B- Un acte singulier dans sa mise en oeuvre
Le «législateur communautaire» a notamment
consacré en la directive communautaire, un acte juridique au faible
pouvoir de pénétration des ordres juridiques nationaux,
c'est-à-dire dépourvu d'effet direct (1), toutefois, cette
position doit tout de même être relativisée, au regard de
l'évolution de la jurisprudence communautaire, qui consacre sous
certaines conditions l'effet direct des directives communautaires (2).
1- La transposition, condition de l'applicabilité
directe de la directive communautaire
Il suffit de lire la définition que donne le
législateur CEMAC de la directive, pour comprendre que ce dernier
consacre un acte juridique qui ne peut produire tous ses effets que grâce
à l'intervention des autorités nationales, un acte juridique au
régime juridique réellement souple.
L'article 41 du traité CEMAC révisé
dispose que : « Les directives lient tout Etat membre destinataire
quant au résultat à atteindre tout en laissant aux instances
nationales leur compétence en ce qui concerne la forme et les moyens
». Les directives CEMAC tout comme les directives UEMOA et
européennes ne possèdent donc pas d'effet direct, et doivent
passer par des mesures nationales de transposition pour être
invoquées par un ressortissant communautaire devant une juridiction
nationale.
Les directives lient les Etats destinataires par les
résultats qu'elles fixent, le législateur communautaire en
imposant ainsi aux Etats membres un impératif de résultat,
respecte l'autonomie de ces derniers pour ce qui est des moyens à
employer pour se conformer aux exigences communautaires.
78 CJCE Simmental, 9 mars 1978, aff. 106/77, Rec. p. 629.
29
Le législateur CEMAC a notamment choisi cette formule
et ce régime juridique pour la directive, dans le but de servir un
objectif bien précis, l'harmonisation des législations
nationales. Si le règlement semble plus efficace et plus utilisé
notamment en zone CEMAC, il n'en reste pas moins que contrairement à la
directive communautaire, il ne ménage aucunement les
réalités ou les spécificités nationales. La
directive a donc l'avantage de procéder à un simple encadrement
par des principes communs, elle permet aux législations nationales de
subsister sous réserve de leur mise à jour.
La directive ainsi agencée, cela semble judicieux, au
regard notamment des domaines dans lesquels elle intervient, des domaines
où la législation existante est complexe,
volumineuse79 et nécessite d'être adaptée aux
objectifs du traité.
Mais vouée à l'office des Etats membres, la
transposition souffre assez souvent de manquements qui hypothèquent
l'effet direct des directives, il peut s'agir du non respect des délais,
d'une norme de transposition ou de pratiques nationales non conformes aux
objectifs de la directive80, ou même d'une non transposition
de la directive communautaire. Le juge communautaire a alors
développé une solution particulière qui permet à la
directive communautaire sous certaines conditions de bénéficier
de l'effet direct.
2- L'effet direct de la directive
communautaire
Les juges CEMAC et UEMOA n'ont pas encore eu à se
prononcer sur l'effet direct des directives communautaires, c'est pourquoi la
solution retenue ici est celle développée par la CJCE, notamment
à partir de l'arrêt Van Duyn du 4 décembre
197481.
La CJCE établit des conditions à remplir par les
dispositions de la directive concernée pour bénéficier de
l'effet direct. Seules les dispositions suffisamment « précises et
inconditionnelles » des directives produisent un effet direct et peuvent
être invoquées par le justiciable « à
défaut de mesures d'application prises dans les délais à
l'encontre de toute
79 AUGROS (L.), « l'application des directives
marchés publics des travaux en France et au Royaume Uni », IEP
de Lyon, juin 2004, p.35.
80 Voir TATY (G.), Op. Cit.
Malgré l'harmonisation en zone CEMAC des
législations des Etats membres en matière de TVA, on note :
-l'augmentation unilatérale du taux de TVA (25%) part rapport à
la fourchette de taux fixée par la direct ive communautaire (12 à
18%) ; -le non respect des privilèges ou avantages accordés aux
institutions et organes internationaux par certaines conventions
internationales ou sous régionales et accords de siège ; -la
limitation unilatérale de la liste communautaire des produits
exonérés ; -le non remboursement ou la non
déductibilité des crédits de TVA. Voir TATY, Op. Cit.
81 SAURON (J-L.), L'application du droit de l'Union
Européenne en France, édition La documentation
française, Edition La documentation Française, collection «
Réflexe Europe », 2ère édition, 2000,
p.44.
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disposition nationale non conforme à la directive,
ou encore en tant qu'elles sont de nature à définir des droits
que les particuliers sont en mesure de faire valoir à l'égard de
l'Etat »82.
Est notamment précis ce qui « énonce
une obligation dans les termes non équivoques »83,
et inconditionnelle « l'obligation qui n'est assortie d'aucune
condition ni subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets,
à l'intervention d'aucun acte soit des institutions de la
communauté, soit des Etats membres »84. Ces
définitions laissent une marge d'interprétation large au juge
communautaire ; en effet, le critère déterminant du
caractère d'effet direct des dispositions de la directive
concernée est l'étendue de la marge d'application que la
directive laisse aux Etats membres.
La jurisprudence de la CJCE se fondant sur l'effet utile des
directives, reconnait alors à certaines dispositions de celles-ci
l'effet direct vertical ascendant, mais ne reconnait ni l'effet direct vertical
descendant, ni l'effet direct horizontal.
L'effet direct vertical ascendant signifie que les
justiciables peuvent se prévaloir envers les autorités publiques
nationales des dispositions d'une directive non transposée. En effet,
dans son arrêt du 26 février 1986, M.H Marshall c. Southampton
et South-West Hampshire Area Health Authority (Teaching), Demande de
décision préjudicielle, Court of Appeal, Royaume-Uni, la
CJCE consacre la solution de « l'effet direct vertical ascendant »
des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, et
n'admet aucunement l'effet direct horizontal (en faveur d'un particulier
à l'encontre d'un particulier), dans la mesure où la directive ne
crée en aucun cas directement de droits et obligations dans le chef des
particuliers85, le caractère contraignant de la directive ne
vaut qu'à l'égard des Etats membres ; une justification qui vaut
également pour le refus de la CJCE d'admettre l'effet direct vertical
descendant (en faveur de l'Etat à l'encontre des particuliers).
Cette solution de la CJCE relativise ainsi la
nécessité de la transposition, pour que la directive produise des
effets directement dans le champ des particuliers, toutefois elle reste
subordonnée à l'écoulement du délai de
transposition. Il est également important de préciser que cette
solution ne remplace aucunement l'obligation de transposition qui seule
intègre matériellement les objectifs de la directive
communautaire en droit national.
82 CJCE 19 janvier 1982, Ursula Becker, aff 8/81, Rec. p. 53.
83 CJCE 23 février 1994, Comitato di
coordinamento per la difesa della cava, aff. 236/92, Rec. p. 497.
84 CJCE 3 avril 1968, Molkerei-Zentrale, aff. 28/67, Rec. p.
211.
85 Conseil d'Etat français 22 décembre
1978, aff Conhn-Bendit, Rec. p. 80.
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On ne peut qu'espérer tout de même, que le juge
CEMAC au regard des réformes engagées depuis 2008, s'alignera sur
la position de la CJCE afin de baliser de manière efficace l'usage au
sein de la sous-région de cet acte, qui peut être appelé
à se multiplier davantage, eu égard à la signification que
revêt l'obligation de transposition pour les Etats membres.
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