c. L'itinéraire du voyage en Égypte
Reste à savoir si la durée du séjour de
Platon en Égypte lui laissait suffisamment de temps pour recueillir
toutes les informations qu'il désirait, pour rencontrer
d'éventuels maîtres égyptiens et pénétrer les
arcanes de la sagesse égyptienne.
À cette question pratique, K. Müller et F.
Dübner, dans Strabonis Geographica 250,
répondent en extrapolant d'un épitomé de
Strabon251 qu'il aurait demeuré trois années
complètes à Héliopolis. Un autre épitomé de
Paris fait valoir treize années, à l'instar des manuscrits
(« triskaideka »). Comment s'explique un tel écart ?
Ils se feraient, pour les auteurs, qu'un moine copiste ayant jugé que
trois années n'étaient pas suffisantes pour que les officiants
d'Égypte communiquent leurs secrets à Platon, il aurait
recopié une durée fallacieuse, en sorte que son erreur se trouve
répercutée dans les manuscrits ultérieurs. Cette variation
par rapport à l'original a bien été relevée par G.
Kramer à l'occasion de sa propre édition critique de l'oeuvre de
Strabon252. H existe également une autre explication qui
tient à la durée totale des voyages de Platon. Th. Gomperz, dans
son étude sur Les penseurs de la Grèce, relève
que treize années se sont effectivement passées entre la mort de
Socrate en 399 et en 387, la fondation de l'Académie. L'auteur aurait
donc attribué abusivement ces treize années au seul séjour
de Platon en
25° K. Müller, F. Eübner, Strabonis Geographica, :
graece cum versione reficta, 2 vol. Didot, Paris, 1853, p. 685 et notes
critiques p. 1041.
251 Strabon, Epit. Palat., dans Géographie, L.
XVII, 29, c 807.
252 Strabon, Géographie, dans OEuvres de
Strabon, t. III, (éd.) G. Kramer, Berlin, 1852, p. 376,1.25 et
notes.
83
Égypte253. Une telle durée,
qu'elle soit de trois ou de treize ans, apparaissait suffisamment longue pour
qu'une partie de la tradition antique relègue à la
dernière période des pérégrinations de Platon son
séjour en Égypte254. S'il est risqué d'avancer
plus précisément la date exacte de ce voyage, nous savons
néanmoins, grâce aux travaux de E. des Places255 que
Platon est resté à Mégare jusqu'en -396 ; ayant par suite
séjourné quelque temps à Cyrène ainsi qu'en Italie
du Sud, la vraisemblance voudrait qu'il n'arrivât pas en Égypte
avant au moins -394. Ce chiffre liminaire avait déjà
été arrêté par A. de Gutschmid256. Fr.
Daumas majore cette date d'un an supplémentaire, pour la fixer à
-395. En compulsant plus largement les informations anciennes dont nous
disposons avec ces différentes enquêtes chronologiques, nous
obtenons que la durée du voyage en Égypte s'étendrait dans
l'intervalle entre 395 et 392.
Un intervalle qui coïncide avec les règnes
du deuxième et troisième pharaon de la XXIXe dynastie.
Précisément, c'est en 392-393 que se situe l'intronisation du
pharaon Achôris ; date à laquelle Platon se trouvait donc encore
en Égypte. Cela posé, il se trouve dans le Politique une
virulente critique du régime égyptien. Platon déplore que
les devins et prêtres soient à l'égal de l'homme royal :
ils tirent bien trop d'orgueil de leur fonction. L'auteur ne dénie pas
leur importance, une importance qui tient d'abord à leur rôle de
médiation entre l'homme et les dieux ; mais cette fonction ne doit pas
prendre le pas sur celle du pouvoir politique. Elle en est un augment. Un
« adjuvant » propose Brisson257. Aussi, dans
l'idéologie trifonctionnelle mise en lumière par Dumézil
la fonction religieuse dédouble la fonction régalienne et lui
demeure subordonnée. L'avènement d'Achôris, contemporain de
Platon, éclaire sous un tout autre jour cette réflexion du
Politique. Il se pourrait effectivement que ce soit à cet
événement de l'histoire égyptienne que l'auteur se
réfère lorsqu'il écrit qu'« en Égypte, un roi
ne peut commander sans dignité sacerdotale et par conséquent,
s'il arrive qu'il se soit élevé par la force en venant d'une
autre caste, il sera finalement obligé de se rallier à cette
dernière »258. Phrase à laquelle Ch. Froidefond
consacre une analyse plus détaillée dans son
ouvrage259. Nous ne prétendrons pas la restituer
intégralement ; seulement rappeler d'une part que l'onction sacerdotale
était effectivement prescrite depuis la fin de l'époque ramesside
; de l'autre préciser qu'Achôris n'était effectivement pas
l'héritier légitime du pharaon précédent,
Néphéritès.
253 T. Gomperz, op. cit., t. II, p. 269 et note
1.
254 U. von Wilamowitz-Moellendorff, op. cit., p.
82-83.
255 E. des Places, Pindare et Platon, Paris, Beauchesne,
Philosophie, 1997, p. 17.
256 H. A. von de Gutschmid, « Les premiers
établissements des Grecs en Égypte », dans Mémoires
publiés par les membres de la mission archéologique
française au Caire, Le Caire, 1924, p. 687 sq.
257 L. Brisson, « L'Égypte de Platon
», dans Lectures de Platon, Paris, Vrin, Bibliothèque
d'Histoire de la Philosophie, 2000.
258 Platon, Politique, 290d-e.
259 C. Froidefond, op.cit., p. 303.
84
L'onomastique fournit ici encore une indication
précieuse quant aux origines relativement « modestes » du
personnage260. Il venait donc effectivement « d'une autre caste
» que celle des prêtres. Or, le pharaon était le premier
élément du haut clergé égyptien. Platon a bien
perçu cette hiérarchie.
Rigoureusement parlant, le pharaon est prêtre et
même le seul véritable prêtre ; les autres membres du
clergé ne sont que « ritualistes » ou « officiants »
: ils entretiennent le culte. Si l'emploi du mot prêtre est courant pour
désigner les Égyptiens de l'Antiquité qui oeuvraient aux
services des dieux, il peut être trompeur tant leur fonction était
éloignée de celle, bien ancrée dans la culture
occidentale, des prêtres catholiques. C'est par délégation
qu'ils accomplissent les rites dans les divers sanctuaires d'Égypte.
Pharaon est le seul intermédiaire entre les divinités et les
mortels. Le maintien de l'ordre social et cosmique exigeant des cultes
journaliers à travers toute l'Égypte, le pharaon ne peut en
assurer seul l'exécution matérielle. C'est là le
rôle fondamental du prêtre : suppléer Pharaon dans
l'exécution des rites quotidiens261. Le pharaon lui seul --
en tant que dieu -- est en mesure de communiquer avec les dieux. Les
études d'égyptologie intéressée à cette
période suggèrent que contrairement à son
prédécesseur, Achôris n'aurait pas été
soutenu par le pouvoir sacerdotal et a dû s'imposer par la force. Les
données archéologiques recoupent ici précisément
les indications données par Platon. Les dates autant que les faits. Et
il serait loisible d'en conclure que Platon a effectivement été
témoin des troubles occasionnés par la succession de
Néphéritès ; que donc l'enseignement qu'il tire de ce
passage se fonde sur une réalité historique. Il se pourrait par
conséquent que nous tenions ici une autre attestation de la date du
séjour, a fortiori, de l'authenticité du voyage de
Platon en Égypte.
Le tour d'Égypte
Supposons donc authentique, pour les besoins de la
démonstration, le périple égyptien de Platon. Nous avons
essayé précédemment de retracer l'itinéraire des
grandes pérégrinations du philosophe. Nous avons tenté de
situer, dans l'économie de ses voyages d'études, la place
occupée par l'Égypte. Demeure un point aveugle : celui des
différentes escales qu'y auraient fait Platon. Quelle fut
l'itinéraire de Platon en Égypte ? Quelle ville aura-t-il
visité ? Quels monuments ; quels temple ; quelles « maisons de vie
» rattachées à ces villes aura-t-il arpenté ?
Qu'aurait-il pu voir et recevoir de l'Égypte susceptible d'avoir
infléchi sa pensée et de se retrouver dans ses dialogues ?
260 Cf. G. Posener, « Hakoris. An Egyptian noble man and
his family », dans Revue d'Égyptologie (RDE) n°21,
Paris, Peeters, 1969, p. 148-150 et l'article « Hakoris » de H. de
Meulenaere, dans H. W. Helck (éd.), Lexikon derAgyptologie (LdA),
vol. II, 1997, p. 931 sq.
261 S. Sauneron, Les prêtres de l'ancienne
Égypte, Paris, Seuil, Points Histoire, 1998.
85
Nous manquons cruellement d'informations à même
de nous permettre de détailler ses différentes stations. Les
éléments précis qui pourraient indiquer les villes
où s'est rendu Platon sont relativement rares et clairsemées. Au
vrai, loin de figurer dans les biographies les témoignages d'autres
auteurs, les meilleurs renseignements que nous pouvons trouver se situent
déjà dans les dialogues, et nous aurons maintes occasions de nous
en rendre compte. Pour l'essentiel, le plus probable est que Platon ait d'abord
séjourné à Naucratis, sur la branche canopique. H suivait
en cela les traces de ses prédécesseurs illustres. Solon, ainsi
que le mentionne Plutarque dans la biographie qui lui dédie, « se
rendit d'abord en Égypte et séjourna, comme il le dit
lui-même, près des bouches du Nil, aux rives de Canope
»262. De même pour Hérodote, comme le
démontre C. Sourdille dans un ouvrage qu'elle consacre à
l'intéressé263. Situé dans la région
nord-occidentale du delta, ce port était effectivement, comme nous
l'avons vu, l'ancrage idéal pour accueillir et décharger les
navires de fret en provenance et à destination de la
Grèce264. Platon pouvait en cet endroit échanger ses
victuailles -- ces amphores d'huile -- contre de la monnaie locale et se
procurer un guide parmi les nombreux Égyptiens bilingues.
Sa première destination aurait alors été,
selon Fr. Daumas, Hermopolis (parva) où l'on rendait culte au dieu Thot,
assimilé à Hermès, que Platon appelle « Theuth »
dans son dialogue du Phèdre, conformément à la
prononciation égyptienne. H aurait ensuite poursuivi vers Saïs ;
Sais qui sert de décor, rappelons-le, au entretiens de
Solon265. Saïs, qui est encore la ville jumelle
d'Athènes, et dont la
262 Plutarque, Vies parallèles des hommes
illustres, t. I : Vie de Solon, 26,1. Un témoignage
à prendre avec circonspection. En dépit de son attestation aussi
bien chez Plutarque, que chez Hérodote et chez Platon (bien qu'au
détour d'un mythe), le voyage de Solon reste un dossier des plus
controversés. Il se pourrait qu'en dernier ressort, l'auteur du
Timée n'ait jamais fait que « pasticher » le fragment
d'Hérodote mettant en scène les entretiens de Solon au temple de
Saïs, et que Plutarque ait pour sa part repris cet épisode, tablant
sur la bonne foi de ses prédécesseurs. Ce qui nous amène
à reculer d'un pas, et à nous demander si tout dans
Hérodote peut être admis pour véridique. Comme l'affirmait
Dumas, espiègle, on peut violer l'Histoire, si c'est pour engendrer de
beaux enfants...
263 C. Sourdille, La durée et l'étendue du
voyage d'Hérodote en Égypte, thèse
présentée à la faculté de lettres de
l'université de Paris, Paris, E. Leroux, 1910)
264 P. Montet, Géographie de l'Égypte
ancienne, part. I : « To-mehou, la Basse Égypte », Paris,
C. Klincksieck, 1957.
265 Platon, Timée, 21a-27a. Au lendemain des
événements relatés dans la République,
cependant même que s'ouvrent dans la cité d'Athènes
des festivités publiques en l'honneur de la déesse poliade,
Critias, ayant rejoint Socrate, lui dit s'être remémoré une
vieille histoire qu'il tient de son aïeul. Critias l'Ancien -- son
ancêtre homonyme -- aurait pris occasion d'un jour de
célébration semblable à celui-ci, la fête des
Apaturies (aussi dédiées à Athéna), pour lui faire
le récit du voyage entrepris par le législateur Solon en terre
des pharaons. Solon se serait entretenu sur place avec un officiant du
clergé de Saïs, ville particulièrement «
athénophile » et dont le temple est supposé abriter en son
sein la mémoire oubliée de l'Athènes archaïque.
Athènes en son âge d'or, semblable par ses institutions à
la Kallipolis que Socrate évoquait la veille, et dont l'Athènes
contemporaine serait une manière d'héritière.
Athènes de 9000 ans son aînée, dont seuls demeurent les
traces écrites authentifiant la transmission orale qu'en
perpétuent les prêtres. Une Athènes héroïque
enfin, ayant fait la démonstration de ses vertus guerrières au
détriment de l'impérialisme des
86
divinité majeure est Neith, assimilée à
Athéna266. Avant de se rendre à Memphis, il aurait
séjourné longuement à Héliopolis. Le choix
d'Héliopolis comme lieu de résidence s'explique par sa
réputation de grand centre culturel et religieux. Réputation
largement méritée. Il faut à cet égard se garder
des commentaires déçus que Strabon, quatre siècles
après Platon, fait de la science héliopolitaine, dont il ne
relève plus que le génie architectura1267.
Réputation de capitale spirituelle par excellence, largement
relayée par Hérodote268 au Livre II de son
Enquête : les Héliopolitains sont en effet, selon ses
dires, « les plus avant des Égyptiens »269. La
question du séjour de Platon à Héliopolis a inspiré
plus récemment un ouvrage fondateur de R. Godel, intitulé
Platon à Héliopolis d'Égypte 270, dans
lequel l'auteur ne fait aucun mystère de sa conviction concernant
l'authenticité de la présence du philosophe en une cité
dépositaire d'un savoir plurimillénaire.
Retenons de tout ce qui précède que Platon soit
arrivé en Égypte par la bouche canopique, qu'il ait
débarqué au port de Naucratis et qu'il ait poursuivi sa route en
remontant le Nil pour se fixer à Héliopolis. Traçons cet
axe sur une cartographie de l'Égypte telle qu'elle se présentait
alors.
Atlantes ; Athènes archétypique, en somme,
très éloignée de l'Athènes flegmatique ayant, il
n'y avait pas longtemps de cela, été forcée de s'incliner
devant la puissance militaire de Sparte. Sur la question controversée de
l'identité de Critias et ses implications, voir aussi J. Labarbe, «
Quel Critias dans le Timée et le Critias de Platon ? », dans
Sacras Erudirn, n°31, 1989-1990, p. 239-255. Sur les
différentes strates (Platon, Critias le Jeune, Critias l'Ancien, Solon,
le prêtre de Saïs, la tradition orale, des documents écrits)
participant à la mise en abîme du récit de l'Atlantide ;
sur le parallélisme entre les Apatouries se déroulant -- ou se
télescopant -- aux différentes époques d'Athènes ;
sur l'éventuelle identification de l'Athènes archaïque
à la Kallipolis ; enfin, sur les similitudes entre les institutions de
Saïs et celles de la République, cf. T. H. Martin,
Études sur le Timée de Platon, t. 1, Paris, Ladrange,
1841 ; en part. Dote n°13, p. 257-333. Quant à la thématique
brûlante de l'Atlantide, contentons-nous d'extraire d'une bibliographie
censément foisonnante les éclairantes contributions de J.-Fr.
Mattéi, « Le mythe de l'Atlantide », dans Platon et le
miroir du mythe. De l'âge d'or à l'Atlantide, Paris, PUF
Quadrige, 2002 et de P. Vidal-Naquet, « L'Atlantide et les Nations »,
dans La Démocratie grecque vue d'ailleurs Paris,
Champs-Flammarion, 1990, p. 140 sq.
266 Pour ce qui relève de l'identification de la
déesse Neith à Athéna (Platon, Timée, 21e)
et du jumelage des villes de Saïs et d'Athènes, cf. l'article
« Neith » de A. Rush, dans Revue d'égyptologie (RE),
vol. XVI, 2, Paris, Peeters, 1935, 2205-2206, l'étude de J. Vandier,
H.-C. Puech et R. Dussaud, Les anciennes religions orientales t. I :
« La religion égyptienne », Paris, Presses
Universitaires de France, 1949, p. 16, 19, 25, 164, ainsi que les notes
n°4 et 5, de T. H. Martin, op. cit., p. 248-251.
267 Strabon, Géographie, L. XVII, 1, 29.
268 Pour un exposé plus détaillé du
séjour d'Hérodote à Héliopolis d'Égypte, se
reporter au commentaire de A. B. Lloyd figurant dans son édition du
Livre II, A. B. Lloyd, Herodotus Book IL Leyde, 1976, p. 16 sq.
269 Hérodote, L'Enquête, L. II, 3.
27° R. Godel, Platon à
Héliopolis d'Egypte, Paris, Les Belles Lettres, 1956.
87
Le delta du Nil durant la Basse Époque 271
~auche
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L AC )" Ta ti l2que
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CAN~PE
L ACl D DKOU
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LACS
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MENZALEH
Vçiermoçygis SEBENNYTOS
A15 MENDES
NAUCRATIS
5'km
F H
NMEMPHIS
HELIOPOLIS
H apparaît à la lumière de ce parcours que
les trois villes égyptiennes citées dans les dialogues de Platon
-- « cité de Theuth » (Hermopolis parva), Saïs et
Naucratis -- sont toutes les trois situées de part et d'autre du chemin
reliant Thônis-Héracléion (la future Canope), à
Héliopolis. Thônis, le point d'entrée ; Héliopolis,
le point d'arrivée. En d'autres termes, les trois villes
convoquées dans les dialogues sont également des villes que
Platon lui-même est hautement susceptible d'avoir visitées.
Prenons les choses par l'autre bout : trois des villes que Platon est hautement
susceptible d'avoir visitées se trouvent nommément citées
dans ses dialogues. Disons encore : la convergence entre, d'une part, les
témoignages laissant entendre que Platon serait entré en
Égypte par la bouche canopique pour atteindre Héliopolis et,
d'autre part, le fait que les trois villes citées dans ses dialogues se
soient trouvées sur cet itinéraire ; cette convergence nous
paraît trop parfaite pour relever d'une simple
271 Cartographie reprise et adaptée de B. Mathieu, «
Le voyage de Platon en Égypte », dans Annales du Service des
Antiquités de l'Égypte (ASAE) 71, t. LXXI, Le Caire, 1987,
p. 153-167.
88
coïncidence. Arrêtons-nous quelques instants sur
chacune de ces villes et lisons ce que nous en dit Platon.
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