WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Platon, l'Egypte et la question de l'à¢me

( Télécharger le fichier original )
par Frédéric Mathieu
Université Montpellier III - Paul Valéry - Master I de philosophie 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

b. Le tour de Méditerranée

Une difficulté surgit immédiatement lorsque l'on tente de retracer l'itinéraire des grandes pérégrinations de Platon. Moins au sujet des lieux visités que sur l'ordre de visite de ces différents lieux. Les témoignages anciens évoquent tantôt, après Mégare et Cyrène, la Grande Grèce puis l'Égypte, tantôt l'inverse, autrement dit l'Égypte puis la Grande Grèce. Quels témoignages sont les plus vraisemblables ? Il convient pour en décider de critiquer leurs sources. Trois sources en l'occurrence, évoquent une escale en Italie du Sud qui aurait précédé le départ pour l'Égypte : il s'agit de Quintilien, de Diogène Laërte et d'Olympiodore. Le témoignage de Quintilien figure dans ses Inst. Orat., et précise dans le texte : « Non contentus disciplinis, quas praestare poterant Athenae, non pythagorum, ad quos in Italiam navigaverat, Aegypti quoque sacerdotes adiit atque eorum arcana perdidicit »237. Il semble manifeste que Quintilien ici recherchait un effet de gradation ; à telle enseigne qu'il faudrait considérer l'ordre évoqué davantage comme un tour de rhétorique plutôt que

234 D. Mallet, « Les rapports des Grecs avec l'Égypte », dans Mémoires publiés par les membres de l'institut français d'archéologie orientale du Caire (IFAO), n°48, Le Caire, 1922, p. 147, et idem, « Les premiers établissements grecs en Égypte », dans op. cit., n°12, Le Caire, 1893.

233 D. Mallet, op. cit., p. 131.

236 Reprise par C. Froidefond, dans Le mirage égyptien, Montpellier, Ophrys, Puf Provence, 1971, p. 306.

237 Quintilien, De institution oratoria. De l'institution oratoire, L. I, 12, 15.

80

comme un fait établi, comme un renseignement chronologique. Que le souci de Quintilien ne soit pas d'abord d'ordre historique ne préjuge en rien toutefois de la véracité des faits qu'il retranscrit. Si peu que Diogène Laërte, dont nous avons dit le témoignage -- en tant qu'adossé à celui d'Hermodore -- éminemment crédible, rapporte dans ses Vies que Platon aurait quitté Cyrène d'abord pour l'Italie du Sud afm d'y retrouver Philolaos et Eurytos, avant de partir pour l'Égypte238. L'atteste enfin Olympiodore, qui précise sans ambages que Platon a d'abord arpenté les hauts lieux de Grande Grèce avant de gagner l'Afrique239. Une chose au moins apparaît sûre : si donc Platon a bien pu effectuer le voyage de retour depuis l'Égypte (probablement depuis le port et comptoir grec de Naucratis) jusqu'au Pirée, le port d'Athènes, ce ne saurait être du Pirée qu'il aurait effectué son voyage aller. Raison de plus pour ne citer dans le Gorgias que les deux drachmes du voyage retour.

Un examen plus poussé des témoignages des différents auteurs mentionnant l'ordre des escales de Platon au cours de ses grandes pérégrinations de 399 -- 388, laisse aviser un dossier beaucoup plus complexe qu'il y paraît en première analyse. D'autres auteurs évoquent effectivement l'Égypte juste après Cyrène... et avant l'Italie. D'autres auteurs, et non des moindres. Parmi eux, Cicéron240, dont il a été dit précédemment que ses renseignements, d'une grande fiabilité, lui provenaient directement de l'Académie. Également Apulée qui reconduit cet ordre dans le De Platon 241, de même que Jérôme dans sa Lettre 53 242, Olympiodore dans sa Vie de Platon 243 et Psellos dans son épitre sur la Chrysopée 244 Ces témoignages faisant de l'Italie une destination seconde sont en contradiction patente avec ceux précédemment cités qui s'inscrivent dans la ligne de Diogène Laërte. Notre perplexité s'aiguise encore à lire Olympiodore dans l'un et l'autre camp. Nous nous retrouvons donc fort embarrassé. Ne sachant plus à quel historiographe se vouer. Comment résoudre cette antilogie ? Est-ce l'Italie avant l'Égypte ou l'Égypte avant l'Italie ? Peut-on souscrire à l'une quelconque des deux options sans remettre en cause la crédibilité des auteurs partisans de l'autre ?

La solution consiste moins à opposer les deux corpus de témoignages qu'à les considérer comme complémentaires, c'est-à-dire partiels. C'est là la troisième voie, retenue par Fr. Daumas245 comme par

238 Diogène Laërce, op. cit., L. III, 6.

239 Olympiodore le Jeune, op. cit., 41, 7-8.

24° Cicéron, De Republica. De la République, L. I, X, 16.

241 Apulée, op. cit., L. III, 186.

242 Saint Jérôme, Lettre LIAI, dans Correspondance (trad. J. Labourt, 1963).

243 Olympiodore le Jeune, Vita Platonis. Vie de Platon, L. I, éd. Didot, p. 4, col. 1, 1. 13-14.

2` Psellos, Épître sur la chrysopée, V.

243 Fr. Daumas, « L'origine égyptienne de la tripartition de l'âme chez Platon », dans Mélanges A. Gutbub, publications de la recherche, Montpellier, OrMonsp II, 1984, p. 41-54.

81

B. Mathieu246 ainsi que Gomperz247, qui nous permet de rendre ces différentes sources cohérentes entre elles. Il s'agirait d'admettre que Platon a réellement effectué deux voyages en Grande Grèce : l'un après son séjour à Cyrène, l'autre après son séjour en Égypte. H n'y aura pas à s'étonner par suite qu'un certain nombre d'auteurs, en déclinant tous ses voyages, aient fait se succéder l'Égypte à la Cyrénaïque, les deux contrées se situant l'une et l'autre sur le même continent. H y aurait donc non pas un, mais deux grands voyages entrecoupés de plusieurs retours à Athènes, sans doute pour raisons matérielles. La Lettre VII 248 nous apprend au surplus que c'est à l'âge de quarante ans que Platon, pour la première fois, contemple Syracuse. Cela seul, il est vrai, ne permet pas, comme le signale Svoboda249 d'en inférer qu'il s'agissait de son premier séjour en Grande Grèce ; toujours est-il que Platon se trouvait bien à Tarente en 388 et que c'est bien en 388 qui s'est rendu à Syracuse avant de regagner Athènes. La période des grandes pérégrinations seraient donc à situer entre 399 et 388. En combinant l'ensemble des témoignages autorisés, nous obtenons pour ordre de succession des escales de Platon deux séquences distinctes :

Premier voyage

Mégare, chez
Euclide

Athènes (?)

Cyrène, chez
Théodore

Athènes (?)

Tarente (Italie du Sud),
chez Philolaos et
Eurytos

399 av. J.-C.

246 B. Mathieu, « Le voyage de Platon en Égypte », dans Annales du Service des Antiquités de l'Égypte (ASAE) 71, t. LXXI, Le Caire, 1987, p. 153-167.

247 T. Gomperz, op. cit., t. II, p. 266-267.

248 Platon, Lettre VIL 324a.

249 K. Svoboda, « Platon et l'Égypte », dans Archiv Orientalni n°20, Prague, 1952, p. 29.

82

Second voyage

Athènes

Grande Grèce, chez Archytas

Egypte Athènes de Tarente et Denys de

Syracuse

Athènes

388 av. J.-C.

Ce n'est pas par simple jeu d'érudition que nous attachons tant d'importance à ces questions d'itinéraire. Leur importance serait de peu si l'on n'avait tiré prétexte des apparentes contradictions entre ces deux ensembles de témoignages pour récuser la thèse d'un voyage de Platon en Égypte.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery