d. Strabon
Ce n'est pas sans quelques réserves que nous citons
enfin Strabon. Son témoignage nous semble des plus litigieux ; donc
à manipuler avec précaution. L'auteur ne se contente pas, en
effet, de rapporter l'existence de circuits touristiques « sur les traces
de Platon » ; il affirme lui-même le voyage Platon en Égypte,
mais en y associant le nom d'Eudoxe de Cnide. Il prétend de
surcroît avoir lui-même été se rendre sur les lieux
où auraient séjourné les deux amis :
On nous montra aussi la demeure de Platon et d'Eudoxe :
car Eudoxe avait accompagné Platon jusqu'ici. Arrivés à
Héliopolis, ils se fixèrent et tous deux vécurent
là treize ans dans la société des prêtres [..] Ces
prêtres, si profondément versés dans la connaissance des
phénomènes célestes, étaient en même temps
des gens mystérieux, très peu communicatifs, et ce n'est
qu'à force de temps et d'adroits ménagements qu'Eudoxe et Platon
purent obtenir d'être initiés par eux à quelques-unes de
leurs spéculations théoriques.195
Strabon se montre à ce sujet étonnamment
précis. H ajoute que l'astronome et disciple du maître de
l'académie aurait effectué ses relevés depuis un
observatoire égyptien196, cela en vue de composer un livre
dans la lignée d'oeuvre comme celle d'Hérodote, de Ctésias
ou d'Hécatée. Ce livre comportait de larges passages
consacrés aux théories du Nil et des inondations, aux
règles des prêtres d'Héliopolis est mentionné l'une
des tombes supposées d'Osiris ainsi que le mythe d'Ammon. Qu'Eudoxe s'en
soit ouvert à son ami ; que donc Platon et pu recueillir de sa bouche
ces différents éléments pour les
195 Strabon, Géographie, XVII, 1 (trad. A.
Tardieu, 1867).
196 Strabon, Géographie, XIV, 566.
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réinvestir dans ses dialogues, c'est chose plausible.
Qu'Eudoxe soit allé en Égypte, nous ne le contestons pas. Et Ch.
Froidefond nous livre à ce sujet un certain nombre d'indications
bibliographiques à même de nous convaincre si nous ne
l'étions pas déjà197. Qu'il ait
accompagné Platon dans son voyage est en revanche bien plus douteux. Et
nous avons force raison d'être sceptiques, ne serait-ce qu'au vu de la
chronologie198. Cette erreur de Strabon se comprend aisément
dans la mesure où ce dernier n'a pas été directement
témoin du voyage Platon, qu'il relate par ouï-dire. Son
témoignage concernant les circuits touristiques consacrés
à Platon reste en revanche de première main, et nous n'en
demandons pas plus.
Témoins différés
Aux témoignages de première main
précédemment examinés s'ajoutent, datant de toutes
époques, un nombre considérable de références
tardives au voyage de Platon. Mais on peut mentionner ces sources étant
abstraction faite de la forte teneur idéologique qui en motive
certaines. Qu'un document soit motivé par des intentions autres qu'un
simple souci d'objectivité ne signifie pas qu'il n'est pas objectif ;
mais, tout du moins, qu'il ait existé quelque raison pour fabriquer des
faux.
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