II. La tripartition de l'âme
... Je veux te faire connaître le vrai dans ton esprit
En sorte que tu fasses le juste devant toi...
Papyrus Chester Beatty IV, vers 1200 avant J.-C.
Introduction
La théorie des « fonctions tripartites
indo-européennes » thématisées par G. Dumézil
s'avère, de manière générale, un outil
censément précieux pour l'analyse que nous pouvons donner de la
littérature antique. La triade précapitoline formée de
Jupiter, Mars et Quirinus341, rend ainsi compte de cette
tripartition au sein de la religion romaine archaïque. Pour ce qui nous
intéresse, elle irrigue également et ostensiblement la
pensée grecque. Elle transparaît, comme l'ont montré les
études de J.-P. Vernant, dans le mythe de l'Âge d'or et du
déclin des races relaté par Hésiode342.
Déclin des races représentantes chacune d'une fonction
spécifique qui trouve son pendant chez Platon dans la dégradation
des régimes politiques343 L'épisode de Pâris et
de la pomme de Discorde la manifeste
341 G. Dumézil, La religion romaine archaïque,
Paris, Payot, 2000.
342 Hésiode, Les Travaux et les jours, v.
109-201, VIIIe siècle avant J.-C. J.-P. Vernant propose de ce
récit une interprétation trifonctionnelle dans son chapitre
intitulé « Le mythe hésiodique des races. Essai d'analyse
structurale », dans Mythe et pensée chez les Grecs, Paris,
Maspero, 1965, p. 13-79. Il reprend par là-même une intuition que
Dumézil exprimait déjà en 1941 dans un premier ouvrage
consacré à la triade précapitoline : « Il semble bien
que, tout comme le mythe indien correspondant, le mythe des Races, dans
Hésiode, associe à chacun des Âges, ou plutôt des
trois couples d'Âges, à travers lesquels l'humanité ne se
renouvelle que pour se dégrader, une conception fonctionnelle (religion,
guerre, labeur) des variétés de l'espèce » (G.
Dumézil, Jupiter, Mars, Quirinus. Essai sur la conception
indo-européenne de la société et sur les origines de Rome,
Paris, Gallimard, La montagne Sainte-Geneviève, 1941, p. 208-215).
Pour compléter ces analyses, nous renverrons notre lecteur à
l'article d'A. Ballabriga, « L'Invention du mythe des races en
Grèce archaïque », article en ligne dans Revue de
l'histoire des religions (RHR), n°3, Paris, 1998.
343 Le fait est que Platon s'appuie explicitement sur le mythe
hésiodique pour fonder en nature (les races sont associées
à des métaux) le régime triparti préconisé
pour la Kallipolis au troisième Livre de la
République (Platon, République, L. III,
414b-415e). Tripartition que répercute (et favorise) celle des principes
de l'âme, conformément au paradigme « macrogrammatique
», reproduisant leur harmonie et, plus encore, leur hiérarchie.
Platon se sert ainsi de la jurisprudence des cinq races hésiodiques
comme d'une légitimation mythique, comme d'un « noble mensonge
» conférant une dimension sacrée à la
disparité des conditions sociales réservées aux
différentes instances de la cité (gardiens, auxiliaires,
producteurs). Pour ce qui a trait à
109
encore plus ostensiblement. Le mythe, rapporté par
Homère, met en scène le prince d'Ilion sommé de
décider laquelle, d'Héra, d'Athéna ou d'Aphrodite, est la
plus désirable des déesses3' . Élisant
Aphrodite, Pâris élit l'amour ; renonce ainsi, en déboutant
les deux autres déesses, aux deux fonctions qui leur sont
associées : respectivement, la royauté et la victoire
guerrière. Pâris aura Hélène ; la guerre de Troie
aura bien lieu. H n'y a guère lieu de s'étonner du fait que l'on
retrouve des résurgences de cette tripartition dans les dialogues
platoniciens. Qu'il soit question de l'âme, comme dans le
Phèdre 345' ou même de la cité bien
gouvernée -- de la kallipolis évoquée dans la
République 346-, la division trifonctionnelle
paraît trouver un accueil favorable dans l'oeuvre de Platon. Plus
surprenant ceci que ce motif irrigue avec une récurrence toute
spécifique les passages égyptiens. L'Égypte n'est jamais
loin lorsque Platon parle de tripartition. Et cependant, quoi de moins
égyptiens que la tripartition ? Le schème était-il pas
censé ne s'appliquer qu'aux civilisations indo-européennes ?
Qu'a-t-elle à voir avec l'Égypte ?
Ne brûlons pas d'étapes. Accordons-nous, avant
que d'aborder cette épineuse question, quelques instants pour mieux
comprendre de quoi il retourne. Un mot d'abord sur la tripartition. Le
thème, en soi, est loin d'être inédit. Sa
thématisation est en revanche bien plus récente. Georges
Dumézil, philologue et comparatiste, devait y consacrer la plus grande
partie de son oeuvre347. Il mit en lumière, dès les
années 1930, l'existence d'un tropisme indo-européen, se
traduisant autant dans l'organisation sociale que dans les structures
narratives et dans la religion, aux panthéons de peuples aussi
variés que les Arméniens, les Celtes, les Indo-iranienns, les
populations baltes, germaniques, slaves ou latines, et bien évidemment
présent au coeur du bassin méditerranéeen. L'auteur de
Mythes et épopée appelle « trifonctionnalité
», « tripartition » ou « idéologie trifonctionnelle
» cette conception apparemment commune à ces populations
indo-européennes, qui les amène à segmenter
spontanément leur différents systèmes -- mythologique,
social, politique, etc. --, en trois groupes fonctionnels.
Précisément, le premier groupe se définit par la fonction
royale ou régalienne ; le deuxième groupe, par la fonction
guerrière ; vient en dernier ressort la fonction de production. La
fonction régalienne est investie d'une dimension sacrée qui la
dédouble, selon la figure du roi-prêtre qui ne sera pas sans nous
rappeler celle
la dégradation des systèmes politiques, chaque
système politique étant corrélatif d'une forme d'âme
humaine (idem. op. cit. L. VIII, 546d-547c), celle-ci s'inscrit dans
la vision cyclique de l'histoire, frayant depuis l'âge d'or
jusqu'à l'avènement de la tyrannie, laquelle marque
l'extrême limite de l'entropie et annonce le passage à une
nouvelle « Grande Année ». Comme l'âme se
régénère pour se réincarner
(palingénésie), le cyde recommence et dans son aube, renouvelle
la Kallipolis, soit l'Athènes archaïque mentionnée
par Critias. La fondation de l'Académie s'inscrit peut-être dans
cette optique, se donnant pour projet de former les élites à
l'avènement de cette cité qui, dès alors, n'a plus rien
d'utopique.
344 Homère, Iliade, XXIV, 26-30.
345 Platon, Phèdre, 245c sq.
346 Platon, République, L. IV, 436a-445a.
347 G. Dumézil, Mythe et
Épopée, 3 vol., Paris, Gallimard, 1995.
110
du roi-philosophe, un thème platonicien. Ces trois
classes s'articulent selon une hiérarchie portant la fonction
régalienne aux nues. Suit la fonction guerrière, puis la fonction
de production. Pour faire image, cette division se laisse apercevoir dans les
trois ordres de l'Ancien Régime : « ceux qui prient »
(oratores), « ceux qui combattent » (bellatores), «
ceux qui travaillent » (laboratores)348. Le
tournant révolutionnaire et la dissolution consécutive des ordres
en 1789 est l'événement qui par ailleurs, pour Dumézil,
met fin à l'efficace de ce modèle explicatif
Problématique
Que la tripartition se retrouve chez les Grecs, dont
acte349 Il s'agit après tout, aux dires de Dumézil,
d'un schème indo-européen. On pourrait alors objecter à
notre démarche qu'il serait inutile d'en rechercher des traces dans la
pensée d'Égypte qui elle, n'y serait pas sensible. Remarque
légitime et fort embarrassante. A tout le moins, de prima facie ;
mais qu'il y ait lieu de nuancer pour au moins deux raisons. Posons, en
premier lieu, que l'inadéquation du paradigme triparti semble en effet
être une réalité pour la plus longue période de
l'histoire égyptienne. Or, il s'agit, au préalable, de bien
cerner de quelle Égypte il est question. L'Égypte de Platon est
une Égypte héllénisée350, fortement
imprégnée de culture grecque. Philippe Derchain, dans son
étude sur Les impondérables de l'hellénisation
351, a suffisamment montré combien l'univers culturel
égyptien de cette époque avait été
profondément bouleversé et influencé au fil des
siècles de fréquentation avec les Grecs. L'Égypte dont
nous entendons traiter à de ce fait subi une puissante influence
indo-européenne, notamment à la suite de la politique
philhellène des pharaons saïtes et des dominations perses de 525
à 404 avant J.-C. 11 n'est guère surprenant,
dans de telles conditions, d'y retrouver des tropes « occidentaux ».
Il se pourrait, en second lieu, que la tripartition présente dans les
textes égyptiens (et en particulier les plus anciens, antérieurs
à ces influences) n'ait aucun lien, aucun rapport avec
l'idéologie trifonctionnelle indo-européennes. A supposer que
Platon se soit forgé l'idée d'une tripartition de l'âme en
contact avec des documents égyptiens (ce qui reste à
démontrer), deux possibilités s'offrent dès lors à
nous, entre lesquelles nous ne pouvons pas trancher : soit la tripartition de
l'âme est bien dès l'origine une doctrine égyptienne
indépendante du schème global de la tripartition ; soit il s'agit
d'une acculturation
348 Typologie empruntée à la théorie des
ordines formulée par Adalbéron de Laon au coeur du XIe
siècle (cf. Carmen ad Rotbertum regem. Poème au roi Robert),
revisitée par Gérard de Cambrai (cf. Les trois ordres ou
l'imaginaire du féodalisme) à travers le prisme de la
Cité de Dieu de saint Augustin.
349 De nombreuses autres instanciations du schème de la
tripartition sociale ont été colligées par Y. Atsuhiko
dans « Survivances de la tripartition fonctionnelle en Grèce
», publié dans la Revue de l'histoire des religions, RHR
3, tome 166 n°1, 1964, p. 21-38.
350 Cf. supra, Chapitre I : Le voyage de
Platon.
351 Ph. Derchain, Les impondérables de
l'hellénisation, Turnhout, Brepols, Monographies Reine Elisabeth,
2000.
111
de la tripartition générique des Grecs que
l'Égypte aurait appliquée à l'âme, en sorte que
Platon puisse ensuite se l'approprier sous cette modalité à la
faveur de son voyage.
Méthode et corpus
Pour peu que l'on s'y penche, le thème de la
tripartition se dote dans les dialogues d'une dimension à la fois
politique et spirituelle. 11 s'agit moins, en vérité, de
dimensions que de niveaux, de stratification. Car l'âme de la cité
reflète l'âme de l'individu constitutif de cette cité.
Ainsi, l'ordonnancement des trois principes en l'âme influe sur celle des
trois principes en la cité. L'homme gouverné par sa raison
trouvera sa place dans une cité administrée par la classe
dépositaire du principe rationnel. Réciproquement, la cité
gouvernée par la raison engendrera par ses institutions d'autres
individus dont l'âme est dominée par le logistikon. Le
régime politique est donc pleinement comptable du caractère de
l'homme de la polis ; et l'homme de la polis, des lois qui le
voient naître. Que l'homme soit dominé par son désir, son
appétit de richesse, et la cité sera ploutocratique. Qu'il
s'abandonne à ses passions, qu'il se laisse dévorer par elles, et
c'est la même manière de tyrannie qui sévit en son
âme qui s'imposera à la cité. Ainsi du reste. C'est assez
dire que la tripartition est un schème transversal, et qu'elle
s'applique non pas de manière incidente, mais bien plutôt
déterminante, autant à l'âme qu'à la cité. Le
tout qu'est la cité répercute l'âme de la partie. La partie
qu'est l'individu doit sa conduite morale au tout qu'est la cité. La
figure est fractale. Holographique.
11 s'agira, dans ce chapitre, d'examiner les passages
égyptiens pour escompter comprendre comment s'y articulent ces deux
aspects -- individuel et collectif, de l'idéologie trifonctionnelle. Ces
occurrences seront mises en regard avec le corpus égyptien des textes
funéraires et des enseignements. Une telle démarche, conforme
à la méthode que nous nous sommes fixée, devrait permettre
d'apercevoir s'il y a des rapprochements possibles entre les deux corpus. Ces
rapprochements, s'ils existaient, nous procureraient un argument de poids
à reverser au dossier de « l'Égypte pour disposer à
Platon ». Sans rien en divulguer pour le moment, nous pourrons constater
que la tripartition dans l'âme trouve des antécédents
troublant dans les textes égyptiens. Et qu'il y a peut-être
davantage qu'un procédé de rhétorique à rechercher
dans l'assignation par Platon d'une tripartition politique à
l'Égypte saïte, de même qu'à l'Atlantide et à
l'Athènes passée, c'est-à-dire avenir. 11 y aura lieu de
resserrer le champ de notre enquête au quatre dialogues essentiels en la
matière que sont le Gorgias, le Phèdre, la
République et le Critias. Est-ce à
Égypte qu'il nous faille attribuer les premières origines de la
tripartition ? Une telle question peut sembler abyssale ; aussi ne
saurions-nous que dégager quelques pistes de réponse. Nous ne
récoltons que des indices ; et les indices ne suffisent pas à
faire des
112
preuves. L'esprit doit s'éveiller à la critique.
Flaubert, qui, lui, en savait quelque chose, ne disait-il pas de la
bêtise qu'elle consiste à vouloir conclure ?
A) La piste grecque
Nous avons suggéré que le Gorgias
pourrait avoir été écrit durant ou au retour des
grandes pérégrinations de Platon ; en d'autres termes, de son
séjour d'Égypte. 11 ne serait pas déraisonnable de penser
qu'il ait laissé par conséquent percer des influences de doctrine
égyptienne. Le jugement eschatologique décrit à la fin du
dialogue pourrait en être un témoignage flagrant. Mais le
Gorgias fait également valoir un motif qui reparaîtra de
manière récurrente dans la production ultérieure de
Platon. Ce motif est celui de la tripartition.
Tripartition selon Platon
a. Le Gorgias
Platon fait en effet état dès le Gorgias
d'une partition de l'âme. Faute de s'appesantir sur ce qui deviendra
la partie rationnelle (logistikon) et la partie irascible
(thumos), il décrit la partie concupiscible
(épithumetikon) de cette âme à la fois tyrannique,
excessive et insatiable :
Et il est possible que réellement nous soyons
morts, comme je l'ai entendu dire à un savant homme [probablement
Philolaos], qui prétendait que notre vie actuelle est une mort, que
notre corps est un tombeau et que cette partie de l'âme où
résident les passions est de nature à changer de sentiment et
à passer d'une extrémité à l'autre. Cette
même partie de l'âme, un spirituel auteur de mythes, un Sicilien,
je crois, ou un Italien, jouant sur les mots, l'a appelée
tonneau352, à cause de sa docilité et de sa
crédulité ; il a appelé de même les insensés
non initiés et cette partie de leur âme où sont les
passions, partie déréglée, incapable de rien garder, il
l'a assimilée à un tonneau percé, à cause de sa
nature insatiable 353
352 La rigueur exigerait que l'on parlât de vases
plutôt que de tonneaux. Le mot Ili oç, « pitos »
renvoie à une sorte de cruche naguère utilisée comme
symbole de beauté et de passion (cf. J. Bertrand, Vocabulaire grec : Du
mot à la pensée, Paris, Ellipses, 2008). Un vice de traduction
serait à l'origine du glissement sémantique, ayant conduit
à attribuer aux Grecs une invention gauloise (selon la Guerre des Gaules
de Jules César). Même contresens dans l'imaginaire populaire
concernant l'habitat écologique de Diogène de Sinope.
353 Platon, Gorgias, 492b.
113
Outre l'existence d'une partie de l'âme responsable du
désir, Platon suggère dans ce passage deux éléments
qui peuvent retenir notre attention. En premier lieu, l'auteur fait cas de la
possibilité d'une vie après la mort. H dit rapporter par
ouï-dire cette conception qu'il tient d'un « savant homme ». On
peut penser qu'il s'agit de Philolaos, un pythagoricien de ses amis. Routh
mentionne ainsi un passage de Théodoret354, où cette
pensée lui est attribuée. Sextus, en revanche, l'attribue
à Héraclite d'Éphèse355 tout comme
Clément d'Alexandrie356, la rapportant aussi à
Pythagore. Rien n'interdit cependant de songer qu'il pourrait également
s'agir d'un officiant rencontré en Égypte. L'existence
sublimée après la mort ; mieux : le corps terrestre perçu
comme un tombeau sont autant d'éléments qui se retrouvent,
mutatis mutandis, dans les sagesses égyptiennes.
Précisément, en affirmant que cette vie est une
mort ; en dissociant l'âme (le contenu) du corps (le tombeau), Platon
envisage ensuite implicitement la possibilité d'une existence de
l'âme séparée de son corps. Or, nous savons que les
Égyptiens anciens avaient grand soin de distinguer le corps physique --
le djet, ou sab, appelé à être
momifié après la mort sous peine de devenir khat,
dépouille déliquescente --, du bâ,
improprement rendu par « âme » (psychê). Le
bâ constitue l'hypostase de l'âme en tant que
séparée du corps. Il est ce principe spirituel
représenté sous la forme d'un oiseau (ibis ou faucon) à
tête humaine qui n'apparaît pour prendre son envol qu'après
la mort. Manière de double éthéré du défunt,
le bâ, désormais affranchi du corps, peut circuler
auprès des immortels comme auprès des mortels afm
d'intercéder en leur faveur ou en leur défaveur357.
Toutefois, et à la différence de chez Platon, bien qu'affranchi
« substantiellement parlant » de sa prison de chaire, le
bâ, pour demeurer -- « avoir demeure » --, doit
néanmoins disposer de ce corps sublimé, du djet, comme
d'un vestige lui assurant et sa péréxistence, et son
identité ; comme d'un intermédiaire -- une « porte » --
entre le monde des morts (des immortels) et celui des vivants. Le djet
est ainsi au défunt que les statues hiératiques ou effigies
sont aux dieux égyptiens. C'est à ce djet (ou à
ces effigies) que les offrandes sont consacrées. Le djet, en
son tombeau, est la retraite du bâ : « Tu montes, tu
descends [...], tu glisses, comme ton coeur le désire, tu sors de ton
tombeau chaque matin, tu y rentres chaque soir », lit-on dans le Livre
des morts 358. Le djet et le bâ,
l'enveloppe charnelle et le principe divin, pour ressortir à deux
réalités ou substances différentes, n'en sont pas moins
indissolublement liés. Outre sa capacité à adopter chacune
des « formes » du créateur (les dieux, les animaux, les
éléments) avec lequel il fusionne de nouveau -- « formes
» du créateur qui sont l'équivalent analogique des noms
354 Théodoret de Cyr, Thérapeutique des
maladies helléniques, LXXXIII, 941.
355 Sextus Empiricus, Adversus Mathematicos. Contre les
savants, L. III : Contre les géomètres, 24.
356 Clément d'Alexandrie, Stromates, L. III,
V.
357 Cf. J. Assmann, Mort et au-delà dans
l'Égypte ancienne, Paris, Champollion, Éditions du Rocher,
2003, p. 142-169.
358 Livre des morts, chap. LXXXII-XCII, CXCI, trad. P.
Barguet.
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de Dieu » dans la théologie chrétienne --,
cette propriété du bel à regagner son djet
à la tombée du soir pourrait au demeurant avoir
été l'un des éléments à l'origine du
contresens commis par les voyageurs Grecs qui voyaient dans les
Égyptiens les premiers adeptes de la métempsycose.
Cette différenciation de l'âme et du cadavre
était, en tout état de cause, un élément
fondamental de la métaphysique pharaonique. Bien plus ancien
peut-être que celle qui allait être faite en Grèce par le
truchement des poètes homériques359 Une distinction
qui se retrouverait encore au fondement du « chamanisme grec » et
(par imprégnation ?) dans les croyances orphiques360 et dans
l'anthropologie métaphysique des courants pythagoricien. Une distinction
que Platon ne laissait pas de commenter et qui, par conséquent, ne
manquait pas de sources.
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