B- Le concours inexistant de la Commission de la CEMAC
Le concours de la Commission de la CEMAC comporte deux
aspects, celui de son soutien à la mise en oeuvre du droit de la
Communauté (1), et celui de son contrôle sur l'application des
normes communautaires par les Etats membres(2).
1- En matière de soutien à l'application
des normes communautaires195
Sur le point du soutien à la mise en oeuvre du droit
communautaire, on peut remarquer l'insuffisante diffusion des normes
communautaires, car même si les gouvernements des Etats membres sont les
destinataires légitimes de ces normes, il est nécessaire au stade
de leur application, d'associer les acteurs non-étatiques
(société civile, secteur privé, les Barreaux, etc.).
En outre, la Commission de la CEMAC n'a pas mis en place de
dispositif d'accompagnement des Etats membres pour l'application des normes
communautaires. Il semble pourtant utile, pour la transposition des directives
par exemple, que la Commission puisse soutenir même matériellement
ou financièrement les Etats membres. Une plus grande implication de la
Commission à ce stade permettrait d'anticiper d'éventuels
manquements, et faciliterait le contrôle de la transposition des
directives.
La Commission doit établir un véritable
dispositif de dialogue entre elle et les Etats membres, afin de palier au mieux
les faiblesses des administrations nationales en matière d'application
du droit communautaire.
Dans le cadre par exemple de la transposition des directives
UEMOA relatives aux marchés publics, adoptées le 09
décembre 2005 par le CM, la Commission de l'UEMOA s'est faite
accompagner d'un Observatoire Régional des Marchés Publics (ORMP)
dont les missions étaient la surveillance multilatérale et le
pilotage du Projet de Réforme des Marchés Publics dans l'espace
UEMOA. Plusieurs réunions ont été mises en oeuvre, et ont
permis à la Commission de suivre efficacement l'exécution des
directives par les Etats membres.
La Commission européenne dispose par exemple de la
directive notification 83/189/CEE du 28 mars 1983 et codifiée par la
directive 98/34/CE du 22 juin 1998. C'est une directive qui oblige les
Etats membres à notifier à la Commission les
réglementations
195 C'est également le cas au sein de l'UEMOA, voir
DETCHENOU (Y.), Op.Cit
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nationales contenant des règles techniques à
l'état de projet, c'est un véritable instrument de dialogue entre
la Commission européenne et les Etats membres.
2- En matière de contrôle de l'application
des normes communautaires
Sur l'aspect du contrôle, aucune disposition du
Traité CEMAC du 16 mars 1994 ne prédisposait le
Secrétariat exécutif (S.E) à une mission de contrôle
sur la mise en oeuvre du droit CEMAC dans les Etats membres. Selon les
dispositions de l'article 17, il était chargé de l'animation de
l'UEAC. Difficile alors de voir dans cette formule du « législateur
communautaire » un quelconque pouvoir de contrôle sur la mise en
oeuvre conforme du droit CEMAC par les Etats membres. C'est sans doute pour
palier en partie cette insuffisance, que le Comité Inter-Etats
réuni à Malabo en juin 2005, avait recommandé
l'institution d'un régime juridique de sanctions au sein de la
Communauté196.
Le S.E est remplacé en 2007 par la Commission, mais il
faut attendre les réformes institutionnelles de 2008, avec comme point
majeur la révision du traité CEMAC et des conventions
subséquentes, pour entrevoir des changements positifs.
Le Traité CEMAC révisé du 25 juin 2008
institue un régime de sanction en son article 4 al 2197 et
définit des missions précises et claires pour la Commission de la
CEMAC, elle « assure la mission de gardienne des Traités de la
CEMAC »198, elle « veille au respect et à
l'application, par les Etats membres ou leurs ressortissants, des dispositions
du présent Traité et des Actes pris par les organes de la
Communauté »199, ainsi qu'« à la
mise en oeuvre du présent Traité, des conventions et des
décisions de la Communauté. Elle veille également à
la réalisation des objectifs en matière d'intégration
»200. Ces missions rapprochent plus que jamais la
commission de la CEMAC de la Commission européenne201,
notamment en matière de contrôle de l'application du droit
communautaire. C'est la raison pour laquelle en l'absence de faits empiriques
témoignant de l'exercice de son contrôle par la Commission de
196 Rapport du comité inter Etat du 25 juin 2005 à
Malabo en Guinée Equatoriale.
197 « En cas de manquement par un Etat aux
obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire, la Cour de
Justice peut être saisie en vue de prononcer les sanctions dont le
régime sera défini par des textes spécifiques.
»
198 Article 34 al 2 du traité CEMAC
révisé.
199 Article 35 al 6 Op. Cit.
200 Article 35 al 11 Op. Cit.
201 Les missions de la commission européenne sont
définies à l'article 211 du TCE.
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la CEMAC202, nous nous inspirerons des faits de la
commission européenne pour présenter la substance de ce
contrôle.
Concrètement, la Commission européenne publie
chaque année un rapport sur l'application du droit communautaire
établissant la liste des manquements à leurs obligations
imputables aux Etats membres, tenus de lui notifier par voie
électronique les textes pris pour la transposition en droit interne des
directives. Ce rapport est présenté au Parlement
européen.
L'action de contrôle de la commission européenne
en matière de mise en oeuvre des directives communautaires par les Etats
membres est axée sur trois secteurs : la communication des mesures
nationales d'exécution (MNE), la mauvaise application des directives, et
la conformité des MNE203, avec près de 80% de son
effort de contrôle sur la communication des MNE204.
Le contrôle se manifeste à travers des
opérations périodiques de mise en demeure au caractère
systématique et exhaustif (tous les secteurs du marché commun
sont concernés), avec entre autre une périodicité
très serrée (elles se tiennent tous les deux mois)205.
La Commission peut alors après une mise en demeure206, et
après un avis motivé contre une possible infraction207
qu'elle aura elle même constatée ou qui lui aura été
signalée par un Etat membre, et en cas de persistance de l'infraction,
conduire une action en justice contre l'Etat fautif devant la
CJCE208. La Commission a en outre la possibilité de saisir
directement la CJCE lorsqu'elle
202 La Commission de la CEMAC est pour l'instant dans
l'impossibilité d'agir, dans la mesure où le Traité CEMAC
révisé et les conventions subséquentes ne sont pas encore
entrés en vigueur. Il faut notamment que tous les instruments de
ratification des Etats membres soient au préalable déposés
au près du Tchad (article 66 du Traité révisé). Le
Cameroun a déjà ratifié le Traité CEMAC
révisé et les conventions subséquentes, en vertu de la Loi
N° 2011/016 du 15 juillet 2011 autorisant le Président de la
République à ratifier le traité révisé de la
CEMAC et les conventions s'y rapportant, et par décret n° 2011-239
en date du 9 août 2011.
203 Voir le Livre blanc sur la gouvernance européenne,
« rapport sur l'application du droit communautaire par les Etats
membres et sur le contrôle de celle-ci par la commission, contenant des
recommandations en vue de les améliorer du point de vue de la
gouvernance démocratique européenne », Commission
européenne/Secrétariat général, Bruxelles, 25 juin
2001, p. 93.
204 Ibid. p.95.
205 Ibid.
206 A titre indicatif en 2001, 1050 lettres de mise en demeure
ont été envoyées, contre 569 motivés et la Cour a
été saisie « seulement » 162 fois. Il faut souligner
que ces chiffres sont en constante augmentation d'une année à
l'autre. Ils sont passés de 2 356 en 2002 à 2 709 en 2003. Voir
MUNOZ (R.), «Le contrôle de l'application du droit communautaire
nécessité d'améliorer les outils actuels et obligation
d'en proposer de nouveaux », Université de
Liège/Institut d'Etudes Juridiques Européennes, 2007, p.10.
207 Concernant les infractions, Le nombre de dossiers
d'infractions en cours en 2001(tous secteurs confondus) s'élevait
à 3360 et en 2002 à 3541. Evidemment l'ensemble de ces cas ne
donne pas lieu à la saisine de la Cour de Justice. Ibid.
208 Voir les articles 226 et 227 du TCE.
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l'estime nécessaire, par dérogation aux articles
226 et 227209, qui instaurent la procédure normale de saisine
de la CJCE contre tout manquement d'un Etat. Ce contrôle de la Commission
est mené notamment dans le cadre de la procédure du recours en
manquement, c'est le contrôle « ex-post »210.
La commission européenne dispose aussi d'un
contrôle « ex-ante »211, instauré par la
directive notification 83/189/CEE du 28 mars 1983 et codifié par la
directive 98/34/CE du 22 juin 1998. C'est une directive qui oblige les Etats
membres à notifier à la Commission les réglementations
nationales contenant des règles techniques à l'état de
projet. Cet instrument vise donc à instaurer un dialogue entre la
Commission et les Etats membres mais également entre les Etats membres
entre eux afin d'éviter de futures violations du droit communautaire.
Au regard de ce qui précède, il semble alors
assez logique de penser que les actions à venir de la commission de la
CEMAC iront dans le même sens que celles de la commission
européenne, notamment en matière de contrôle de
l'exécution des directives.
Le contrôle de la commission de la CEMAC doit donc
être mis en oeuvre de manière effective et efficace, dans la
mesure où lui seul peut induire une implication déterminante de
la CJC, et par ricochet réduire les contraintes juridictionnelles de
l'application du droit communautaire en zone CEMAC.
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