Platon, l'Egypte et la question de l'à¢me( Télécharger le fichier original )par Frédéric Mathieu Université Montpellier III - Paul Valéry - Master I de philosophie 2013 |
b. NaucratisLa référence à Naucratis apparaît dans le Phèdre 279, et nous avons déjà entrepris de la commenter. Nous avons exploré toute la fécondité d'une traduction qui serait la suivante : «voilà, aux environs de Naucratis d'Égypte, j 'ai entendu dire qu'il y avait un ancien dieu... ». Moyennant quelques variantes auxquelles nous souscrirons, reste ce fait que Platon, chaque fois, ne localise la ville de Theuth que par rapport à Naucratis. Cette dernière ville était, comme nous l'avons rappelé, un 275 A. H. Gardiner, Ancient Egyptian Onomastica, t. II, Oxford, Oxford University Press, 1947, p. 197. 276 Strabon, Géographie, L. XVII, 1, 22. 277 Platon, Philèbe, 18b. 278 J. McEvoy, « Platon et la sagesse de l'Égypte », article en ligne extrait de Kernos n°6, Varia, 1993. 279 Platon, Phèdre, 247c. 90 véritable comptoir, un carrefour culturel et une plate-forme à la fois touristique et commerciale depuis sa cession diplomatique aux Grecs par Amasis. Sur le marché de Naucratis s'échangeaient céramiques, vins, huile et métaux rares venus de toute la Grèce contre des contingents de papyrus, de lin, de blé et de denrées locales, trésors du Nil. Naucratis allait rester, pour toute l'époque saïte, le plus vaste complexe maritime et portuaire égyptien libre d'accès aux étrangers. A telle enseigne que c'est à Naucratis principalement qu'arrivaient la majorité des Grecs souhaitant se rendre en Égypte280. Si donc par impossible, Platon ne devait avoir fréquenté qu'une seule et unique ville au cours de son périple en terre des pharaons, le port de Naucratis serait le candidat tout désigné. c. SaïsLa troisième ville égyptienne citée par Platon sert de décor aux entretiens de Solon, rapportée par Critias le jeune au début du Timée : «En Égypte, dit Critias, dans le Delta formé par le Nil qui, se divisant au sommet du triangle, l'enveloppe de ses bras, on trouve le nome saïtique dont la plus grande ville, Sais, est la patrie du roi Amasis. Les habitants ont pour protectrice de leur ville une déesse dont le nom égyptien est Neïth, et qui, suivant eux, est la même que l'Athéna des Grecs. Ils aiment beaucoup les Athéniens, et ils se disent de la même origine »281. L'on notera tout d'abord la précision avec laquelle Platon localise géographiquement la cité de Sais ainsi, et, à l'instar de ce qu'il en était pour Theuth, le fait qu'il réfère nommément à l'appellation égyptienne de la divinité poliade. La précision toponymique interpelle effectivement dans le contexte d'un récit à portée rhétorique. Quant à l'usage des onomata locaux, il semble bien trahir une connaissance directe de Sais. Or, il se trouve que nous est parvenue, datée du IIIe siècle avant notre ère, une lettre fictive d'un auteur pseudo-socratique adressée à Platon. Ce genre de lettre constituait très probablement un exercice d'école, comme nous l'apprend J. Souilhé dans sa volumineuse compilation282 ; son contenu n'en est pas moins à prendre en considération. En l'occurrence, cette lettre, la 28e des Epistolographi graeci tient pour choses établies cette escale de Platon à Saïs : « à leur retour d'Égypte, des gens honorables nous ont rapporté qu'après avoir visité l'Égypte entière, tu séjournais à présent dans le nome appelé saïte »283. Ce troisième élément, s'il n'apporte aucune certitude, contribue néanmoins de manière significative à corroborer 280 Cf. A. Bresson, « Rhodes, l'Hellénion et le statut de Naucratis », dans Dialogues d'histoire ancienne (DHA), n°6, Paris, 1980, p. 291-349. 281 Platon, Timée, 21e. 282 Platon, Oeuvres complètes, L. XIII, part. 1, éd. et trad. J. Lhé, Paris, Les Belles Lettres, Universités de France, 1926, p. 18. 283 Epistolographi Graeci. Recensuit, recognovit adnotatione critica et indicibus instruxit, Lettre 28, éd. et trad. R. Hercher, J.-Fr. Boissonade, A. Westermann, Paris, Didot, 1871, p. 627. 91 notre hypothèse selon laquelle Platon a bel et bien sillonné cette cité, a même enseigne que les deux autres qu'il cite dans ses dialogues. |
|