une d'entre elle ou plus.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway