L'exigence démocratique en droit international( Télécharger le fichier original )par Zied AYARI Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 Droit international public 2012 |
§2. La cristallisation de l'exigence démocratique en droit international général ?De ce qui précède il est légitime de se demander s'il y a eu émergence claire et définitive d'une norme prescrivant l'établissement d'un régime démocratique en droit international général. On remarque qu'une très grande majorité des Etats on érigé la démocratie, ou du moins ses principales caractéristiques en modèle de référence (A) ceci nous permet de soutenir l'émergence d'un opinio juris en droit international général (B) A/ La démocratie : le régime de référence pour les EtatsA la lumière de l'évolution enregistrée par la société internationale, on remarque aujourd'hui plus que jamais, l'adhésion des Etats aux valeurs démocratiques. D'abord Les interactions entre régionalisme et droit international sont à prendre en compte dans l'émergence d'une exigence démocratique sur le plan universel. En effet, Les règles élaborées sous les auspices des organisations régionales peuvent constituer un laboratoire pour l'émergence de normes en droit international général. Le droit régional a constitué, et continue d'être, une source d'impulsion pour le droit international et ce dans différents domaines, droits de l'homme, environnement (...). La propagation de l'exigence démocratique dans les différentes organisations régionales, et le nombre important d'Etats ayant souscrits à cette obligation (supra), a contribué à universaliser la démocratie. On constate les multiplications d'engagements démocratiques par le biais de divers instruments ; actes unilatéraux des Etats, conventions bilatérales et même des conventions ayant un caractère général. 1- Les engagements unilatéraux L'acte unilatéral est défini comme étant une : « Manifestation unilatérale de volonté imputable à un seul sujet de droit international et susceptible de produire des effets juridiques dans l'ordre international »266(*)Il est admis, bien que l'article 38 du Statut de la CIJ n'en fasse pas mention, que les actes unilatéraux peuvent être une source d'engagement en droit international et créent à la charge de leurs auteurs des obligations qui leurs sont opposables par les tiers. La CPJI a eu l'occasion de consacrer cette notion dans l'affaire du Statut juridique du Groenland oriental en 1933267(*). Et La CIJ en a fait de même dans l'affaire des Essais nucléaires du 20 décembre 1974,où elle déclare : « Tout comme la règle du droit des traités pacta sunt servanda elle-même, le caractère obligatoire d'un engagement international assumé par déclaration unilatérale repose sur la bonne foi. Les Etats intéressés peuvent donc tenir compte des déclarations unilatérales et tabler sur elles; ils sont fondés exiger que l'obligation ainsi créée soit respectée.»268(*) Concernant l'exigence démocratique, On constate la proclamation, l'énonciation ou la consécration dans la quasi-totalité des constitutions actuellement en vigueur, de l'attachement à la démocratie269(*) ou aux principes démocratiques : souveraineté du peuple, droit de vote, et choix électif des dirigeants. A coté des mentions aux droits de l'homme ou à l'Etat de droit. A titre d'exemple La Constitution de la République démocratique de Corée adoptée le 5 septembre 1998, considérée comme l'un des Etats qui reste aux antipodes de la démocratie, prévoit dans son article 4 que le pouvoir au sein de l'Etat « appartient au peuple laborieux ». Le principe de la représentativité est clairement affirmé dans l'article 6 qui prévoit que : « Les organes du pouvoir aux différents échelons, de l'assemblée populaire d'arrondissement à l'Assemblée populaire suprême, sont élus au scrutin secret selon les principes du suffrage universel, égal et direct ». Il en est de même de différentes déclarations en faveur de la démocratie. Ainsi, le leader Cubain Raùl Castro a déclaré le 28 janvier 2012 lors de son discours de clôture de la première conférence nationale du Parti communiste cubain : « il nous incombe de promouvoir une plus grande démocratie dans notre société, en commençant, par donner l'exemple au sein du Parti »270(*). Même si ces diverses mentions à la démocratie dans les constitutions ou déclarations ne sont pas suivies dans certains Etats d'aucune mise en oeuvre en pratique, l'effectivité de la démocratie dans un Etat donné n'est point un facteur déterminant pour mesurer l'existence de l'engagement unilatéral. Même, si elle peut influer sur sa portée. Toutefois, on pourra avancer dans certains cas, que se sont des actes qui relève du droit interne et ne visant à créer aucun engagement international, contrairement à ce qui en était dans les deux affaires citées. En effet, dans l'affaire du statut juridique de Groenland il s'agissait d'une déclaration du ministre des affaires étrangères du Norvège M. Ihlen par laquelle il a reconnu l'existence d'une souveraineté danoise au Groenland. Dans l'affaire des Essais nucléaires le Président français à l'époque Valéry Giscard d'Estaing a déclaré que les essais nucléaires français dans l'atmosphère étaient finis. Certes, la propagation des principes démocratiques dans la majorité des systèmes internes nous conduit à nous demander si la démocratie ne constitue pas désormais un principe général de droit271(*). 2- Les engagements conventionnels Il y a la question des clauses « droits de l'homme et démocratie ». Plusieurs Etats ont recours à ces clauses dans leurs accords, mais c'est avec l'UE qu'ils ont connu un véritable essor. La conditionnalité est devenue la marque de la politique étrangère de l'UE, ces clauses sont intégrées dans la majorité des accords de l'UE : de commerce, d'association, d'aide (...) et avec la quasi-totalité des Etats partenaires: il y a plus de 150 Etats. Ces clauses constituent de véritables engagements démocratiques et leur respect conditionne la tenue des dits accords. (infra) La référence à la démocratie s'est même manifestée dans des conventions à vocation universelle. Il y a d'abord le Statut de l'Union interparlementaire (UIP) qui est la plus ancienne organisation internationale à caractère politique. Elle fut crée en 1899, et constitue l'organisation internationale des Parlements. Son principal objectif est d'instaurer la paix272(*) et à l'époque de sa création de favoriser le recours à l'arbitrage comme moyen de règlement des différends. Cette organisation n'a pas perdu de sa dynamique, elle est en renouvellement continu. Son Statut actuel a été adopté en 1976, depuis 1987 il a été révisé 19 fois, dont une révision entière en 2003. Il est prévu dans article 1er paragraphe 2 c du Statut de l'UIP que l'organisation : « contribue à la défense et à la promotion des droits de la personne, qui ont une portée universelle et dont le respect est un facteur essentiel de la démocratie parlementaire et du développement; ». Les membres de l'UIP sont les parlements nationaux, elle compte 157 Etats membres. Même si c'est une organisation assez représentative de la communauté internationale (à noter que les Etats Unis ne participent plus aux travaux de l'UIP pendant un certain temps), cette mention ne pourra pas être considérée comme un engagement démocratique au sens strict. La démocratie figure parmi les buts de l'organisation et ne constitue pas une condition d'être membre. De plus, l'UIP n'a aucun moyen de sanction en cas d'atteinte à la démocratie. Il faut néanmoins soulevé l'action normative assez intense de cette organisation en faveur de la démocratie. A titre d'exemple la Déclaration universelle sur la démocratie273(*) adoptée en 1997 par le Conseil interparlementaire. Dans ce texte on affirme : « La vocation et l'engagement de l'Union interparlementaire de promouvoir la démocratie et l'établissement de systèmes pluralistes de gouvernement représentatif dans le monde, et soucieux de renforcer l'action continue et multiforme qu'elle mène dans ce domaine ». La déclaration traite dans ses trois parties des principes de la démocratie, des éléments et de l'exercice d'un gouvernement démocratique et de la dimension internationale de la démocratie. Reste le point le plus marquant c'est l'apparition récente d'une organisation internationale dont sa vocation est de promouvoir la démocratie. C'est la Communauté des démocraties qui, fut créée lors de la Conférence ministérielle tenue à Varsovie du 25 au 27 juin 2000. La Déclaration de Varsovie relative à la création de la Communautés des démocraties souligne l'interdépendance entre paix, développement, droits de l'homme et démocratie et affirme l'universalité des principes démocratiques. La déclaration prévoit que: « The Community of Democracies affirms our determination to work together to promote and strengthen democracy, recognizing that we are at differing stages in our democratic development»274(*). Ses principaux objectifs sont définis par la Déclaration de Varsovie et le plan d'action de Séoul adoptée en 2002275(*). L'organisation oeuvre sur le plan régional et universel pour renforcer les institutions démocratiques, diffuser les principes démocratiques, porter assistance aux Etats en transition vers la démocratie et permet l'échange des expériences démocratiques entre ses Etats membres. Il fut crée aussi en parallèle un processus non gouvernemental qui réunit différents acteurs de la société civile pour coopérer avec les gouvernements. La déclaration de Varsovie qui a établit la Communauté des démocraties comprenait 110 Etats, Malgré ce nombre relativement important c'est encore une organisation jeune et méconnue dans ses actions pour qu'on puisse mesurer son véritable impact. Ce qui paraît être confirmé c'est que les changements inconstitutionnels de gouvernements ne sont pas tolérés. Ainsi le Mali a été suspendue de la Communauté des démocraties le 10 juillet 2012 suite au coup d'état militaire en mars 2012. Cette évolution sur le plan universel nous pousse à examiner s'il y a eu émergence d'une opinio juris en faveur de l'exigence démocratique * 266 Dictionnaire de droit international public, op cit., p. 31. * 267 CPJI, Statut juridique du Groenland oriental, arrêt de 1923, série A/B, n° 53, p. 69. * 268 Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C1J, Recueil 1974, p. 268. * 269KAMTO (M), « Constitution et principe de l'autonomie constitutionnelle », op cit., p. 168 * 270 Courrier international, n° 1109, du 2 au 8 février 2012, p. 29. * 271 Sur les Principes généraux de droit voir, DALLIER (P), FORTEAU (M), PELLET (A), op cit., pp. 380-387 * 272 Voir dans ce sens : BOISSIER (L), « L'Union interparlementaire et sa contribution au développement du droit international et à l'établissement de la paix », RCADI, vol. 88, 1955, pp. 159-261. * 273Déclaration universelle sur la démocratie, adoptée par le Conseil interparlementaire lors de sa 161ème session, Le Caire, 16 septembre 1997. * 274Final Warsaw Declaration: Toward a Community of Democracies, Warsaw, Poland, June 27, 2000 * 275 Adoptée lors de la 2ème Conférence ministérielle de la Communauté des démocraties, Séoul, République de Corée, 10-12 novembre 2002. |
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