L'adhésion de la République Démocratique du Congo à l'OHADA, un atout pour l'attraction des investissements privés( Télécharger le fichier original )par Julio LULU BIN LULU Université protestante au Congo - Licence 2013 |
§ 2. Sécurité judiciaireComme nous avons défini ci-haut, la sécurité judiciaire ne consiste non seulement à l'application uniforme des normes communautaires, mais aussi et surtout l'objectivité des solutions judiciaires les appliquant80(*). L'insécurité judiciaire étant la conséquence de l'insuffisance de formation des professionnels du droit et d'une justice lente et corrompue81(*). La crainte constante des entreprises de la zone OHADA, et au-delà dans toute l'Afrique, est l'insécurité judiciaire qui règne dans l'environnement de tous les jours des entreprises. Les entreprises se retrouvent confrontés à des procédures très longues, à l'issue incertaine des litiges en raison de la formation imparfaite des magistrats ou d'autres causes beaucoup moins avouables telle la corruption, à l'instabilité de la jurisprudence ou encore à l'absence de transparence de celle-ci. « Investir est déjà en soi un risque, même s'il est calculé ; s'il faut doubler ce risque premier inéluctable de celui d'un système juridique fluctuant, ondoyant et insaisissable, il n'y a pas beaucoup d'espoir à susciter l'attrait des investisseurs »82(*). Les Etats membres de l'OHADA se sont donnés pour mission d'assainir l'environnement judiciaire de leurs entreprises et des entreprises étrangères afin que celles-ci puissent enfin évoluer dans un environnement sain. Pour ce faire, les rédacteurs de l'OHADA ont créé deux nouvelles institutions, il s'agit de l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature et de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage83(*). En dépit de son importance, l'Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature que nous avons évoqué ci-haut n'est pas l'organe principal de la sécurisation judiciaire même si elle y participe forcément de par la formation qu'elle dispense en ce qui concerne le droit OHADA et l'enrichissement juridique qu'elle procure aux personnes qui suivent ses enseignements. C'est la raison pour laquelle nous ne développerons pas d'autres réflexions à son sujet. En effet, ce rôle est dévolu à titre principal à la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage. Celle-ci se voit attribuer par le Traité OHADA plusieurs compétences qui concourent à préserver la cohérence et l'unité du droit uniformisé des affaires. La CCJA est un organe très original de par sa forme car, pour la première fois à notre connaissance, une juridiction va à la fois pouvoir traiter de contentieux et d'arbitrage. C'est une institution chargée du contrôle et du règlement des différends dans le nouveau droit des affaires. Le Traité OHADA a prévu une procédure d'arbitrage sous la responsabilité de la CCJA. Cela a pour objet de régler de manière extrajudiciaire un litige et également de combattre le monopole géographique existant en la matière et qui voit la plupart des procédures d'arbitrage se dérouler en Europe, même lorsqu'elles opposent un Etat africain à une entreprise européenne et qu'elles sont relatives à l'inexécution d'un contrat soumis au droit dudit Etat. A. La CCJA comme un garant de la sécurité judiciaire « La garantie d'une sécurité judiciaire dans l'espace de l'OHADA semble encore, en grande partie, un monopole de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage »84(*). Juridiction supranationale et en même temps Centre international d'arbitrage, la CCJA est l'organe juridictionnel du Traité OHADA. Elle dispose à cet effet de compétences et autres attributions que les Etats parties lui ont confié au travers du Traité. Instance juridictionnelle suprême la CCJA a été souhaitée, en raison de ses doubles fonctions juridictionnelles et de centre d'arbitrage, comme la plus indépendante possible des Etats Parties. Ainsi, afin d'éviter que chaque Etat Partie y ait son juge, elle n'est composée que de Sept juges, des Etats Parties, tous de nationalités différentes. Le Traité précise même spécifiquement en son article 31 qu'elle ne peut comprendre plus d'un ressortissant d'un même Etat. Nous allons traiter ici de la fonction juridictionnelle de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage. 1. La compétence supranationale de la CCJA Comme le précise l'article 14 du traité, « la Cour commune de justice et d'arbitrage assure dans les Etats Parties l'interprétation et l'application commune du présent Traité, des Règlements pris pour son application et des Actes uniformes ». Au niveau national, les juridictions demeurent compétentes pour connaître des litiges portant sur des matières non régies par les actes uniformes ainsi que du contentieux relatif à l'interprétation et à l'application des actes uniformes, mais seulement aux premier et deuxième degrés. En tant que juridiction de cassation, la CCJA est régie par une procédure particulière. Pour la saisir, il faut former un pourvoi contre une décision rendue en dernier ressort par les juridictions nationales du fond. Lorsqu'elle casse une décision d'une juridiction nationale du fond, elle ne renvoie pas l'affaire. En effet, elle évoque et statue au fond. La CCJA peut donc être saisie par voie de pourvoi en cassation contre les décisions rendues par les cours d'appel et celles qui ne sont pas susceptibles d'appel. Mais elle peut aussi « être consultée par tout Etat partie ou par le Conseil des Ministres » ainsi que par les juridictions nationales (appelées à statuer sur le contentieux relatif à l'application des actes uniformes) sur les questions concernant l'interprétation et l'application du traité85(*). Les Cours suprêmes perdent ainsi toute compétence dans les matières du système OHADA. Instance supranationale, la CCJA devient l'unique cour de cassation des pays membres de L'OHADA en matière de droit uniforme des affaires. Seules lui échappent les décisions appliquant des sanctions pénales. B. Arbitrage comme mode par excellence de règlement de différends L'un des piliers de l'harmonisation du droit des affaires en Afrique est la création d'un droit de l'arbitrage se positionnant clairement dans la modernité86(*) Les motivations qui consacrent l'arbitrage comme mode de règlements de litiges à caractère commercial sont de plusieurs ordres : l'aspiration à une justice mieux administrée, les parties souhaitent voir un autre droit appliqué autre que celui prescrit par l'Etat, c'est-à-dire un droit fondé sur les usages du commerce ou de la lex mercatoria87(*). Aussi, les parties souhaitent également que le litige soit réglé autant que possible à leur satisfaction mutuelle et que celui-ci ne vienne pas troubler les rapports que dans l'avenir elles (les parties au litige) comptent continuer à avoir l'une avec l'autre. En outre, le désaccord qui s'est élevé entre les parties n'a pas le caractère d'une contestation juridique et ne pourrait donc pas être porté devant les tribunaux. L'arbitrage avait tout pour plaire aux opérateurs économiques car c'est une méthode de règlement de litiges qui répond aux exigences clés du commerce à savoir la confidentialité et la rapidité. Le but de l'arbitrage était donc d'éviter de donner au litige un caractère épineux afin de ne pas geler les relations existant entre les opérateurs commerciaux des différents pays. Les opérateurs commerciaux règlent grâce à l'arbitrage les différends qui peuvent les opposer de manière « amicale »88(*). Les deux conceptions classiques de l'arbitrage y sont reconnues (l'arbitrage institutionnel et l'arbitrage ad hoc), selon un schéma classique reposant sur des dispositions qui se substituent au droit interne et s'appliquent à tout arbitrage dans les Etats parties (il suffit que le siège arbitral se situe dans l'un des Etats parties), la forme de la clause d'arbitrage importe peu (clause compromissoire ou compromis d'arbitrage)89(*). Deux séries de dispositions sur l'arbitrage coexistent dans le système OHADA. D'un côté, l'arbitrage institutionnel de la CCJA reposant sur un règlement qui subordonne Ce mode de règlement des différents à deux conditions (article 21, alinéa 1) : d'une part, le litige en cause doit être d'ordre contractuel ; d'autre part, il faut, soit que l'une des parties au moins ait son domicile ou sa résidence dans l'un des Etats parties, soit que le contrat soit exécuté ou à exécuter en tout ou partie dans un ou plusieurs pays membres90(*). Sans trancher les différents, la CCJA assure un encadrement de l'arbitrage institutionnel. Elle ne nomme pas directement les arbitres (sauf en cas de désaccord des parties dans le choix des arbitres), mais se limite à confirmer les arbitres désignés par les parties. Elle est informée du déroulement de l'instance et examine les projets de sentence (article 21, alinéa 2 du traité). D'un autre côté, qu'il soit ad hoc ou institutionnel, l'arbitrage fait l'objet d'un Acte uniforme relatif à l'arbitrage (arbitrage ad hoc) et par le règlement d'arbitrage de la CCJA (arbitrage institutionnalisé)91(*). Cet Acte uniforme organise toutes les étapes de l'arbitrage : désignation du tribunal arbitral, convention d'arbitrage, mission des arbitres, sentences, recours, exécution. Toute personne physique ou morale de droit privé comme de droit public, peut recourir à l'arbitrage institutionnel ou ad hoc selon les deux mécanismes classiques : la clause compromissoire en vertu de laquelle les parties s'engagent à soumettre à l'arbitrage tout litige qui surgirait entre elles ; le compromis d'arbitrage qui, après la naissance d'un litige, est conclu entre les parties. Qu'il soit institutionnel ou ad hoc, les conditions ci-après doivent être réunies pour que l'arbitrage soit appliqué : · qu'il y ait une clause compromissoire ou un compromis d'arbitrage ; · que l'une des parties au différend ait son domicile ou sa résidence habituelle dans un Etat Partie ou que le contrat soit exécuté ou à exécuter en tout ou en partie sur le territoire d'un ou plusieurs Etats Parties ; · qu'il s'agisse d'un différend contractuel92(*). * 80 Voir KEBA Mbaye, L'histoire et les objectifs de l'OHADA, Petite affiches Numéro spécial du 13 octobre 2004, p.4. * 81 J. KAMGA, op cit, p.2. * 82 POLO Aregba "L'OHADA : histoire, objectifs, structures" in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, Bruylant 2000. P. 9. * 83 J. KAMGA, op cit, p.48. * 84 Sont les propos du professeur Fénéon Alain de l'Université du Cameroun lors d'une Conférence sur l'OHADA anumée à Kinshasa le 29 mars 2013. * 85 R. MASAMBA Makela, op cit, p.36. * 86 MBAYE Mayatta, L'arbitrage OHADA : réflexions critiques, Mémoire de DEA, 2001, p.86. * 87 DONGMEZA NAWESSI, L'arbitrage et la promotion des investissements dans l'espace OHADA, mémoire, 2008, p.49. * 88 P. MEYER, Droit de l'arbitrage, Collection droit uniforme africain, Bruxelles, Bruylant, 2002, 108. * 89 P. MEYER, Droit de l'arbitrage OHADA, éd Bruylant, Bruxelles, 2002, p.58. * 90 P. MEYER, op cit., p.270. * 91 Acte uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l'arbitrage (AUA). * 92 P. MEYER, op cit, p.70. |
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