b. Saint Jérôme
Idée que Jérôme de Stridon, dit saint
Jérôme, reprit à son compte huit siècles
après le périple de Platon : « Platon se rendit en
Égypte, puis chez Archytas de Tarente, et dans la région de
l'Italie que l'on appelait jadis Grande-Grèce -- voyage fort
pénible --, si bien que lui qui était maître tout-puissant
à Athènes [...] devint simple voyageur et élève
»203. Le maître redevient élève. Ainsi
Jérôme interprète-t-il ce voyage d'études comme un
acte de modestie, comparable au célèbre aveu d'ignorance qui
faisait de Socrate, aux dires de la Pythie de Delphes, le plus sage parmi les
hommes204 et plus proche,
Bulletin of the Faculty of Art, Le Caire, Fouad I
University, mai 1951 ; de K. Skobovda, « Platon et l'Egypte », dans
Archiv Orientalm, n° 20, 1952, p. 28-38 ; ou de A. S. Riginos,
Platonica, The anecdotes concerning the life and writings of Plato,
Leyde, 1976, p. 64 sq.
201 Platon, Criton, 50d.
2°2 Apulée, De dogmate Platonis. De la doctrine
de Platon, L. III, 186, col. 1, 1, 54 sq. (trad. J. Beaujeu, 1973).
203 Saint Jérôme, Lettre V, dans
Correspondance (trad. J. Labourt, 1963).
204 Platon, Apologie de Socrate, 21a.
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certainement, de l'humilité chrétienne. La
même épître suggère que Platon aurait pris occasion
de ce voyage pour visiter les hauts lieux de l'Égypte et contempler les
pyramides205. H cite encore Memphis comme l'une des principales
stations du philosophe. Or, la ville de Memphis était connue à
cette époque pour être un centre religieux majeur ou
s'étaient développées, au fil des siècles, des
doctrines extrêmement élaborées et les spéculations
sur la nature divine et sur la création de l'univers. H y avait
là de quoi faire le bonheur d'un philosophe. Si l'on ajoute à
cela que la cité ne se situait qu'à une trentaine de
kilomètres d'Héliopolis, il paraît tout à fait
vraisemblable que Platon ait effectué ce séjour, même s'il
est peu probable qu'il ait eu avec les officiants du temple les entretiens
philosophiques mentionnés par Plutarque2°6
Des maîtres égyptiens
Cela posé, nous sommes naturellement conduit à
nous demander à quel intermédiaire Platon aurait pu avoir recours
pour pénétrer les arcanes de la sagesse égyptienne. La
seule consultation d'écrits s'accorde mal avec l'approche dialectique de
Platon. On ne sait que trop l'importance du dialogue chez l'auteur des
Dialogues. Or, au nombre des témoignages que nous ont
légués ses biographes, un certain nombre vont jusqu'à
donner le nom des interlocuteurs ou des maîtres égyptiens de
Platon. Jacques-Joseph Champollion-Figeac, frère du
célèbre égyptologue français et déchiffreur
des hiéroglyphes, égrenait encore, parmi les mentors potentiels
du philosophe les noms de Paténéït de Saïs, Ochaapis,
d'Héliopolis et Ethêmon de Sébennytos. Nous savons
aujourd'hui le philologue victime d'une confusion : ces noms sont en
vérité ceux des maîtres que Proclus disait avoir
été ceux de Solon dans son Commentaire sur le Timée
207. Nous pouvons donc écarter d'entrée de jeu
ces candidats qui devaient être momifiés depuis longtemps lorsque
Platon est arrivé en Égypte. D'autres auteurs, en particulier
Plutarque208 et Clément d'Alexandrie209, livrent
en revanche des informations à prendre avec sérieux. Sont
avancés les noms de Chonouphis et de Sechnouphis. Que valent ces
témoignages, et quel crédit leur accorder ?
2°5 Saint Jérôme, op. cit., ibid
2°6 Plutarque, Le démon de Socrate,
7, 578f.
207 Produs, Commentaire sur le Timée,
31d.
208 Plutarque, op. cit., ibid
209 Clément d'Alexandrie, op. cit.,
ibid.
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