L'exigence démocratique en droit international( Télécharger le fichier original )par Zied AYARI Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 Droit international public 2012 |
B/ La dynamique des différentes organisations universellesPromouvoir une exigence démocratique sur le plan universel, n'est pas le seul fait de l'ONU. Plusieurs autres organisations ont soutenu que les principes démocratiques étaient intimement liés à leurs domaines de compétences. La liste d'organisations qu'on abordera n'est pas exhaustive. Il y a d'abord le cas de la Conférence internationale des démocraties nouvelles ou rétablies qui n'est pas une organisation internationale stricto sensu mais qui a connu une certaine institutionnalisation. La première Conférence s'est tenu à Manille en Philippines du 3 au 6 juin 1988, elle regroupait 13 Etats à l'époque. La déclaration de Manille252(*), appuie la légitimité des gouvernements issus de la volonté populaire, condamne les changements inconstitutionnels des gouvernements, exprime la solidarité des Etats participants aux peuples victimes du totalitarisme et qui luttent pour les libertés. Cinq autres Conférences ont été organisées sous son égide, celle d'Oulan-Bator en Mongolie du 10 au 12 septembre 2003 a enregistré la participation de 119 Etats. La sixième conférence et la dernière en date, a eu lieu à Doha au Qatar du 29 octobre au 1er novembre 2006 malgré qu'elle a débouché sur une déclaration ambitieuse253(*), elle nous laisse confus quant au sérieux de cette Conférence. En effet, l'Etat hôte (et un certain nombre d'Etats participants) n'est ni une démocratie nouvelle ni une démocratie rétablie. A ce jour, c'est une monarchie absolue, l'article 8 § 1 de la Constitution du Qatar prévoit que « Le pouvoir de gouverner l'Etat est héréditaire dans la Famille AL Altheni, et dans les descendants hommes de Beni Hamad Beni Khalifa Beni Hamad Beni Abdallah Beni Jassem »254(*). Le Prince détint la majorité des pouvoirs, il est le chef de l'Etat et le Chef de l'exécutif, il nomme et révoque le Premier ministre (article 72) et tous les hauts fonctionnaires, il signe et ratifie les conventions, il a un pouvoir réglementaire général et peut s'opposer à l'adoption des lois votées par le Parlement sans qu'on puisse dépasser ce veto par une quelconque majorité (article 67). Il y a lieu de noter par ailleurs, la nouvelle dynamique du Comité des droits de l'homme qui, après de longues années de prudence, a procédé à une revalorisation des droits des peuples à l'auto-détermination interne et aux droits politiques des individus en exploitant toutes les potentialités, qu'existaient déjà, dans le PIDCP (supra). Entre autre, il a établit un lien entre droits des peuples et droit de l'homme et a rappelé le principe de l'indivisibilité des droits de l'homme s'agissant des droits politiques. Le Comité déclare que : « Les droits reconnus aux citoyens part l'article 25 sont liés aux droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et de déterminer librement leur statut politique, mais ils en sont distincts. Le droit de choisir la forme de constitution ou de gouvernement prévu au paragraphe 1 de l'article premier est conférée aux peuples en tant que tels. L'article 25 en revanche traite du droit des citoyens à titre individuel de participer aux processus qui représentent la direction des affaires publiques »255(*). En affirmant que le droit de choisir la forme de constitution ou de gouvernement relève du champ d'application de l'article 1er du Pacte le Comité a interprété la notion « déterminer librement leur statut politique » selon son sens ordinaire. Les différentes institutions spécialisées de l'ONU ont aussi apporté leur contribution dans le soutien des principes démocratiques. Dans ce sens, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a retrouvé un domaine qui était d'emblée sien. En effet, dans le préambule de son Acte Constitutif adoptée à Londres le 16 novembre 1945, il est prévu : « Que la grande et terrible guerre qui vient de finir a été rendue possible par le reniement de l'idéal démocratique de dignité, d'égalité et de respect de la personne humaine ». En 1988, l'UNESCO a crée le Panel international sur la démocratie et le développement (PIDD), organe consultatif composé de hautes personnalités internationales dans le but d'analyser les liens entre la démocratie et le développement et faire des recommandations qui guideront l'UNESCO dans ses programmes futurs sur la démocratie. Le PIDD présidé alors par M. Boutros Boutros-Ghali, a publié en 2002 un rapport intitulé L'interaction entre la démocratie et le développement256(*). Les recommandations qui y sont faites servent de guide pour la mise en oeuvre du programme international sur la démocratie mis en place par l'UNESCO en 2003257(*). Le programme, dont le thème général est « démocratie, culture et paix », comprend trois axes d'action: stimuler la recherche analytique comparée; organiser des dialogues internationaux sur l'avenir de la démocratie ; et soutenir la démocratie dans les sociétés qui sortent d'un conflit. Les institutions deBretton Woods, la Banque Internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et le Fonds Monétaire International(FMI) se sont intéressés quant à elles, de promouvoir la notion de « bonne gouvernance » dans leurs directives ou dans les accords d'aide publique au développement ou d'emprunt passés avec leurs Etats membres. Malgré que La notion de « bonne gouvernance » reste équivoque258(*), l'Institut de la banque mondiale a essayé de la clarifier en la décomposant en six éléments qui servent d'ailleurs à en mesurer la qualité : la représentativité et la responsabilité, la stabilité politique et l'absence de violence, l'efficacité du gouvernement, la qualité de la réglementation, la primauté du droit et la lutte contre la corruption. Même si la démocratie n'est pas expressément citée, la représentativité en est l'un de ces traits majeurs. Le Directeur général du FMI le 16 avril 1991 en Autriche, était plus clair en déclarant: « Seule la démocratie a le pouvoir de résister aux solutions de facilité proposés dans le cadre des stratégies dites alternatives... cela vaut aussi bien pour l'Europe centrale que pour l'Afrique et pour le monde entier »259(*). La pratique de la conditionnalité exercée par ces deux institutions a permis le développement de cette notion. Ce changement d'attitude des organisations internationales, particulièrement l'ONU, révèle une évolution de l'état du droit international. Certes, les actes des organisations universelles adressés aux Etats membres260(*) ne sont, hormis les décisions du Conseil de sécurité adoptés en vertu du Chapitre VII, que des recommandations dénuées de force obligatoire. Même si dans la majorité des Chartes constitutives des organisations internationales, il n'est pas fait pas mention en quoi consiste les recommandations ou leurs effets, ils sont définies comme : « les résolutions d'un organe international adressées à un ou plusieurs destinataires qui lui sont extérieurs et impliquant une invitation à adopter un comportement déterminé, action ou abstention »261(*). De ce fait, Les Etats peuvent refuser de se soumettre aux différentes résolutions soutenant une exigence démocratique et ne commettent pas d'infraction en ne les respectant pas. Néanmoins, la valeur des recommandations des organisations internationales est intéressante à plusieurs niveaux. En premier lieu, il est admis que les recommandations peuvent être politiquement très contraignantes. Ils sont d'indéniables moyens de pression politique. Le non respect par un Etat d'une recommandation adoptée par une grande majorité ou par consensus (qui est le cas de plusieurs résolutions précité de l'ONU), l'oblige à être sur la défensive et à expliquer sa position262(*). Ensuite, l'absence de force obligatoire des recommandations, ne signifie pas qu'elles n'ont aucune portée juridique. Comme l'a déclaré la CIJ dans son Avis sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires de 1996 : « les résolutions de l'Assemblée générale, même s'il n'ont pas de force obligatoire, peuvent parfois avoir une valeur normative »263(*). Cette valeur normative peut être dégagée comme l'affirmait déjà le professeur Michel Virally « des obligations sociales » des Etats. Il s'agit des obligations qui résultent des buts et objectifs figurant dans les Actes constitutifs des organisations internationales qui ne sont pas simples déclarations d'intention, mais bien faisant partie du traité. Le traité institutionnel crée à la charge des Etats des obligations qu'ils doivent exécuter mais crée aussi des organes sociaux qui vont recevoir des compétences pour exécuter le traité. De ce fait « les rapports entre organisation et Etats ne doivent pas être réduit à des relations constitutionnelles : ils sont d'abord collaboration en vue d'atteindre des buts qui leurs sont assignés en commun »264(*). Les recommandations constituent le principal instrument de cette collaboration puisque les buts désignés par un traité ne peuvent qu'être que généraux et abstraits il faut leur donner un contenu concret de règles d'action. Ainsi on peut dégager deux principaux effets juridiques des recommandations : Tout Etat membre est tenu d'examiner la recommandation de bonne foi. Et en cas bonne application par un Etat de la recommandation d'une organisation, dont la validité matérielle et formelle n'est pas contestable, il ne pourra être tenu pour responsable pour violation d'une règle antérieur établie au sein de la dite organisation265(*). Les recommandations ont une autre valeur importante, elles contribuent à la formation de nouvelles règles du droit international et spécifiquement les règles coutumières * 252 Doc. A/43/538 * 253 Doc. A/61/817 * 254 Texte traduit : » * 255 Observation générale 25 (57) Le droit de participation aux affaires publiques, le droit de vote et le droit D'accéder, dans des conditions générales d'égalité, aux fonctions publiques (article 25), Comité des droits de l'homme, 57e session, 12 juillet 1996. * 256 Rapport publié par l'UNESCO en 2002. * 257 Rapport du Directeur général, UNESCO, doc. 167 EX/9, 21 août 2003. * 258 GHERARI (H), « Le respect de l'Etat de droit comme élement de la bonne gouvernance en droit international économique » inl'Etat de droit en droit international, SFDI, Paris, Pedone, 2009, pp. 153-155. * 259 Cité par LELART (M), « Le FMI et la démocratie », Le trimestre du monde, 1992, p. 96. * 260 On les distingue des décisions et recommandations adressées entre organes de l'organisation ou à d'autres organisations internationales, nommés« actes autonormateurs », peuvent avoir un caractère obligatoire, voir DALLIER (P), FORTEAU (M), PELLET (A), op cit., p. 407-413 * 261 VIRALLY (M), « La valeur juridique des recommandations des organisations internationales », AFDI, vol. II, 1956, pp. 66-96, p. 68. * 262 DALLIER (P), FORTEAU (M), PELLET (A), op cit., p. 416-417 * 263 Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, CIJ, Recueil 1996, p. 254. * 264 VIRALLY (M), « La valeur juridique des recommandations des organisations internationales », op cit., p. 78-80. * 265 DALLIER (P), FORTEAU (M), PELLET (A), op cit., p. 418-419 |
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